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Europe : quelle autonomie si réélection de Trump ?

La réélection de Trump entraînerait sans aucun doute une redéfinition de la politique européenne, notamment en matière d’autonomie
L'ancien président Donald Trump - Rawpixel | Domaine Public
L’ancien président Donald Trump – Rawpixel | Domaine Public

Les perspectives d’avenir de l’Europe sur le court terme sont loin d’être réjouissantes. Et alors que le continent est aux prises avec des défis majeurs allant de la sécurité énergétique à la gestion des tensions commerciales et des crises migratoires, un enjeu supplémentaire s’ajoute à l’horizon : la potentielle réélection de Donald Trump aux États-Unis en 2024. Ce scénario soulève des interrogations cruciales pour l’Union européenne, dont l’équilibre économique, la stabilité diplomatique et la sécurité dépendent en partie de la relation transatlantique.

L’équation est donc délicate pour l’Europe, puisqu’elle pourrait se voir contrainte de composer avec un partenaire américain imprévisible, aux orientations changeantes et potentiellement divergentes sur de nombreux enjeux. De l’OTAN à la politique environnementale, en passant par les échanges commerciaux et la stabilité en Europe de l’Est, la réélection de Trump entraînerait en effet clairement une redéfinition de la politique européenne, notamment en matière d’autonomie. Mais est-ce que ce serait forcément pour le pire ? Zoom sur les enjeux européens autour de la réélection potentielle de Trump.

Sécurité et défense : Trump catalyseur de l’autonomie européenne ?

Qui dit d’abord réélection de Trump dit redéfinition de la sécurité et de la défense européenne. Lors de son premier mandat, l’ancien président étasunien avait en effet vivement critiqué l’OTAN, qualifiant l’organisation de « désuète » et demandant que les pays européens augmentent leurs dépenses militaires pour ne plus qu’elle repose uniquement sur la puissance américaine.

Il est clair qu’un retour de Donald Trump au pouvoir viendrait raviver cette pression. Peut-être pour le mieux, parce que cela pousserait l’Europe à accélérer sur ses propres projets de défense, notamment le Fonds européen de la défense et la Coopération structurée permanente (CSP), afin de ne pas se retrouver démunie en cas de dissolution forcée de l’Alliance atlantique.

Dépendance américaine ou souveraineté européenne : le dilemme potentiel de l’Europe de l’Est

Renforcer l’autonomie militaire européenne semble d’autant plus important que Trump pourrait bien entamer une politique de rapprochement avec Moscou. Or, les pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne et les États baltes, sont aujourd’hui fortement dépendants du soutien militaire américain pour contrer la menace russe.

Par conséquent, si Washington et Moscou devaient se rapprocher, les pays d’Europe de l’Est auraient un choix crucial à faire : rester dans la sphère d’influence européenne ou rester sous le giron américain, en sachant pertinemment que cela les rapprocherait de l’ogre russe.

Le président Donald J. Trump et le président Vladimir Poutine de la Fédération de Russie le 16 juillet 2018 - Shealah Craighead | Domaine Public
Le président Donald J. Trump et le président Vladimir Poutine de la Fédération de Russie le 16 juillet 2018 – Shealah Craighead | Domaine Public

Il se poserait alors un sérieux dilemme pour des pays comme la Hongrie ou la Pologne, qui pourraient avoir intérêt à renforcer leurs liens bilatéraux avec Washington pour devenir des interlocuteurs de choix de la première puissance économique mondiale.

Par ailleurs, ces pays sont susceptibles de voir leurs mouvements populistes être renforcés en cas de victoire de Trump, ce qui menacerait directement les positions européennes communes en matière de sécurité et de politique étrangère.

Pour éviter un tel scénario, l’Europe doit alors prouver qu’elle est capable d’organiser sa défense pour protéger les pays de l’Est, notamment au travers du conflit russo-ukrainien. Mais l’élection potentielle de Trump risque de les mettre dans une position délicate.

L’ancien président a effectivement laissé entendre qu’il pourrait réduire, voire cesser, l’aide militaire et financière à l’Ukraine. Seulement, l’Europe ne semble pas prête à assumer seule le fardeau de la stabilisation de l’Ukraine, ne serait-ce qu’à cause des conséquences financières considérables que cela engendrerait pour les pays européens.

