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La Blanche Hermine : un chant indépendantiste breton

La Blanche Hermine est une chanson de Gilles Servat composée en 1970, qui met en exergue les tensions en Bretagne contre le pouvoir à Paris.
Landrévarzec : manifestation de protestation devant l'église paroissiale Saint-Guénolé lors de l'inventaire des biens d'église (vers 1906, carte postale Villard). Photographie utilisée comme illustration pour le chant La Blanche Hermine de Gilles Servat - Joseph-Marie Villard | Domaine public
Landrévarzec : manifestation de protestation devant l’église paroissiale Saint-Guénolé lors de l’inventaire des biens d’église (vers 1906, carte postale Villard). Photographie utilisée comme illustration pour le chant La Blanche Hermine de Gilles Servat – Joseph-Marie Villard | Domaine public

La Blanche Hermine est à tort considérée comme un chant patriotique français. Ainsi, bon nombre de montages sur Internet, utilisent cette chanson sur des images de militaires français.

En effet, malgré les paroles suivantes : « Ma mie dit que c’est folie d’aller faire la guerre aux Francs » les paroles de La Blanche Hermine ne laissent pas à penser que celui-ci est à vocation indépendantiste.

Le chant laisse croire au tiraillement d’un homme entre l’amour de son épouse, et le besoin de lutter pour la décolonisation de son pays.

Les paroles de La Blanche Hermine de Gilles Servat

J’ai rencontré ce matin devant la haie de mon champ
Une troupe de marins d’ouvriers de paysans
Où allez-vous camarades avec vos fusils chargés
Nous tendrons des embuscades viens rejoindre notre armée

La voilà la Blanche Hermine vive la mouette et l’ajonc
La voilà la Blanche Hermine vive Fougères et Clisson!

Où allez-vous camarades avec vos fusils chargés
Nous tendrons des embuscades viens rejoindre notre armée
Ma mie dit que c’est folie d’aller faire la guerre aux Francs
Mais je dis que c’est folie d’être enchaîné plus longtemps

La voilà la Blanche Hermine vive la mouette et l’ajonc
La voilà la Blanche Hermine vive Fougères et Clisson!

Elle me dit que c’est folie d’aller faire la guerre aux Francs
Mais je dis que c’est folie d’être enchaîné plus longtemps
Elle aura bien de la peine pour élever les enfants
Elle aura bien de la peine car je m’en vais pour longtemps

La voilà la Blanche Hermine vive la mouette et l’ajonc
La voilà la Blanche Hermine vive Fougères et Clisson!

Elle aura bien de la peine pour élever les enfants
Elle aura bien de la peine car je m’en vais pour longtemps
Je viendrai à la nuit noire tant que la guerre durera
Comme les femmes en noir triste et seule elle m’attendra

La voilà la Blanche Hermine vive la mouette et l’ajonc
La voilà la Blanche Hermine vive Fougères et Clisson!

Je viendrai à la nuit noire tant que la guerre durera
Comme les femmes en noir triste et seule elle m’attendra
Et sans doute pense-t-elle que je suis en déraison
De la voir mon coeur se serre là-bas devant la maison

La voilà la Blanche Hermine vive la mouette et l’ajonc
La voilà la Blanche Hermine vive Fougères et Clisson!

Et sans doute pense-t-elle que je suis en déraison
De la voir mon cœur se serre là-bas devant la maison
Et si je meurs à la guerre pourra-t-elle me pardonner
D’avoir préféré ma terre à l’amour qu’elle me donnait

La voilà la Blanche Hermine vive la mouette et l’ajonc
La voilà la Blanche Hermine vive Fougères et Clisson!

Et si je meurs à la guerre pourra-t-elle me pardonner
D’avoir préféré ma terre à l’amour qu’elle me donnait
J’ai rencontré ce matin devant la haie de mon champ
Une troupe de marins, d’ouvriers, de paysans

La voilà la Blanche Hermine vive la mouette et l’ajonc
La voilà la Blanche Hermine vive Fougères et Clisson!

L’armée et la Blanche Hermine

La Blanche Hermine a une différence notable avec des chants comme La Strasbourgeoise ou La Marseillaise qui évoquent un ennemi étranger, celui-ci évoque une confrontation entre Français. Ces paroles s’expliquent par les origines toutes particulières de l’auteur, mais aussi la période et les raisons de sa composition.

