Les Graciés de l'Histoire de Marlène Sándor, un livre à découvrir !

La Louisiane un héritage français en Amérique

Découvrez l'histoire fascinante de l'exploration de la Louisiane française au XVIIème siècle jusqu'à sa vente par Napoléon en 1803
La vente de la Louisiane française par Napoléon en 1803, imaginé par l'IA I DALL-E
La vente de la Louisiane française par Napoléon en 1803, imaginé par l’IA I DALL-E

À partir du XVIIème siècle, la France étend son empire d’Amérique avec la colonisation de la Louisiane. Malgré les explorations majeures et l’attachement fort des Français à l’immense territoire, les guerres européennes anéantissent l’aventure française outre-Atlantique et la Louisiane est vendue par Napoléon Bonaparte en 1803 à la très récente nation américaine.

La découverte et le développement de la Nouvelle-France

« Fleuve Saint-Laurent », « Lac Supérieur », « Nouvelle-Orléans », « État du Maine ». Ces noms de fleuves, lacs, villes et même régions de l’Amérique du Nord vous sont familiers. Un nom fait encore plus écho : « Louisiane ».

En effet, le 18ème état américain rappelle un lointain héritage français : La Louisiane française.

En réalité, le nom  « Louisiane française » ne correspond pas à l’actuel état de Louisiane mais renvoie à un territoire bien plus grand de l’Amérique conquis par la France à partir du XVII -ème siècle.

Mais revenons au commencement.

Les Vikings sont vraisemblablement les premiers à atteindre l’Amérique par leur exploration de l’île de Terre-Neuve à partir du Xème siècle comme nous l’avons évoqué dans l’article : Les Vikings ont-ils foulé l’Amérique ?

Entre 1492 et 1493, la découverte des Antilles par Christophe Colomb marque le début des conquêtes européennes.

En effet, à partir du début du XVIème siècle les Français découvrent l’Amérique du Nord et s’y installent.

Ainsi dès 1524 sous François 1er , Verrazano, explorateur italien explore le littoral atlantique de l’Amérique tandis que Jacques Cartier parvient en 1534 sur Terre-Neuve, rentre dans la baie de Saint-Laurent puis remonte le fleuve l’année suivante.

Henri IV, roi depuis 1589 nomme le territoire découvert par les Français en Amérique « Nouvelle-France », thème abordé dans l’article précédent : La Nouvelle-France, ce passé français en Amérique du Nord

En 1605 , Samuel de Champlain, considéré comme le « père de la Nouvelle-France » reconnait l’Acadie et fonde la ville de Québec en 1608. Il permet l’installation des premiers établissements à Terre-Neuve et Port Royal.

La Nouvelle-France s’étend d’années en années. Malheureusement une menace pèse sur l’Amérique française : l’Angleterre.

Cette dernière veut empêcher à tout prix l’installation des Français et le développement de leur influence en Amérique. La perfide Albion lance d’une part des attaques dans les différents territoires français et  opère une véritable colonie de peuplement dans les territoires voisins des Français en Virginie, Nouvelle-Ecosse et en Terre-Neuve.

La supériorité numérique de l’adversaire devient alors évidente. Quand on compte une centaine de colons Français en Nouvelle-France début XVII ème, il y en a plusieurs milliers pour les Anglais.

En effet, les volontaires Français sont peu nombreux pour coloniser la Nouvelle-France. Mise à part les missionnaires jésuites, un grand nombre de colons sont souvent d’anciens prisonniers, criminels en tout genre qui sont libérés voire monnayés pour aller coloniser le nouveau territoire.

L’exploration de la Louisiane française

Les Français, bien installés au Canada, décident de poursuivre leurs explorations vers le sud à la fin du XVIIème siècle.

En 1673, Louis Jolliet explore la région des Grands Lacs et découvre le fleuve Mississippi.