C’est la raison pour laquelle les puissances économiques d’Europe de l’Ouest pourraient avoir naturellement intérêt à pousser pour une approche diplomatique avec la Russie. Un moyen pour eux de garantir autant la stabilité régionale que leur stabilité économique, bien que cela pourrait impliquer le sacrifice de l’Europe de l’Est…

Économie et commerce : l’Europe face au risque d’un protectionnisme intensifié

Au-delà de la politique de défense, l’économie est aussi un vaste sujet de tension dans les relations entre les États-Unis et l’Europe. Et un retour de Donald Trump pourrait encore davantage cristalliser les choses, notamment au niveau du protectionnisme américain.

Lors de son premier mandat, l’ancien président avait en effet appliqué des tarifs douaniers sur plusieurs produits européens, dont l’acier et l’aluminium, et n’a pas hésité à menacer de faire de même pour des produits phares comme les automobiles. Si cette politique protectionniste vise avant tout à stimuler la production américaine, elle est aussi très contraignante pour les économies européennes, déjà bien moins puissantes que celle de Washington.

Cependant, un renforcement du protectionnisme américain pourrait être bénéfique pour l’Europe, qui se retrouverait ainsi forcée de renforcer ses alliances commerciales avec d’autres partenaires mondiaux, comme la Chine ou l’Inde, pour compenser les pertes de marchés américains. Une façon d’accroître sa puissance et son leadership à l’international, tout en renforçant son autonomie stratégique vis-à-vis du géant américain.

Dans la même idée, la réélection de Trump pourrait obliger l’Europe à repenser sa stratégie commerciale. L’ancien président étasunien n’a effectivement jamais caché son aversion pour les accords multilatéraux et son attrait pour les négociations bilatérales, où il estime que les États-Unis ont plus de poids. Face à l’impossibilité de pouvoir nouer avec Trump des accords commerciaux en sa faveur, l’Europe pourrait alors bien essayer de se positionner en tant que leader d’échanges multilatéraux, surtout dans des accords incluant des normes sociales et environnementales strictes.

Seulement, il est difficile de savoir le prix pour l’Europe d’une incertitude commerciale accrue avec Washington…

Climat et environnement : l’Europe futur leader mondial de la transition verte ?

Ce n’est pas un secret, Donald Trump n’a jamais été attaché à la protection du climat. L’une de ces premières mesures en tant que président réélu pourrait d’ailleurs être de faire sortir une seconde fois les États-Unis de l’Accord de Paris.

Mais l’UE, qui se veut ambitieuse quant à ses objectifs climatiques, pourrait bien réagir face au fossé climatique qui l’attend avec Trump. En effet, elle pourrait essayer de renforcer ses alliances climatiques avec d’autres puissances, telles le Japon ou le Canada, ce qui permettrait par la suite de renforcer les liens économiques avec ces pays. Rien n’empêcherait non plus une alliance entre l’UE et des États américains pro-climat comme la Californie…

En lien avec l’économie, l’UE pourrait aussi jouer au même jeu protectionniste que Trump, et ainsi envisager d’instaurer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour taxer les importations provenant de pays n’appliquant pas de politiques climatiques équivalentes. Un moyen d’équilibrer la compétitivité entre les entreprises américaines et les entreprises européennes, puisque ces dernières sont soumises à des réglementations bien plus strictes que les USA en matière d’émissions de CO2.

Globalement, si Donald Trump devait être réélu, l’Europe aurait tout intérêt à essayer de s’autonomiser par sa politique environnementale, puisqu’elle a théoriquement la capacité de devenir le fer de lance de la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Si le continent a également intérêt à s’émanciper du géant américain en matière d’économie et de politique étrangère, elle ne semble cependant pas avoir pour l’instant les épaules pour assumer une réelle autonomie dans ces domaines.

L’Europe a donc tout intérêt à un divorce progressif avec les États-Unis, mais Donald Trump pourrait bien couper le cordon plus rapidement que prévu…

Quelques liens et sources utiles : 

Patrick Martin-Genier, L’Europe a-t-elle un avenir ? : Une approche critique de la construction européenne, Studyrama, 2023

Semaines sociales de France, Quelle Europe voulons-nous ?, Books on Demand, 2018

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