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Burke et Hare : les tueurs au « service » de la science

Découvrez l'histoire macabre de Burke et Hare, deux tueurs en série qui vendaient les cadavres de leurs victimes afin qu'ils soient disséqués.
Portraits des tueurs en série William Hare et William Burke, réalisés vers 1850 - Auteur inconnu | Domaine public
Portraits des tueurs en série William Hare et William Burke, réalisés vers 1850 – Auteur inconnu | Domaine public

Au début du XIXe siècle, une affaire sordide secoue Édimbourg, marquant durablement l’histoire criminelle du Royaume-Uni. Les meurtres de West Port sont l’œuvre de William Burke et William Hare, deux immigrants venus d’Irlande du Nord. Entre novembre 1827 et octobre 1828, le duo terrorise la ville, animé par l’opportunité financière que représente le trafic de cadavres.

Mais, à la différence des body snatchers traditionnels qui déterrent des corps fraîchement inhumés, Burke et Hare ne se contentent pas de voler des dépouilles. Ils se muent rapidement en tueurs en série, assassinant au total seize victimes pour vendre leurs cadavres. Leur principal client est le fameux anatomiste Robert Knox. Ce dernier, qui enseigne à l’Université d’Édimbourg, utilise les corps pour les disséquer devant ses étudiants.

Ce commerce sinistre est motivé par l’insuffisance des cadavres à disposition pour les études médicales. Le mode opératoire de Burke et Hare, qui consiste à étouffer les victimes sans laisser de traces, donne naissance au terme burking. Ces crimes choquent non seulement la société britannique, mais contribuent également à une refonte de la législation à travers l’Anatomy Act de 1832.

Le contexte historique : Une demande croissante de cadavres pour l’enseignement médical

Au fil des époques, l’évolution de la recherche anatomique entraîne un besoin grandissant en cadavres. Face à la pénurie de corps légalement disponibles, le marché noir se développe.

Le développement des études anatomiques à travers l’histoire

L’analyse du corps humain par dissection a une longue histoire. Ses premières traces remontent à l’Égypte antique, avant de se développer considérablement en Grèce classique, sous Hippocrate. Cependant, l’Empire romain et le christianisme restreignent ensuite cette pratique, la considérant comme une atteinte au corps et une menace pour le salut de l’âme.

Au Moyen Âge, l’intérêt pour l’anatomie est ravivé grâce à la redécouverte des œuvres antiques et à l’émergence des universités en Italie. Au XIIIe siècle, l’empereur Frédéric II autorise la dissection des criminels exécutés pour l’enseignement médical.

Durant la Renaissance, la discipline poursuit son évolution. Léonard de Vinci dissèque une trentaine de cadavres pour tenter de comprendre le fonctionnement du corps humain. Mais ce sont surtout les travaux d’André Vésale qui font entrer l’anatomie dans la modernité.

L'anatomiste André Vésale à côté d'un corps qu'il s'apprête à disséquer - Édouard Hamman (peintre), L. Prang & Co (imprimeur) | Domaine public
L’anatomiste André Vésale à côté d’un corps qu’il s’apprête à disséquer – Édouard Hamman (peintre), L. Prang & Co (imprimeur) | Domaine public

À partir du XVIIIe siècle, l’anatomie devient une discipline scientifique majeure en Europe, notamment au Royaume-Uni. C’est pourquoi le Murder Act de 1752 permet de disséquer les corps des individus ayant subi la peine capitale.

L’Université d’Édimbourg confrontée à la pénurie de cadavres

La demande de cadavres pour les dissections dépasse rapidement l’offre légale, limitée aux dépouilles des condamnés à mort. Au début du XIXe siècle, la situation se détériore encore avec l’abrogation du Bloody Code : cette mesure réduit considérablement le nombre de crimes passibles de la peine de mort et, par conséquent, les corps disponibles pour la recherche anatomique.

