L’histoire de l’humanité est jalonnée de découvertes qui, pièce par pièce, composent le vaste puzzle de notre passé. Parmi celles-ci, le Garçon de Turkana occupe une place de choix, offrant un aperçu sans précédent de notre évolution.
Découvert au Kenya, ce squelette quasi-complet d’Homo ergaster éclaire d’un jour nouveau notre compréhension de l’Homo erectus et de ses descendants. Pour information, Homo ergaster est souvent considéré comme une espèce africaine étroitement liée à, ou même une sous-population de, Homo erectus.
Un squelette exceptionnel pour la science !
En 1984, au cœur des rives désolées du lac Turkana au Kenya, une équipe dirigée par Richard Leakey fait une découverte sensationnelle. Un squelette presque complet, datant d’environ 1,6 million d’années, émerge des sables, offrant un témoignage inestimable sur l’un de nos lointains ancêtres. Cet adolescent, qui deviendra célèbre sous le nom de Garçon de Turkana, révolutionne notre compréhension de la préhistoire.
Le Garçon de Turkana, connu scientifiquement sous le nom de KNM-WT 15000, se distingue par sa remarquable conservation. Avec plus de 108 os de son squelette récupéré contre en moyenne 206 os pour un Homo sapiens adulte. Il s’agit de l’un des fossiles humains les plus complets jamais trouvés, permettant aux scientifiques d’étudier en détail la physiologie et le mode de vie de nos ancêtres.
L’analyse du squelette révèle des informations cruciales sur la croissance, la santé et même la démarche de cet individu, offrant des indices sur l’évolution de la bipédie, l’une des caractéristiques de l’humanité.
Une morphologie à étudier
La physiologie du Garçon de Turkana, notamment la structure de son bassin, révèle des indices précieux sur sa locomotion et son sexe.
Ce bassin, légèrement plus large que celui observé chez l’Homo sapiens mais plus étroit que chez les Australopithèques, indique une capacité à la marche bipède optimisée. Une évolution notable vers une efficacité de déplacement similaire à celle de l’homme moderne.
Ses jambes longues et bien proportionnées le classent parmi les bons marcheurs de son époque.
Son crâne conserve des traits primitifs — un front bas et une proéminence orbitaire marquée — tout en présentant un volume crânien de 880 cm³, significativement plus grand que celui de l’Homo habilis.
Cela témoigne d’une évolution vers une capacité cérébrale accrue.
En outre, l’adaptation de sa morphologie pour une meilleure dissipation de la chaleur, suggère une moindre pilosité par rapport à ses ancêtres, avec notamment un système de transpiration développé, proche de l’Homo sapiens.
Ces adaptations sont essentielles à la survie sous le climat africain.
Ce profil morphologique associe agilité, traits crâniens archaïques mais en évolution, et adaptations thermorégulatrice. Elle illustre l’importance du Garçon de Turkana pour comprendre l’évolution de la bipédie et la survie dans les environnements préhistoriques africains.
| Taille | Silhouette | Boîte crânienne | |
|---|---|---|---|
| Australopithèque | 1,20 m | Jambes courtes | Petit volume |
| Garcon de Turkana | 1,65 m | Elancée | Moyen volume |
| Néandertal | 1,65 m | Trapue | Grand volume |
L’âge du Garçon de Turkana
L’âge et la croissance du Garçon de Turkana ont fait l’objet de révisions importantes, démontrant la complexité de l’interprétation des données fossiles.
Initialement estimé à environ 12 ans à son décès, de nouvelles analyses ont réajusté cet âge à environ 8 ans, remettant en question les modèles de croissance basés sur l’Homo sapiens. Ces réévaluations suggèrent que KNM-WT 15000, déjà mesurant 1,54 m à son décès, aurait atteint une taille adulte entre 1,59 m et 1,68 m, achevant sa croissance vers 12 ans. Cette révision éclaire la croissance unique d’Homo ergaster, positionné entre Homo sapiens et les chimpanzés en termes de développement.
Individu d’une dizaine d’années qui mesure déjà 1,60 mètre ! Son squelette locomoteur se compare au nôtre dans toutes ses parties, sauf le haut de la cage thoracique, qui n’est pas aussi souple comme une conformation de l’épaule pas tout à fait humaine ; dernière réminiscence du monde des arbres…
Pascal Picq, Premiers hommes, Flammarion, 2018
Ajout d’un titre
L‘étude du Garçon de Turkana a permis de remettre en question et d’affiner plusieurs théories sur l’évolution humaine. Son anatomie suggère une capacité à parcourir de longues distances à pied, un trait adaptatif crucial pour la survie dans les savanes africaines. De plus, la structure de son bassin et de ses membres inférieurs offre des indices sur la bipédie efficace, tandis que la taille de son cerveau invite à reconsidérer les liens entre développement cognitif et adaptation environnementale.
Au-delà de son importance scientifique, le Garçon de Turkana est devenu un symbole de la richesse du patrimoine préhistorique africain. Sa découverte a suscité un intérêt mondial pour la paléoanthropologie et a renforcé l’idée que l’Afrique est le berceau de l’humanité. Les débats autour de sa conservation et de son exposition reflètent les enjeux associés à la gestion et à la valorisation du patrimoine archéologique mondial.
Nous évoquions dernièrement le jeu vidéo Ancestors: The Humankind Odyssey, qui nous permet de vivre au travers des Homo ergaster.
Quelques liens et sources utiles
L’adolescent du Lac Turkana : Nariokotome Boy, Musée Préhistoire Eyzies
Turkana boy, Hominides
Pascal Picq, Premiers hommes, Flammarion, 2018
