Le tennis moderne trouve ses origines dans un passé lointain. Basé sur le jeu de paume très populaire en France au cours du Moyen-Age, il est introduit en Angleterre pendant la guerre de Cent Ans, à la suite de la captivité de nobles français. Ce n’est que des siècles plus tard que le tennis, dans sa forme moderne, effectue le chemin inverse pour retourner sur sa terre d’origine.
Comment les « Internationaux de France » appelés également « Roland-Garros » sont-ils devenus l’un des tournois les plus prestigieux du circuit mondial du tennis ?
L’arrivée du tennis en France
Au milieu du XIX ème siècle, la Révolution industrielle bat son plein en Angleterre. La Couronne britannique possède avec son immense empire colonial la première économie mondiale. Ainsi, la classe aisée détient un pouvoir d’achat élevé et du temps libre qu’elle doit occuper. Certains aristocrates britanniques s’adonnent alors à la création de loisirs pour passer le temps dans leurs grandes propriétés en utilisant leurs pelouses très bien entretenues.
C’est également à cette époque que des universités anglaises, disposant également de structures adéquates, inventent des sports collectifs. Ils les reprennent de pratiques moyenâgeuses pour les moderniser et les codifier. Par exemple, la soule et ses dérivés permettent la création du football et du rugby.
Dès 1863, un aristocrate anglais, le major Wingfield aménage un terrain de lawn tennis (littéralement « tennis sur gazon ») dans sa résidence, codifie les règles sur le terrain et la pratique en 1874. Dans les années suivantes, des manuels sont publiés pour expliquer la façon d’installer son court de tennis facilement chez soi.
À partir de 1875, le lawn tennis arrive sur les côtes françaises, lieu de villégiature des riches britanniques. Ainsi, de nombreuses villes balnéaires comme Dinard, Deauville, Le Touquet, Cannes, Nice sont témoins de la construction de courts de lawn tennis.
Très vite, le sport connait un engouement parmi toute les classes de la société. Bien moins coûteux que d’autres sports comme le golf ou l’équitation, le tennis est facilement accessible. En effet, il ne faut qu’un filet, des raquettes, une balle puis une surface comme une pelouse pour pratiquer la discipline.
La pratique s’inscrit vite dans les mœurs et le lawn tennis se répand ensuite dans le reste du pays dont les grandes villes : Lille, Lyon puis Paris où le sport se développe avec la création d’associations et tournois.
Le développement associatif du tennis français
La première association de tennis le Cercle des Sports de l’Ile de Puteaux est fondée en 1886.
Encouragés par le succès du tennis, les clubs de sports parisiens investissent à grands moyens dans les infrastructures pour pratiquer la discipline.
Ainsi, en 1889 le premier championnat international de tennis est fondé par le Racing Club de France qui construit ses premiers courts de tennis au Champ de Mars. De son côté, le Stade Français construit en 1888 un tennis au Jardin des Tuileries puis investit dans de nombreux autres projets pour acquérir des terrains privés ou en construire d’autres.

Les premiers « Tennis-Club » voient le jour à Paris en 1891 comme sur l’avenue Bosquet ou le boulevard Lannes. Le Tennis-Club de Paris, premier club à posséder des courts couverts est fondé en 1895.
L’USFSA (Union des sociétés françaises de sport athlétiques), association tout juste créée par Pierre de Coubertin, père des Jeux Olympiques, fonde en 1891 le premier « Championnat de France » de tennis, ancêtre du tournoi de Roland Garros. À l’époque, le tournoi se déroule sur herbe.
L’USFSA se développe et regroupe en 1900, 10 courts de lawn tennis et 1200 adhérents.
Le Stade Français construit en 1902 des terrains sur le Parc de St-Cloud. En 1912, les 14 courts qui composent le stade sont choisis pour recevoir le premier championnat du monde de terre battue. La surface obtenue à partir de brique rouge pilée y est introduite en remplacement de l’herbe pour rivaliser avec le tournoi de Wimbledon.
La première finale de cette édition hommes oppose le Français Gobert qui s’incline contre le Néo-Zélandais Wilding. Pour les dames, la Française Brodequis s’adjuge le titre.