Les cimetières sont souvent ciblés par les trafiquants de cadavres, appelés aussi « résurrectionnistes » : ceux-ci déterrent les corps pour les revendre à des prix élevés aux institutions médicales. Le body snatching devient une activité lucrative, à l’image du trafic de drogue aujourd’hui.

À cette époque, l’Université d’Édimbourg est l’école de médecine la plus prestigieuse du Royaume-Uni. Elle se distingue par son enseignement de l’anatomie basé sur la dissection humaine, attirant des étudiants de toute l’Europe et d’Amérique du Nord. Mais cela ne l’empêche pas d’être, elle aussi, confrontée à une pénurie de cadavres.

Le professeur Robert Knox, l’un des anatomistes les plus célèbres de l’époque, enseigne au sein de cette faculté. Ses leçons publiques, où il pratique des dissections, sont extrêmement populaires, et il est prêt à payer cher pour obtenir des corps.

L'anatomiste Robert Knox représenté assis à son bureau, au Surgeons' Hall Museums d'Édimbourg - Kim Traynor | Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0
L’anatomiste Robert Knox représenté assis à son bureau, au Surgeons’ Hall Museums d’Édimbourg – Kim Traynor | Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0

La forte demande en études anatomiques favorise un marché noir florissant, créant un environnement propice aux meurtres de Burke et Hare.

Le lucratif trafic de cadavres derrières les meurtres de West Port

William Burke et William Hare se rencontrent à Édimbourg au début du XIXe siècle. Burke, ancien cordonnier, et Hare, propriétaire d’une pension située sur West Port, se lancent rapidement dans un commerce macabre.

Leur carrière criminelle débute presque par accident. Un des locataires de Hare meurt subitement, laissant une dette de loyer impayée. Au lieu de l’enterrer, les deux hommes décident de vendre son cadavre. Ils se rendent à l’Université d’Édimbourg, où le professeur Robert Knox achète le corps pour la dissection. L’anatomiste leur en offre 7 livres et 10 shillings, une somme conséquente pour l’époque.

Voyant le potentiel lucratif de ce commerce, Burke et Hare passent rapidement du simple vol de cadavres au meurtre prémédité. Leurs victimes sont souvent des personnes vulnérables, notamment des locataires de la pension de Hare ou des individus sans famille pour les rechercher.

Le principal acheteur, Robert Knox, ne pose jamais de questions sur la provenance des corps, malgré certaines rumeurs et suspicions.

Margaret Laird, l’épouse de Hare, et Helen McDougal, la maîtresse de Burke, jouent un rôle actif dans ces crimes : elles attirent parfois les proies ou aident à dissimuler les meurtres.

La méthode de mise à mort de Burke et Hare consiste à étouffer les victimes en s’asseyant sur leur poitrine et en obstruant leur bouche et leur nez. Cette technique devient leur signature, permettant de fournir des corps « frais » tout en évitant les traces visibles de violence.

Burke et Hare face à la justice : arrestation, procès et impact législatif

Plusieurs erreurs des deux meurtriers mènent à leur arrestation et au jugement de William Burke. Cette affaire contribue à l’adoption de l’Anatomy Act, une loi qui diminue fortement le trafic de cadavres.

Les erreurs et l’arrestation du duo

Après avoir commis plusieurs meurtres sans être inquiétés, Burke et Hare deviennent de plus en plus imprudents.

Leur négligence se manifeste d’abord lors du meurtre de Mary Paterson, en avril 1828. Enivrée dans une taverne par Burke avant d’être étouffée, elle est livrée à Robert Knox. L’un de ses assistants reconnaît la jeune femme ; cela éveille certains soupçons, d’autant plus qu’elle ne présente aucun signe évident de maladie ou de mort de cause naturelle.

Quelques mois plus tard, le duo fait face à de nouvelles complications lors du meurtre d’un jeune handicapé, James Wilson.

Celui-ci est bien connu de la population locale, sous le surnom de Daft Jamie. Hare rencontre des difficultés à le maîtriser, en raison de sa force et de ses cris, ce qui complique la tâche de dissimulation. De plus, son corps est rapidement identifié par un assistant du professeur Knox en raison de son visage distinctif et de son pied déformé.

