Quand nous discutons avec nos grands-parents, il arrive toujours un moment où ils évoquent leur jeunesse. Malheureusement, les photographies sont rares, et il est parfois bien difficile de visualiser ce qu’ils racontent. Comprendre la disposition d’une ancienne ferme, imaginer les anciens chemins ou encore comparer la taille des champs avant et après le remembrement est une tâche complexe. C’est dans cette perspective que nous avons cherché l’outil idéal !
Nous avons fait chou blanc, rien ne pourra jamais remplacer les souvenirs de nos grands-parents. Cependant, le site Remonter le temps de l’IGN est un bon moyen d’illustrer quelque peu ces souvenirs.
L’image satellite pour remonter dans le temps
Le plus simple pour nous est bien évidemment de prendre des exemples qui nous parlent. Nous allons donc illustrer cet article avec des photographies de fermes et de villes qui nous sont proches ou qui marquent des souvenirs d’enfance.
Nous vous invitons à faire de même avec vos propres lieux et souvenirs. Partagez-les en commentaire, nous souhaitons découvrir ces endroits transformés par le temps.
La carte ne fonctionne qu’avec des territoires français. Ainsi, vous pouvez explorer la France métropolitaine, la Corse, mais aussi plusieurs DROM, comme La Réunion, Mayotte ou encore la Guyane.
La ferme familiale
Honnêtement, la première chose que j’ai faite lorsque j’ai découvert cet outil à la fin de ma licence en histoire a été de comparer les fermes de mes grands-parents. J’ai toujours entendu parler de chemins traversant les champs, de haies découpant la propriété en plusieurs parcelles, etc.
Cette capture d’écran de la commune de Bannes, en Mayenne, permet de comparer les images satellites des années 1950-1965 aux images les plus récentes. Ce qui saute aux yeux, c’est indéniablement la suppression des petites parcelles agricoles au profit de vastes champs, dans le cadre du remembrement.
Cela désigne la réorganisation des parcelles agricoles afin de les rendre plus vastes et plus fonctionnelles. Ce processus, initié au XXe siècle, visait à lutter contre le morcellement hérité des successions et du cadastre ancien. En regroupant les terres, l’objectif était d’améliorer la productivité, de faciliter l’accès aux parcelles et de moderniser les exploitations. Toutefois, cette politique a parfois suscité des tensions, notamment en raison des modifications paysagères et de son impact sur la biodiversité. Aujourd’hui, elle est davantage encadrée afin de mieux concilier efficacité agricole et préservation de l’environnement. La période du remembrement a entraîné la disparition de 70 % du linéaire de haies. Cependant, les politiques actuelles font marche arrière, reconnaissant l’importance écologique des haies comme zones de vie.
Plus spécifiquement, dans une ferme familiale de Bannes, mon grand-père a souvent évoqué l’existence d’un chemin que j’ai toujours eu du mal à visualiser. Vous n’en aviez pas connaissance de ce chemin, mais vous pouvez néanmoins vous en faire une idée grâce à la capture suivante :
Le paysage n’est pas figé : en seulement 70 ans, des fermes familiales, qui semblaient immuables, ont été profondément transformées. Les haies ont été supprimées, de nombreux corps de ferme ont été abattus pour laisser place à des hangars, et plusieurs chemins ont disparu au profit de routes goudronnées.
La ville qui s’étend
Deux autres exemples me viennent en tête, issus de mes explorations sur cette carte, toujours dans mon environnement proche. Le premier est l’urbanisation croissante des villes. J’ai fait mes études à Angers, dans le quartier de Belle-Beille, un lieu qui, il y a 50 ans, n’était encore qu’une simple zone agricole.
Depuis les années 1950, l’urbanisation des villes s’est accélérée avec l’essor des banlieues, la modernisation des infrastructures et la croissance démographique. La reconstruction d’après-guerre, l’industrialisation et l’exode rural ont favorisé l’extension des villes, entraînant la construction de grands ensembles et de zones pavillonnaires. Progressivement, l’aménagement urbain a intégré des préoccupations écologiques et sociales, avec le développement des transports en commun, des espaces verts et d’une urbanisation plus durable. Aujourd’hui, les villes cherchent à concilier croissance et qualité de vie, en repensant l’habitat, la mobilité et la gestion des ressources, mais est-il encore temps ?
Il est possible de faire les mêmes constats sur des périodes plus récentes. J’allais rarement à Angers quand j’étais enfant. Cependant, en y retournant en tant qu’adulte, je me suis rendu compte que mes souvenirs ne correspondaient pas à la réalité. Je savais que des travaux avaient été réalisés, mais je n’arrivais pas à me les représenter précisément. Les principales routes d’accès avaient été considérablement modifiées, ainsi que les zones qui les bordaient.
Essayez d’explorer les périphéries de vos villes, vous y découvrirez des changements majeurs. Les banlieues ont considérablement évolué, et les infrastructures routières se sont développées de façon colossale, comme en témoignent les travaux autour de l’Atoll, où une voie rapide a été construite quasiment en parallèle du centre commercial.
Les lotissements des années 70
Enfin, amusez-vous à observer l’expansion des lotissements, qui ont grignoté des espaces naturels, dans les villes comme dans les villages.
Depuis les années 1950, les lotissements se sont multipliés en réponse à la croissance démographique et à la demande de logements individuels. Ces ensembles de maisons standardisées, souvent situés en périphérie urbaine, ont accompagné l’essor des classes moyennes et l’accession à la propriété. Conçus pour offrir un cadre de vie familial, ils ont parfois été critiqués pour leur uniformité et leur impact sur l’étalement urbain.
Cet outil est un excellent moyen de constater l’évolution de l’urbanisation et des pratiques agricoles. Il permet aussi de mesurer la diminution progressive des espaces naturels. Cela pose une question importante : est-il nécessaire de construire une maison neuve alors qu’il existe des biens à rénover dans les centres-bourgs ? Faut-il encore édifier de nouvelles zones commerciales en périphérie, alors que les centres-villes se vident ?
Néanmoins, explorez le passé et redécouvrez la France grâce à cet outil fascinant mis à disposition par l’IGN. Nous referons le monde une prochaine fois.
Quelques liens et sources utiles
Léo Magnin, La vie sociale des haies. Enquête sur l’écologisation des mœurs, La Découverte, 2024
Stéphane Frioux, Une France en transition: Urbanisation, risques environnementaux et horizon écologique dans le second XXe siècle, Champ Vallon Éditions, 2021