Dans les années suivantes, le bon développement du tennis lui permet de se structurer en fédérations. Ainsi, sous l’influence de personnes comme le Français Henri Wallet, la Fédération internationale du Lawn-Tennis est créée en 1913 à Paris. Elle est suivie quelques années plus tard par la Fédération française du Lawn-tennis en 1920 qui devient FFT en 1976.
La création du tournoi de Roland Garros
La Coupe Davis est créée en 1900 par les Américains pour organiser des rencontres entre nations du tennis. Initialement limitée aux rencontres entre les équipes nationales américaine et britannique, la compétition s’ouvre au bout de quelques années, aux autres sélections nationales.
En 1927, la Coupe Davis est remportée par la France face aux États-Unis. La France doit alors organiser la Coupe Davis l’année suivante et il lui faut trouver un stade plus grand.
Après concertation avec la Fédération française et de la ville de Paris, le président du Stade Français Emile Lesieur cède alors un terrain porte d’Auteuil et demande que le stade construit porte le nom d’un ancien membre du club : l’aviateur Roland Garros premier à avoir franchi la Méditerranée puis disparu le 5 octobre 1918 pendant la Première Guerre mondiale.
Les « Internationaux de France » s’y déroulent ainsi en 1928 suivis par la Coupe Davis que la France remporte grâce à ses « Quatre Mousquetaires » : René Lacoste, Henri Cochet, Jean Borotra et Jacques Brugnon.
Dans les années 1930, la presse anglo-saxonne invente le terme Grand Chelem pour qualifier les 4 tournois les plus difficiles de la planète.
- Wimbledon : premier tournoi sur herbe, organisé depuis 1877.
- Open d’Australie : créé en 1905, initialement sur gazon avant de devenir de la surface dure en 1987.
- US Open ou « Flushing Meadows » : fondé en 1881, initialement sur herbe jusqu’en 1974 où la surface devient du dur.
- Les « Internationaux de France » ou « Roland-Garros » : créés en 1891 mais ouverts à l’international en 1925. Le tournoi constitue la surface la plus lente du circuit.
Ces tournois sont rapidement connus sous l’appellation des « 4 tournois du Grand Chelem »
On pense à déménager « Roland-Garros » par deux fois. Premièrement dans les années 1970 lors de la présidence à la FFT de Philippe Chatrier puis en 2009 où plusieurs autres sites sont évoqués (Marne-la-Vallée, Gonesse, Versailles). Mais par deux fois, le choix est fait de rester sur le terrain historique.
Le stade subit des changements notables au cours du XXI ème siècle. Il est d’une part agrandi sur des terrains annexes comme les serres d’Auteuil avec l’inauguration du court Simonne Matthieu en 2019. Mais il est également l’objet de grands travaux qui conduisent à la reconstruction du court Philippe-Chatrier entre 2017 et 2020 et la pose de toits rétractables.
Quelques statistiques à Roland Garros
Les principales victoires françaises à partir de 1925 :
- 8 victoires consécutives des Mousquetaires (Lacoste 3, Cochet 5, Borotra 1) entre 1925 et 1932
- Marcel Bernard en 1946.
- Yannick Noah en 1983, dernier français à avoir gagné la compétition
- Suzanne Lenglen en 1925 et 1926
- Simone Mathieu en 1938 et 1939
- Mary Pierce en 2000, dernière française qui a remporté le tournoi
Les plus grandes séries de victoires à Roland Garros :
- Björn Borg avec 6 victoires de 1974 à 1981
- Rafael Nadal avec 14 victoires entre 2005 et 2022
- Margaret Smith Court avec 5 victoires entre 1962 et 1973
- Chris Evert avec 7 victoires entre 1974 et 1986
- Steffi Graf qui gagne 6 fois entre 1987 et 1999
Quelques liens et sources utiles
Martine Reneaud, Françoise Rollan, Tennis, pratiques et société de la France à la Gironde, MSHA, 1995
Stéphane Méry, Roland-Garros : du tournoi au stade, histoire d’une patrimonialisation, Presses universitaires de la Mediterrannée, 2023
Bruno Rebeuh, Retour pleine ligne: L’âge d’or du tennis international, Albin Michel, 2025
Jean-Pierre Chombart, Raymond Thomas, Le Tennis, Presses Universitaires de France, 1990