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Arctique : Nouvelles espèces marines et défis internationaux

Les espèces marine de l'Arctique, menacées par les enjeux internationaux, contraignent les États à prendre des dispositions.
Le secrétaire d'État Antony J. Blinken participe à la réunion ministérielle du Conseil de l'Arctique, à Reykjavik, en Islande, le 20 mai 2021 - Photo du Département d'État par Ron Przysucha | Domaine public
Le secrétaire d’État Antony J. Blinken participe à la réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique, à Reykjavik, en Islande, le 20 mai 2021 – Photo du Département d’État par Ron Przysucha | Domaine public

Lors d’une expédition menée par l’Institut océanographique Schmidt, plus de 100 nouvelles espèces marines ont été identifiées dans l’Océan Pacifique, ce qui a captivé l’attention du monde. La région Arctique, quant à elle longtemps considérée comme une terre inhospitalière, qui fut donc peu explorée par le passé, contient en son sein de nombreux êtres vivants, dont certains ont été découverts récemment.

Cependant, ces trouvailles se déroulent dans un contexte tendu : le réchauffement climatique menace cette biodiversité, mais ce dernier ouvre également de nouvelles opportunités pour les puissances du Nord qui y voient des intérêts économiques.

Cet article permet ainsi de voir en quoi la découverte de nouveaux êtres vivants dans les fonds marins s’insère au sein des grandes problématiques de notre temps.

Nouvelles espèces et climat

Une découverte récente a mis au jour une particularité chez une espèce qui n’aurait pas été imaginable dans les eaux de l’Arctique.

Des poissons biofluorescents

En effet, David Gruber, auteur de l’étude et biologiste marin, a découvert des poissons biofluorescents dans les eaux arctiques. Ces poissons font partie des Liparidae, communément appelés poissons limaces.

David Gruber a décrit la découverte de ces poissons comme un événement sorti tout droit du film « The Life Aquatic with Steve Zissou ». Bien que de nombreuses espèces terrestres et marines soient biofluorescentes, les scientifiques ne comprennent toujours pas pleinement l’utilité de cette caractéristique, surtout que les espèces biofluorescentes sont principalement présentes dans les eaux tropicales. La découverte de ces poissons rappelle à quel point nous savons peu de choses sur la biodiversité totale des mers.

Une autre découverte, détaillée dans une étude publiée dans la revue Nature en mars 2023, dévoile l’existence d’une nouvelle espèce de micro-organismes baptisés Sulfurimonas pluma, vivant près des cheminées hydrothermales présentes dans les profondeurs de l’océan Arctique, à plus de 2 500 mètres sous la glace.

Les chercheurs du Max Planck Institute for Marine Microbiology ont constaté que ces bactéries prospèrent dans les eaux autour des volcans sous-marins, puisque ces derniers émettent des fluides riches en métaux, dépourvus d’oxygène, créant ainsi un environnement où se développent des formes de vie uniques, malgré les conditions extrêmes.

Cette découverte souligne donc que les fonds marins conservent de nombreux mystères et que nous ne connaissons effectivement que 5 % des fonds marins. Cela montre également l’importance de poursuivre les recherches pour mieux comprendre ces écosystèmes sous-marins et ainsi les protéger, puisque le réchauffement climatique peut les impacter, malgré que certains de ces êtres vivants habitant les mers profondes puissent survivre à des conditions extrêmes.

Le climat et les espèces marines de l’Arctique

Le réchauffement des océans et la fonte des glaces arctiques modifient profondément les habitats marins, accentuant ainsi les problématiques pour les espèces endémiques, notamment celles marines. En effet, certaines espèces peuvent ne pas être capables de s’adapter à leurs nouvelles conditions de vie, et le plancton est donc également menacé, alors qu’il représente la base de la chaîne alimentaire.

Le plancton (microbes, virus, petits animaux marins) représente la base de la chaîne alimentaire dans les océans et fournit toutes sortes d’écosystèmes. C’est pourquoi il a un rôle particulièrement important et qu’il est nécessaire de comprendre son métabolisme.

De : Chris Bowler, directeur de recherche au CNRS

Selon son rapport, si la température de l’océan continue d’augmenter, il y aura un changement de la répartition et de la biodiversité du plancton.

Comme le plancton est la base de la chaîne alimentaire, leur disparition pourrait influer sur les organismes qui s’en nourrissent. Le plancton arctique est riche en lipides, ce qui permet aux autres espèces de stocker de l’énergie et de se protéger du froid. Le réchauffement des températures pourrait entraîner leur extinction, et un écosystème entier pourrait finalement disparaître.

De Chris Bowler, directeur de recherche au CNRS

Mais ce changement est plus que probable et devrait arriver selon les chercheurs si rien n’est fait. Le plancton photosynthétique est d’une grande importance, en effet il permet d’absorber une partie du carbone présent dans l’atmosphère. De plus, avec la fonte des glaces, de nouvelles opportunités commerciales émergent, notamment dans le domaine de l’exploitation pétrolière et gazière, puisque l’Arctique regorge de ressources naturelles que les puissances du Nord convoitent et exploitent. Les forages ayant déjà débuté dans certaines parties de cet espace ajoutent ainsi une menace supplémentaire pour le espèces marines de l’Arctique.

