La bataille de la route de Raate s’est déroulée lors de la Guerre d’Hiver entre la Finlande et l’URSS, du 1er au 7 janvier 1940, près de Suomussalmi, dans le nord-est de la Finlande. Les Soviétiques avaient pour objectif de prendre le contrôle de la route stratégique de Raate, reliant Suomussalmi à Kuhmo, afin de couper la Finlande en deux et d’assurer une avancée plus aisée vers l’intérieur du pays.
Une bataille asymétrique : la route de Raate
Suite à la reprise par les Finlandais du village de Suomussalmi à la 163e division soviétique, la majeure partie de ces derniers s’est retirée vers Juntusranta le long de la glace du lac Kiantajärvi, d’où elle avait lancé son attaque.
Les forces soviétiques, composées principalement de la 44e Division d’infanterie et de la 163e Division de fusiliers, étaient supérieures en nombre et en équipement par rapport aux troupes finlandaises de la 9e division sous le commandement du général Hjalmar Siilasvuo.
Les estimations varient, mais on estime que les Soviétiques comptaient environ 45 000 soldats, avec un grand nombre de chars, d’artillerie et de véhicules, tandis que les Finlandais étaient environ 14 000, principalement des troupes à ski et de guérilla.
À la fin de décembre, le quartier général de la 9e division avait déjà découvert que la 44e division avançait dans la direction de la route de Raate. Les attaques répétées des Finlandais derrière les lignes soviétiques avaient endommagé le moral des troupes, engendrant une terreur notable. Selon les sources soviétiques, une unité entière aurait quitté ses positions sans tirer un seul coup de feu en entendant des bruits de ski à proximité. La 44e division, faisant théoriquement partie des unités les plus capables de combat de l’URSS, illustre l’influence psychologique que les soldats finlandais avaient sur leurs ennemis.
Le 1er janvier, les forces finlandaises ont commencé à préparer l’ordre reçu du Groupe Nord de détruire la 44e division soviétique. Le 2 janvier, le IIe bataillon du 27e Régiment d’infanterie a commencé à se déplacer vers les positions d’attaque, entrant en contact avec les troupes soviétiques.
Après une bataille de quatre heures, les Finlandais ont repoussé une partie de la brigade soviétique, mais leur avance s’est arrêtée devant les positions fortifiées de l’Armée rouge après un kilomètre. Durant cette journée, toutes les troupes rassemblées dans la région ont été placées sous le commandement du colonel Siilasvuo, qui, avec l’aide de son état-major, a élaboré son propre plan d’attaque. Initialement prévu comme un encerclement bilatéral (du nord et du sud), le plan d’attaque a finalement été modifié pour n’être mené que du sud afin d’encercler l’ennemi.
Le 2 janvier, les contre-attaques soviétiques ont commencé à proximité de la route de Raate, venant à la fois de l’est et de l’ouest. Cependant, grâce à une rupture créée par les premiers finlandais au combat et à un canon anti-char récupéré, les Finlandais ont réussi à maintenir leurs positions. Plus tard dans la journée, un canon anti-char finlandais a détruit huit chars soviétiques. Cependant, l’avancée du 27e RI n’a pas pu être poursuivie, et l’unité spéciale SissiP 1, qui participait à l’attaque, a échoué, obligeant le bataillon à se retirer pour se réorganiser et se reposer.
Après s’être rapprochés des positions soviétiques près des bois de la route de Raate les 3 et 4 janvier, les Finlandais ont lancé leur attaque principale le 5 janvier, encerclant la division soviétique, et forçant son retrait vers l’est dès le lendemain. Les gains territoriaux sur le moment furent toutefois relatifs. Les troupes soviétiques profitèrent de brèches créées par les attaques finlandaises pour s’échapper vers l’est. Le général Vinogradov, commandant de la 44e division soviétique, a pris la décision de se retirer après que ses approvisionnements aient été coupés par les Finlandais.
Au fil des jours, les troupes soviétiques se sont retrouvées piégées par les Finlandais qui ne cessaient pas la poursuite dans la forêt environnante. Le 7 janvier, les Finlandais ont pris le contrôle de parties importantes de la route menant à Raate et capturé un grand nombre de prisonniers et de matériel. Le général Vinogradov, atteint par les lourdes pertes subies par l’Armée rouge à Suomussalmi, a été exécuté par un peloton d’exécution devant les restes de ses troupes à Vasajärvi.