Cependant, c’est leur dernière victime, Margaret Docherty, qui finit par attirer l’attention des autorités.

Anne et James Gray, locataires de la pension de Hare, découvrent le corps de Docherty caché sous leur lit et alertent la police. Entre-temps, Burke et Hare remettent la dépouille à Robert Knox, mais des témoins les aperçoivent. Les officiers trouvent le cadavre et arrêtent les deux tueurs peu de temps après.

Burke assassinant Margaret Docherty (nommée Margery Campbell dans certaines sources). À ses côtés, se trouvent son complice Hare, ainsi que leurs épouses Helen McDougal et Margaret Laird - Robert Seymour | Domaine public
Burke assassinant Margaret Docherty (nommée Margery Campbell dans certaines sources). À ses côtés, se trouvent son complice Hare, ainsi que leurs épouses Helen McDougal et Margaret Laird – Robert Seymour | Domaine public

Le procès de William Burke et l’adoption de l’Anatomy Act

Le procès de William Burke devient l’un des plus célèbres de l’histoire d’Édimbourg. Pour obtenir des preuves solides, les autorités offrent l’immunité à William Hare en échange de son témoignage contre son complice. Cette décision suscite une vive controverse, mais elle permet de condamner Burke à mort pour ses crimes.

Sa pendaison, le 28 janvier 1829, attire une foule considérable. Ironie du sort, après son exécution, le corps du trafiquant est disséqué publiquement à l’Université d’Édimbourg.

Exécution publique de William Burke le 28 janvier 1829, à Édimbourg - Auteur inconnu | Domaine public
Exécution publique de William Burke le 28 janvier 1829, à Édimbourg – Auteur inconnu | Domaine public

Suite au jugement, William Hare disparaît sans laisser de traces, et son sort demeure inconnu.

Les autres personnes impliquées ne sont pas condamnées, mais l’affaire a certaines répercussions sur elles : Margaret Laird et Helen McDougal voient leur réputation ruinée et doivent fuir Édimbourg pour échapper à la vindicte populaire. Robert Knox n’est jamais officiellement accusé, mais sa carrière est irrémédiablement entachée par l’affaire.

Les meurtres anatomiques de Burke et Hare ont un impact sur la législation. Ils contribuent à l’adoption de l’Anatomy Act de 1832, qui réglemente strictement l’approvisionnement des écoles de médecine en corps pour la dissection.

Concrètement, cette loi permet aux facultés de se procurer des cadavres directement dans les morgues des prisons et des établissements pour indigents. Bien que très discutable moralement, cette disposition réduit considérablement le recours au trafic illégal.

Les meurtres de Burke et Hare dans la mémoire collective

Les crimes perpétrés par les deux tueurs constituent une dérive marquante dans l’histoire médicale. Au-delà de leur rôle dans la réforme législative de 1832, ils influencent durablement la culture populaire.

De nombreuses œuvres y sont consacrées, comme la nouvelle Le voleur de cadavres de Robert Louis Stevenson ou le film Cadavres à la pelle de John Landis. Les lieux associés à ces criminels deviennent également des attractions touristiques, souvent présentées à travers des visites guidées.

Aujourd’hui, des excès similaires perdurent, tels que le trafic d’organes. Là aussi, des mesures sont indispensables pour protéger tant les vivants que les morts.

Enfin, les meurtres de West Port illustrent la difficulté de concilier progrès médical et éthique. À mesure que la science avance, il est crucial de trouver un équilibre entre innovation et respect des principes fondamentaux, afin de garantir une recherche véritablement responsable.

Quelques liens et sources utiles

O’CONNELL, Ronan. Écosse : dans les pas des voleurs de cadavres d’Édimbourg. National Geographic. 24 octobre 2023 (consulté le 4 septembre 2024).

Body snatching de Burke et Hare | L’Histoire nous le dira # 117. L’Histoire nous le dira. 28 octobre 2020. Disponible sur YouTube (consulté le 4 septembre 2024).

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