Conservation et enjeux internationaux

Drapeaux des huit États membres du Conseil de l’Arctique et des six organisations autochtones qui en sont membres permanents - Arctic Council & Linnea Nordström
Drapeaux des huit États membres du Conseil de l’Arctique et des six organisations autochtones qui en sont membres permanents – Arctic Council & Linnea Nordström

Recherche et surveillance des espèces marines

La recherche continue et la surveillance des écosystèmes marins arctiques sont vitales pour une gestion efficace de ces environnements. C’est pourquoi des projets tels que ceux menés par le NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) et d’autres organismes de recherche fournissent des données pour comprendre et de ce fait protéger la biodiversité arctique avec l’utilisation de technologies avancées, telles que les robots sous-marins et les satellites qui sont en plein développement du fait des problématiques environnementales et politiques.

Différentes approches sont donc utilisées pour comprendre la biodiversité qui règne dans l’Arctique, comme l’analyse ADN prélevée directement dans l’eau qui peut fournir des informations précieuses sur les espèces présentes.

Cela permet non seulement d’identifier les espèces, mais aussi de comprendre leur diversité génétique, leurs interactions et leur répartition géographique dans un espace donné. Cet outil offre donc aux différents acteurs de l’environnement des possibilités afin de surveiller la biodiversité marine.

Stratégies internationales face aux enjeux

Avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces, de nouvelles voies navigables dans l’Arctique s’ouvrent et incitent des états à considérer l’Arctique comme une zone exploitable puisqu’elle abrite une grande quantité de ressources naturelles. Il convient donc pour les organismes environnementaux de faire face à ce problème en mettant en place des zones protégées.

Ainsi, des initiatives telles que la création de réserves marines et la mise en place de zones de protection peuvent aider à préserver ces habitats. C’est dans cette continuité qu’en 2016, Pêches et Océans Canada a annoncé la création de la plus grande zone de protection marine (ZPM) de l’Arctique canadien, nommée Anguniaqvia niqiqyuam.

Cette zone de 2 400 km², située dans la mer de Beaufort, permet de protéger les espèces marines des activités humaines, ce qui a été grandement célébré par les organismes de l’environnement puisque son règlement interdit toute activité qui viendrait à perturber ou à détruire les organismes marins et leur habitat, cela inclut donc l’exploration pétrolière et gazière.

La convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 prévoit que les États peuvent exploiter leurs ressources naturelles, et pour l’environnement cela est soumis à leur politique, de ce fait la protection de ces espaces dépend de la volonté des différents gouvernements.

La protection de l’Arctique, convoitée par les grandes puissances du Nord, nécessite donc une coopération internationale. Le Conseil de l’Arctique, par le biais du Groupe de travail sur la protection du milieu marin arctique (PAME), promeut des stratégies de conservation à long terme. Ce groupe, fondé dans le cadre de la Stratégie de protection de l’environnement arctique de 1991, a été intégré à la structure du Conseil à la suite de la signature de la Déclaration d’Ottawa de 1996 par les huit États de l’Arctique.

Ainsi, le PAME a mis en place son premier plan stratégique en 2004 afin de réduire la pollution marine. En poursuivant leurs efforts, ils ont mis en place un deuxième Plan, qui quant à lui a été approuvé en 2015, mettant l’accent sur l’approfondissement des connaissances du milieu marin arctique. Dans ce cadre institutionnel, il y a également la commission OSPAR qui a pour rôle de recueillir des informations sur les activités polluantes.

Le Conseil de l’Arctique a défini en 2015 une vision commune pour une réponse internationale afin d’établir plusieurs aires marines protégées de l’Arctique, et il y a peu, les parties à la Convention sur la diversité biologique se sont engagées à respecter les objectifs du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, dont l’objectif vise à conserver et gérer au moins 30 % des zones côtières et marines mondiales d’ici 2030.

Le rôle des états

Les récentes découvertes de nouvelles espèces marines en Arctique renforcent la richesse de cet espace que les autorités internationales essayent de prendre en compte pour protéger ces fonds marins qui sont menacés par les activités humaines. C’est pourquoi les réglementations mises en place par les États et les différentes institutions ont pris des mesures telles que la création de réserves marines en investissant dans la recherche et la surveillance afin de protéger cet écosystème.

Quelques liens et sources utiles

DE GUYENRO.J, Biodiversité marine : des scientifiques s’inquiètent des effets du changement climatique sur le plancton, GEO, 2019

DEMEURE.Y, Découverte d’une nouvelle espèce de bactéries dans l’océan Arctique, SciencePost, 2023

GOECKER.L, Scientists Discover Tropic‑Like Glowing Fish in the Arctic, Thes Waddle, 2021

Gouvernement du canada, Zone de protection marine (ZPM) d’Anguniqavia niqiqyuam, Pêches et Océans, 2023

KAUFMAN.S , L’océan Arctique et la coopération intergouvernementale non contraignante. Un défi pour la protection internationale de l’environnement, Revue juridique de l’environnement, 2010, (Volume 35), p. 627-641

SOMMERKORN.J, SOLOVYEV.B, Whole-ocean network design and implementation pathway for Arctic marine conservation, Ocean Sustain 3, 25, 2024

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