La bataille de la route de Raate a été une victoire décisive pour les Finlandais, montrant leur capacité à résister et à vaincre malgré leur infériorité numérique et matérielle. Les Finlandais ont récupéré un important butin de guerre, y compris des armes et des véhicules, et ont capturé environ 1 200 prisonniers. Cela a également eu un impact psychologique important, renforçant le moral des Finlandais et montrant au monde la détermination et la compétence de leurs forces armées face à une puissance militaire beaucoup plus importante.
La maitrise de l’environnement finlandais et la débâcle logistique soviétique
Depuis le début de la Guerre d’Hiver en novembre 1939, l’URSS est confrontée aux difficultés du terrain finlandais et à de nombreux problèmes logistiques dont les troupes finlandaises ont profité tout au long du conflit.
D’une part, les conditions météorologiques extrêmes ont exacerbé les difficultés de la 163e division soviétique lors de la bataille de Raate. Les températures glaciales et les conditions hivernales rigoureuses ont considérablement altéré la performance des armes et de l’équipement soviétiques, alors que les Finlandais, mieux adaptés au froid, ont pu maintenir leur efficacité opérationnelle.
Dès les prémices de la bataille, les Finlandais ont bloqué les routes d’approvisionnement des Soviétiques, les obligeant à ouvrir un nouvel axe logistique en plein milieu du lac Kiantajärvi, une route évidemment dangereuse et à découvert. Face à cette situation logistique et défensive précaire, le commandement de la 163e division a demandé le retrait de la zone fin décembre, mais ses préoccupations n’ont pas été prises en compte par le quartier général soviétique, qui avait déjà décidé de déplacer toute la 44e division le long de la route de Raate.
D’autre part, les attaques finlandaises ont réussi à rompre les lignes de ravitaillement des Soviétiques, les privant de ressources vitales telles que la nourriture, les munitions et le soutien logistique. Ces tactiques de guérilla, utilisant habilement le terrain et les forêts enneigées pour mener des attaques surprises et se déplacer rapidement, ont compensé le désavantage numérique et matériel des Finlandais.
En frappant de manière imprévisible, avec des embuscades et des attaques sur les flancs et les arrières des colonnes soviétiques, ils ont sapé la cohésion et la logistique ennemies, démontrant ainsi leur habileté à tirer parti de l’environnement pour combattre un adversaire technologiquement supérieur.
La mémoire de la bataille de la route de Raate
La bataille de la route de Raate est souvent citée comme un exemple réussi de la tactique d’encerclement utilisée par les Finlandais, mettant l’accent sur la rupture des lignes d’approvisionnement ennemies. La capacité des Finlandais à se déplacer dans des conditions difficiles, leur expérience du froid extrême et leur mobilité ont été des facteurs décisifs dans leur victoire face à un ennemi numériquement et technologiquement supérieur.
Cette bataille demeure un événement majeur inscrit dans la conscience collective finlandaise. Durant la Guerre d’Hiver, cette bataille a acquis une signification historique considérable en raison de sa démonstration de résistance face à une force bien plus puissante.
Pour les Finlandais, elle incarne la détermination du peuple face à une agression extérieure, soulignant leur capacité à se défendre efficacement malgré un déséquilibre évident en termes de ressources.
La mémoire de cette bataille est soigneusement entretenue par des commémorations annuelles, des cérémonies et des hommages aux soldats tombés au combat, notamment au cimetière militaire de Suomussalmi.
Des monuments, des plaques commémoratives, des musées locaux et des archives nationales préservent les récits, les documents historiques et les témoignages visuels. L’éducation nationale intègre cette bataille comme un exemple de résilience, d’ingéniosité tactique et de détermination face à l’adversité. Ainsi, la bataille de la route de Raate reste un élément fondamental de l’identité nationale finlandaise, symbolisant la fierté et la ténacité du pays dans des moments critiques de son histoire.
Longtemps indépendante et continuant à entretenir des relations avec la Russie, ancienne puissance hégémonique et surtout conquérante, la Finlande a récemment fait le choix de rejoindre l’OTAN pour se protéger des velléités russes dans la région.
Quelques liens et sources utiles
Clerc, Louis, La guerre finno-soviétique (novembre 1939-mars 1940), Economica, 2015.
Lukkarinen, Hannu, Lehtosaari, Pekka, Enfer glacé, Mosquito, 2018.