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Un chant aux origines séparatistes et anti-français

L’histoire de la Blanche Hermine est toute particulière, composée par l’artiste Gilles Servat en 1970. Le chant est ensuite intégré un an plus tard dans un album qui porte le même nom, sur lequel on trouve les morceaux suivants : Koc’h ki gwenn ha koc’h ki duAn Alarc’hLes bretons typiquesL’institutrice de QuimperléGwerz Marv PontkallekLes prolétairesKalondourMe zo ganet e kreiz ar mor et Montparnasse blues.

La Blanche Hermine est rapidement devenue l’hymne de la Bretagne. Rappelons toutefois que la chanson appelle à la lutte armée contre la France.

La Blanche Hermine, des origines bretonnes

Le titre de la chanson La Blanche Hermine fait référence à plusieurs symboles du duché indépendant de Bretagne, sa devise et son animal fétiche, l’hermine.

Le duché de Bretagne a été une réalité territoriale entre 939 et 1545. Il a durablement marqué la France. Sa devise, notamment, « Kentoc’h mervel eget bezañ saotret », qui se traduit en français par l’expression « Plutôt mourir que faillir » ou « Plutôt la mort que la souillure ».

Une devise qui raisonne dans une fabuleuse histoire mettant en scène le légendaire roi de Bretagne Conan Mériadec et une blanche hermine qui illustre la volonté des Bretons à ne jamais se laisser souiller par les autres. À une époque inconnue, une blanche hermine préfère se laisser prendre par ses poursuivants, une troupe de chasseurs menée par le roi de Bretagne, plutôt que de souiller son blanc pelage en traversant une rivière boueuse.

Il est aussi dit que ce serait la duchesse Anne de Bretagne qui aurait vu des chasseurs à la suite d’une hermine, et qui aurait imploré pour lui laisser la vie sauve, dès lors cet animal devient le symbole du duché. Cependant cette histoire semble être anachronique, Anne de Bretagne arrivant bien après l’adoption pour la première fois de ce symbole.

Des mouvements contestataires en Bretagne

La culture bretonne est très chère aux Bretons, c’est la raison pour laquelle, à plusieurs reprises dans notre histoire commune, des manifestations pacifiques ou parfois violentes ont éclaté. Les plus connues et importantes sont nommées les Emsav.

La première s’est déroulée entre 1898 et 1914, et est marquée par la promotion importante de la culture bretonne. La deuxième commence à la fin de la première en 1914 et s’arrête à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945. Cette fois, c’est l’utilisation des hommes durant le premier conflit mondial qui est durement critiquée. La moitié des hommes bretons envoyés sur le front sont morts, le plus souvent en première ligne. Les Bretons considèrent que c’est une opération orchestrée par le gouvernement de Paris pour faire taire la contestation et la culture bretonne. Enfin la troisième Emsav commence en 1945 et est toujours en cours. Le combat est mené culturellement avec la valorisation de la langue, des chants ou encore de la danse.

L’année 1970 marque véritablement le début de cette campagne de promotion culturelle de la Bretagne, notamment au travers des chants, comme La Blanche Hermine.

La Blanche Hermine, un chant controversé ?

Gilles Servat est critiqué pour son utilisation du terme « franc », mais aussi pour ses nombreuses références à la période féodale. Il utilise tout un imaginaire pour évoquer tous les conflits ayant confronté Bretons et Français. Ainsi, les forteresses de Fougères et Clissons renvoient aux souvenirs de la guerre de Bretagne au XVe siècle, confrontant Bretons et Français aux frontières du duché. Lorsqu’il évoque des insurgés partant en embuscade « avec des fusils chargés », il y a une référence probable aux guerres de la Chouannerie au XVIIIe siècle.

Cette utilisation, dans une période aussi complexe et tendue, pousse à croire qu’il y a une véritable volonté de l’auteur de mettre de l’huile sur le feu.

Enfin, il y a une réutilisation par des militaires d’extrême droite, notamment le Front National à partir de 1998, dans leurs rassemblements. Cette utilisation nauséabonde selon l’auteur, le pousse à réaliser une diatribe contre l’extrême droite qu’il intitule Touche pas à la Blanche hermine.

Quelques liens et sources utiles

Erwan Chartier, Gilles Servat. Portrait, Blanc Silex, 2004

Phillippe Tourault, Anne de Bretagne, Tempus Perrin, 2014

Georges Kastner, Les chants de l’armée français, Paris, 1855

Joseph Yingtrinier, Chants et Chansons des soldats de France, 1902

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