Le lundi 20 novembre 2023, le secrétaire général de l’OTAN, le Norvégien Jens Stoltenberg, s’est rendu à Pristina pour rencontrer la présidente du Kosovo, Vjosa Osmani, afin de discuter de la sécurité au Kosovo et dans la région des Balkans occidentaux.
Le retour de la violence au Kosovo
Le 24 septembre, dans le village de Banjska, au nord du Kosovo, la police kosovare a affronté une trentaine de combattants lourdement armés qui bloquaient les accès au village. Cet affrontement, qui a duré une dizaine d’heures, a coûté la vie à un policier kosovar et à trois assaillants.
Les autorités ont interpellé deux individus, tandis que le reste a échappé aux forces de l’ordre. L’incident a pris une dimension préoccupante avec la révélation que les assaillants, qualifiés de « militants serbes », disposaient d’un arsenal conséquent comprenant des armes lourdes, des drones, un véhicule blindé, des uniformes militaires, des fusils automatiques, des mortiers et des explosifs.
Les autorités kosovares avancent l’hypothèse d’une implication serbe, car une vidéo de drone diffusée par la police kosovare révèle la participation de Milan Radoicic, alors vice-président de la Liste serbe pour le Kosovo, considérée comme le bras politique de Belgrade dans le nord du Kosovo, renforçant ainsi l’hypothèse d’un complot orchestré depuis la Serbie.
L’impossible cohabitation entre la Serbie et le Kosovo
Si la tension monte entre ces deux États, c’est parce que la Serbie ne reconnaît pas l’indépendance du Kosovo. Province autonome sous la République de Serbie à partir de 1946, elle-même faisant partie des 6 entités composant la Yougoslavie.
En 1989, le président serbe nouvellement élu, Slobodan Milošević, prend des mesures drastiques pour restreindre l’autonomie de la province du Kosovo en modifiant la Constitution. Cette action déclenche un mouvement de révolte parmi la population albanaise, qui constitue alors près de 90% de la population kosovare. Parallèlement à la chute du mur de Berlin la même année, cette contestation est initialement menée de manière non-violente sous l’impulsion d’Ibrahim Rugova, fondateur de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) et surnommé le « Gandhi des Balkans » en raison de son engagement en faveur du pacifisme.
Avec l’implosion de la Yougoslavie en 1991, les déclarations d’indépendance de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine inspirent les Albanais du Kosovo à voter favorablement à la proclamation de l’indépendance du Kosovo lors d’un référendum clandestin.
Le résultat n’est pas reconnu par la communauté internationale et par la Serbie, qui instaure à la suite un régime répressif et discriminatoire au Kosovo. Cette situation amène à la création d’une organisation paramilitaire, en 1996, appelée l’armée de libération du Kosovo (UÇK).
En 1998, elle mène une série d’attaques contre les autorités yougoslaves au Kosovo, qui rétorquent en augmentant la présence de forces paramilitaires serbes et de forces de la République fédérale de Yougoslavie. Ces unités commencent par la suite à mener une campagne de représailles contre les sympathisants de l’UÇK et les opposants politiques.
Pour stopper ce conflit, la France et la Grande-Bretagne convoquent tous les protagonistes pour mener des négociations au château de Rambouillet. Malheureusement, les négociations échouent, et le 20 mars 1999, les forces yougoslaves lancent une campagne massive de répression et d’expulsions d’Albanais du Kosovo. Le 23 mars 1999, l’OTAN réagit en déclenchant l’opération « Allied Force » contre la République fédérale de Yougoslavie sans la soumettre au vote du Conseil de sécurité, craignant le veto de Pékin et Moscou. Belgrade est bombardée par les forces aériennes de l’OTAN. Les combats dureront 78 jours.
L’indépendance du Kosovo, la question qui divise
Milosevic est contraint à la capitulation le 3 juin 1999 et le 10 juin 1999, le Kosovo, faisant toujours officiellement partie de la Serbie, devient une province sous administration internationale dont le statut final reste à déterminer. Cependant, la majorité albanaise souhaite une indépendance que la communauté internationale ne veut pas encore lui reconnaître, de crainte d’une possible déstabilisation régionale.
Les Serbes demeurés au Kosovo sont à leur tour victimes d’exactions. Nombre d’entre eux fuient et se réfugient en Serbie. Le Kosovo déclarera son indépendance le 17 février 2008, largement soutenue par les Occidentaux. Mais cette déclaration d’indépendance ne fait pas l’unanimité dans le monde et même si le Kosovo est membre de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international, il n’a pas encore été admis comme membre par l’ONU et au sein d’autres organisations internationales.
Aujourd’hui, si l’OTAN semble si préoccupée par la situation entre les deux pays, c’est parce qu’elle y mène une mission de maintien de la paix depuis la fin de la guerre, sous mandat onusien, avec la KFOR (Force pour le Kosovo).
De plus, à la fin du mois de mai 2023, une trentaine de soldats de la KFOR ont été blessés lors de heurts avec la population serbe qui refusait la prise de fonction de maire d’origine albanaise dans des villes au nord du Kosovo.
Ainsi, pour réaffirmer sa présence et sa volonté de maintenir la paix, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a entamé une tournée diplomatique dans les Balkans occidentaux en déclarant : « À chacune de mes étapes, j’ai souligné que, pour que la stabilité des Balkans occidentaux soit assurée, il fallait que toutes les parties choisissent le dialogue et la diplomatie, et non pas le conflit et le chaos. La région revêt une importance stratégique pour l’OTAN, mais elle est également source de préoccupation », a-t-il ajouté.
Ainsi, pour se renforcer, l’OTAN a annoncé des renforts humains et matériels aux missions de maintien de la paix dans la région, dont la KFOR.
Le Kosovo, une poudrière au milieu de l’Union Européenne ?
Enfin, dans un contexte où la guerre en Ukraine s’enlise, on peut se demander si Jens Stoltenberg ne sous-entendait pas le retour de l’influence russe dans la région et la crainte de l’ouverture d’un « second front » en instrumentalisant leur présence dans la région pour aggraver la déstabilisation des Balkans occidentaux et perturber les voisins de l’Union européenne.
Ces opérations, menées par Moscou, visent, d’une part, à augmenter son influence afin de ralentir les processus d’intégration euro-atlantiques des pays qui se rapprochent des Occidentaux et, d’autre part, à affaiblir le soutien militaire de l’Union européenne à l’Ukraine.
Quelques sources et liens utiles
Nato. Nouvelles. NATO.
Péan, Pierre, édition Fayard, Kosovo, une guerre juste pour un état mafieux, 2013
Le dessous des cartes – Balkans : vents d’Ouest, vents d’Est | ARTE 2022.
Boniface, Pascal, La guerre du Kosovo (1998-1999), Atlas des relations internationales: 100 cartes pour comprendre le monde de 1945 à nos jours (pp. 77-77). Paris: Armand Colin. 2022