Du 1er janvier au 6 avril 1682, l’explorateur Cavelier de Lasalle fait la reconnaissance de la vallée du Mississippi, fleuve qu’il descend entre le lac Michigan et la future ville de Saint-Louis. Il parcourt près de 5000 kilomètres, découvre les régions du Missouri, de l’Illinois, l’Arkansas et l’Ohio.

Carte de la Louisiane et du cours du Mississipi-Guillaume Delisle-BNF I Domaine Public
Carte de la Louisiane et du cours du Mississipi-Guillaume Delisle-BNF I Domaine Public

Lasalle baptise le nouveau territoire français Louisiane en l’honneur du roi de l’époque Louis XIV.

En 1699, Pierre Lemoyne d’Iberville trouve l’embouchure du Mississippi dans le Golfe du Mexique et remonte le fleuve.

En 1718, Adrien de Pauger fonde la ville de la Nouvelle-Orléans. Des explorateurs français remontent le fleuve Missouri et se lient avec les peuples amérindiens Natchez et Illinois.

Ces explorations marquent la création de la Louisiane ou « Grande Louisiane française » qui s’étend du nord au sud des Grands Lacs jusqu’à La Nouvelle-Orléans qui devient sa capitale. Le territoire s’étale entre les chaines de montagnes des Rocheuses à l’ouest et les Appalaches à l’Est.

La Louisiane française est divisée en deux régions : la Haute-Louisiane (pays des Illinois) et la Basse-Louisiane. Les Français s’apprêtent à y construire des dizaines de forts.

L’alliance franco-indienne

Les Français ont tissé de nombreux liens avec des tribus indiennes locales depuis leur arrivée.

En effet, les peuples des Hurons et Algonquins font commerce de la fourrure (loutre, castor, renard) avec les colons depuis l’arrivée de Samuel de Champlain en 1605.

Wilhelm Lamprecht- Pere Marquette and the Indians-1869 I Domaine Public
Wilhelm Lamprecht- Pere Marquette and the Indians-1869 I Domaine Public

De nombreux pères jésuites partent évangéliser les peuples indiens :

Le Père Brébeuf rencontre à partir de 1626 les Algonquins, Hurons puis les Iroquois.

Le Père Marquette rencontre en 1673 les Hurons et Ottawas près des Grands Lacs puis va à la rencontre des Mascoutes et des Sioux au bord du Mississippi.

Certaines tribus indiennes vont ainsi se lier d’amitié avec les Français et s’allier avec eux. En face, les Britanniques font de même avec les Iroquois et un système d’alliance entre Européens et Amérindiens se met en place.

En 1690, les Anglais et Iroquois attaquent Québec. Les Français résistent, ripostent avec leurs alliés Abénaquis et Micmacs en attaquant les colonies anglaises voisines.

L’Angleterre tentent à tout prix de chasser la France de manière progressive. Elle s’allie avec des Iroquois et Chérakis (Cherokees), tribus ennemies très puissantes qu’elle approvisionne en armes et encourage à se révolter ce qui arrive en 1684 avec l’alliance des nations iroquoises contre la France.

En 1701, la Grande Paix indienne est proclamée entre les Iroquois et les Français et promet la neutralité iroquoise en cas de guerre entre la France et l’Angleterre.

Grâce à l’alliance des Français avec de nombreuses tribus indiennes, les attaques anglaises échouent à de multiples reprises à partir de 1755, marquant le début de la guerre de Conquête (1754-1760). Les Français rencontrent des alliés partout contrairement aux Anglais qui ne trouvent que les tribus les plus sanguinaires et ne comprennent pas l’attachement des autochtones à la présence française.

« La civilisation espagnole a écrasé l’Indien ; la civilisation anglaise l’a méprisé et négligé ; la civilisation française l’a étreint et chéri. »

Francis Parkman (historien américain) 

En 1759 en pleine guerre de Sept Ans, une dizaine de tribus acadiennes et algonquiennes (Abénaquis, Outaouais, Micmacs, Chouanons..) se joignent par milliers aux Français pour combattre les attaques anglaises sur Québec. Cette alliance franco-indienne permet aux Français tenir quelques mois de plus au Canada.

