L’histoire de la pomme de terre a débuté sur les plateaux de la Cordillère des Andes, en Amérique du Sud.
Surnommée papas par les Incas, elle pousse tout d’abord à l’état sauvage. Les premières traces de pommes de terre datent de 13 000 av. J-C. ! Mais ce n’est que des millénaires plus tard que ce légume semble avoir été domestiqué, dans une période datée par les scientifiques, avoisinant 8 000 av. J-C.
Origine et importations de la pomme de terre
Au départ, ces tubercules sont amers et peuvent être toxiques. La sélection permet petit à petit de mettre ce tubercule, au menu principal, de nombreuses civilisations précolombiennes.
Ainsi, au XVIème siècle elle était l’aliment principal de l’Empire Inca, qui vénérait par ailleurs la déesse de la pomme de terre : Axomama, littéralement Mère de la pomme de terre.
Elle est la fille de Pachamama, la déesse de la terre. De nombreux vases en terre cuite issus de la culture Moche représentent cette déesse. Mais en Europe, ce légume n’apparaît que suite à la découverte de l’Amérique.
Ainsi, les premières descriptions des pommes de terre datent des années 1530, notamment par le conquistador espagnol Pedro de Cieza de Leon. Ce dernier est connu en particulier pour sa description historique et géographique du Pérou, au sein de laquelle il décrit la patate.
Une arrivée tardive de la pomme de terre en Europe
C’est donc au XVIème siècle que la pomme de terre fait son apparition en Europe. Introduite en Espagne sous le nom de patata, sa diffusion est lente et poussive dans la vieille Europe. Taratouffli en Italie, truffoles ou encore cartoufle, les noms varient en fonction des pays, mais il faut attendre la guerre de Trente Ans, au XVIIème siècle pour voir la patate s’implanter pour de bon en Europe, à l’exception de la France, où elle y est jugée toxique et réservée aux animaux.
Dans l’Hexagone, c’est Olivier de Serres qui en fait une description le premier et qui tente sa culture dans son domaine du Pradel. L’historien Anthony Rowley, nous éclaire sur les raisons des difficultés du tubercule à s’imposer dans l’alimentation des européens :
Une des raisons pour laquelle la pomme de terre est très mal accueillie en Europe, comme la tomate, c’est qu’on lui attribue tout un stock d’inconvénients majeurs. D’abord sa ressemblance avec la truffe. Le gascon utilise le même mot, truaut pour la pomme de terre et la truffe. Or la truffe est un champignon terrifiant. Il pousse sous terre, il est sensible aux variations et aux cycles lunaires : c’est-à-dire que c’est un champignon du diable, lié à la mort. Et la pomme de terre, on l’accuse de répandre la peste. Comme ce légume est mal considéré, on le donne à un animal transformateur par excellence, dévalorisé socialement : le cochon
Anthony Rowley
D’ailleurs, ce tubercule est interdit de culture par le parlement de Paris en 1748. Pour que la pomme de terre s’impose, il faut attendre un homme : Antoine Parmentier.
Parmentier le promoteur de la pomme de terre
Vous ne vous êtes jamais demandé d’où venait la dénomination « parmentier » du hachis ? Et bien nous la devons à Antoine Parmentier, principal instigateur de la prédominance de ce légume dans nos assiettes. Antoine Augustin Parmentier est né en 1737 à Montdidier, dans la Somme.
Fils de petit bourgeois, il débute en tant que pharmacien militaire en 1757 à 20 ans et participe à la Guerre de Sept Ans. Il y est fait prisonnier dans la région de Hannovre et en profite pour observer la flore cultivée, notamment la pomme de terre. L’armée de l’époque manquant cruellement d’apothicaires, Antoine Parmentier revient rapidement en France lors d’un échange de prisonniers.
Il reprend alors ses études, et est nommé au grade d’apothicaire-major en 1772, tandis que la même année l’Académie de Besançon propose un prix afin de découvrir de nouveaux aliments.
Parmentier concourt avec la pomme de terre, et remporte le prix en 1773.
De plus, cet aliment a été déclaré en 1772 par la Faculté de médecin de Paris comme non dangereuse pour la consommation humaine. Tout est réuni pour que la patate s’impose en France.
Les légendes de la pomme de terre
Parmentier a construit sa légende et celle de la pomme de terre a travers trois événements. Tout d’abord, Parmentier parvient à cultiver quelques arpents de terres dans la Plaine des Sablons, réputée impropre à la culture. Pourtant, le pharmacien devenu agronome parvient à y cultiver des pommes de terre, et se fait connaître en offrant un bouquet au roi Louis XVI. Ce dernier place l’une des fleurs à sa boutonnière, et félicite dans la foulée l’exploit du scientifique en le remerciant d’avoir « trouvé le pain des pauvres ».
Dans le sillage du roi, qui a goûté et apprécié la pomme de terre, de nombreux nobles s’intéressent à ce tubercule et l’incluent dans leurs menus. Par ailleurs, Antoine Parmentier organise fréquemment des dîners où seront conviés des hôtes de prestige, tels que Lavoisier ou Benjamin Franklin. Ces dîners font grand bruit dans Paris et sont largement relayés à travers les médias. Le sommet de cette stratégie des dîners est atteint lorsqu’en 1785 le roi et la reine se font servir un repas uniquement composé de pommes de terre.
Mais la légende de la patate et d’Antoine Parmentier s’accroit encore lorsqu’il fait garder son champ de la plaine des Sablons par des hommes armés. Ainsi, la valeur de la pomme de terre et son importance croît aux yeux de la population pensant qu’il s’agit effectivement d’un mets de choix. Cependant, les champs ne sont pas gardés la nuit et les vols se multiplient, permettant au tubercule de se diffuser dans le tout Paris.
Cette histoire n’a jamais été vraiment confirmée, relevant probablement du mythe autour de la patate.
Aujourd’hui, la pomme de terre est un incontournable français. Présente dans de nombreux plats traditionnels de nos régions, la France produit près de 6 millions de tonnes de patates chaque année, sur près de 150 000 ha.
Si on la retrouve principalement dans le Nord de la France suite à la modernisation de l’agriculture, sa consommation s’est diffusée à l’ensemble de la métropole. Si plus de 40 % de la production est exportée, le Français est friand de pomme de terre.
Ainsi, un Français consomme en moyenne 50 kg de pomme de terre par an (soit 35 kg de moins que nos amis belges qui restent les spécialistes).
Quelques sources et liens utiles
Patrick Rousselle, Yvon Robert et Jean-Claude Crosnier, La pomme de terre, 1997, ed. Inra.
Williot J-P., La circulation de la pomme de terre : un sujet global pour étudier un processus pluriséculaire d’innovations alimentaires, Food and History, vol.7 Issue 1