Suite au traité de Paris de 1763, de nombreuses tribus indiennes contestent la présence des Anglais. Certaines comme les Appalaches et Biloxis préfèrent suivre les Français plutôt que de rester en nouvelle terre anglaise.

Le déclin de la Nouvelle-France et de la Louisiane

Face aux incessantes attaques de l’Empire britannique, le démantèlement des territoires français en Amérique semble inéluctable.

En 1713, à la suite d’une série de défaite face aux Anglais, le traité d’Utrecht est signé entre la France et l’Angleterre. La France doit abandonner une partie de ses territoires canadiens : le détroit d’Hudson, l’Acadie et le territoire de Terre-Neuve.

La dislocation de la Nouvelle-France s’accélère ainsi en 1756, date du début de la guerre de Sept Ans. La chute de Québec en 1759 puis le traité de Paris en 1763 marquent la fin du conflit. La France perd alors tous ses territoires au Canada mais doit aussi abandonner la rive gauche du Mississippi à l’Angleterre (soit une grande partie de son territoire louisianais).

Malgré le traité de paix, les Anglais attaquent les Français dans leurs territoires restants en Louisiane qui n’est plus ravitaillée pour plusieurs raisons.

The Capture of the 'Alcide' and 'Lys', 8 June 1755-Artiste inconnu I Domaine Public
The Capture of the ‘Alcide’ and ‘Lys’, 8 June 1755-Artiste inconnu I Domaine Public

D’abord le manque d’intérêt de la métropole et l’influence du courant des Lumières qui critique vigoureusement les attaches françaises en Amérique, mais surtout les multiples attaques anglaises en Atlantique.

En effet, malgré la période de paix la marine anglaise n’hésite pas à attaquer les convois français dans l’Atlantique et près de 300 vaisseaux français à destination de la Nouvelle-France sont détruits.

Ainsi le 21 avril 1764 sous les ordres de Louis XV, les Français remettent l’ensemble du territoire au royaume espagnol dans le cadre du traité de Fontainebleau signé secrètement deux ans plus tôt entre les deux nations.

L’Espagne, déjà présente au Nouveau Mexique et en Californie, vient de perdre la Floride au profit de l’Angleterre lors de la guerre de Sept Ans aux côtés de son allié tricolore.

Mais l’arrivée des Espagnols en Louisiane en 1766 s’avère impopulaire et des révoltes finissent par éclater, comme en 1768 à la Nouvelle-Orléans à cause de l’imposition trop élevée.

En 1769 le général O’Reilly, militaire irlandais au service de l’Espagne nommé gouverneur de la Nouvelle-Orléans organise un régime tyrannique pendant plusieurs mois durant lesquels il fait fusiller certains représentants louisianais avant de quitter la ville précipitamment.

Les gouvernements successifs s’ouvrent progressivement à leurs voisins américains, indépendants depuis 1776.

L’espoir d’un retour de la Louisiane française sous l’Empire

En 1793, l’Espagne autorise les États-Unis à accéder aux échanges commerciaux puis deux ans plus tard la libre navigation du Mississipi. Les Américains remontent le fleuve et s’installent au bord de ses rives.

En 1800, Napoléon Bonaparte vient d’accéder au pouvoir et veut reconstituer l’ancien Empire français d’Amérique afin de lutter contre l’hégémonie anglaise.

Le Consul sait que cela est risqué car il a en mémoire son échec récent lors de l’expédition française Egypte.

Mais Napoléon a raison d’espérer : la Paix d’Amiens, depuis mars 1802 permet une paix temporaire entre l’Angleterre et la France.

Portrait de Bonaparte premier consul-François Gérard-1803 I Domaine Public
Portrait de Bonaparte premier consul-François Gérard-1803 I Domaine Public

Bonaparte a ainsi envoyé fin 1801 son beau-frère le Général Leclerc avec 20 000 hommes reconquérir l’île de Saint-Domingue, alors aux mains du Général Toussaint Louverture.

L’idée est de pouvoir rétablir l’autorité française et de créer un commerce entre la Louisiane et l’île des Caraïbes.

Ainsi, sous la pression du Premier Consul, le 21 mars 1803, la Louisiane est rétrocédée par l’Espagne à la France avec le traité de San Ildefonso, en échange du royaume italien d’Etrurie.

Mais l’expédition à Saint-Domingue, pourtant victorieuse lors du débarquement de 1802 échoue militairement en 1803. Leclerc est tué et l’indépendance d’Haïti proclamée le 1er janvier 1804.

La reconstitution d’un empire français se complique alors et la présence de la France en Amérique est menacée.

La marine anglaise est en effet hégémonique : les Anglais ont vingt vaisseaux dans le golfe du Mexique et rompent la Paix d’Amiens début 1803, en accusant les Français de ne pas respecter les clauses du traité et d’étendre leurs conquêtes en Europe.

De leur côté, les États-Unis indépendants depuis 1776 s’intéressent à la ville de la Nouvelle-Orléans, point stratégique de commerce et les Américains sont prêts à prendre la ville par la force si elle ne leur est pas cédée.

La vente de la Louisiane française par Napoléon

Napoléon demande alors au diplomate François Barbé de Marbois de mettre tout le territoire en vente sur le marché de Londres.

Le 30 avril 1803, la vente de la Louisiane aux Etats-Unis d’Amérique est actée pour 80 millions. Ces derniers obtiennent un territoire d’environ 2 millions de kilomètres carrés après négociation entre Napoléon, le président américain James Monroe et l’ambassadeur des Etats-Unis en France, Robert Livingston.

Cependant, le pavillon espagnol flotte toujours sur la Nouvelle-Orléans car les officiels ne sont pas encore arrivés.

Le 30 novembre 1803, l’Espagne rétrocède officiellement la Louisiane à la France. Le pavillon français flotte de nouveau sur la capitale historique mais pas pour longtemps. Effectivement quelques semaines plus tard, le 20 décembre 1803, la France transmet les clés de la ville aux Etats-Unis.

« Que les Louisianais sachent que nous nous séparons d’eux à regret…Qu’heureux de leur indépendance, ils se souviennent qu’ils ont été Français… et conservent pour nous des sentiments d’affection ! Que l’origine commune, la parenté, le langage, les mœurs perpétuent l’amitié ! »

Napoléon Bonaparte aux habitants de Louisiane en 1803

La fin de la longue présence française en Amérique, marquée par les découvertes majeures de ses explorateurs depuis le début du XVIème siècle est actée. Cependant, grâce au clergé et aux nombreuses familles restées dans l’ancienne Nouvelle-France, l’héritage francophone perdure encore aujourd’hui.

Quelques liens et sources utiles

Gilles Havard et Cécile Vidal, Histoire de l’Amérique française, FLAMMARION, 2019

Henri Servien, Petite histoire des colonies et missions  françaises, DPF CHIRE ,2001

Fernand Hue, Les Français en Amérique : Canada, Acadie, Louisiane ,Hachette Livre BNF, 2013

Marc de Villiers du Terrage, La Louisiane : histoire de son nom et de ses frontières successives, Hachette Livre BNF, 2018

Henri Servien, L’Amérique française, ELOR,1998

Rejoignez
la Newsletter Revue Histoire !

Sujets exclusifs, récapitulatifs, coups de cœur et vidéos à retrouver une à deux fois par mois.

Articles populaires

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Rejoignez notre Newsletter !

Sujets exclusifs, récapitulatifs, coups de cœur et vidéos à retrouver une à deux fois par mois.