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Hong Kong : Quels scénarios à la crise institutionnelle

Depuis le transfert, Hong Kong vit des tensions croissantes entre ses aspirations démocratiques et les ambitions centralisatrices de Pékin
Émeute à Hong Kong - Tauno Tohk [pseudo Wikipédia] | CC BY-SA 2.0
Émeute à Hong Kong – Tauno Tohk [pseudo Wikipédia] | CC BY-SA 2.0

Hong Kong, une région administrative spéciale de la Chine, a été transférée du Royaume-Uni à la République Populaire de Chine (RPC) le 1er juillet 1997. Ce transfert s’est effectué dans le cadre de la Déclaration conjointe sino-britannique, qui promettait de préserver le mode de vie hongkongais, son système économique et ses libertés fondamentales sous le principe « un pays, deux systèmes ».

Ce modèle visait à maintenir l’autonomie relative de Hong Kong tout en intégrant le territoire dans la République Populaire de Chine. Cependant, depuis le transfert, Hong Kong a connut des tensions croissantes entre ses aspirations démocratiques et les ambitions centralisatrices de Pékin

Aux origines du litige

Vers la fin du XVIIIe siècle, l’Empire britannique commence à produire et exporter massivement de l’opium en Asie, en particulier en Chine, où ce marché est très convoité en raison de sa population croissante. Cultivé en Inde, ce produit extrêmement lucratif mais destructeur est introduit en Chine en grandes quantités par les autorités britanniques.

Pour tenter de freiner cette propagation, le gouvernement chinois, déjà protectionniste depuis le milieu du XVIIIe siècle, interdit l’importation et la consommation d’opium en mars 1839. Cette interdiction, décrétée par l’empereur Daoguang, provoque immédiatement une réaction de l’Empire britannique, déclenchant la première guerre de l’opium. C’est au cours de ce conflit que Hong Kong passe pour la première fois sous domination britannique.

Guerre de l'opium - Richard Simkin (1840-1926) | Domaine Public
Guerre de l’opium – Richard Simkin (1840-1926) | Domaine Public

Ce conflit de trois ans se termine en 1842 avec la défaite de l’empereur chinois, contraint de signer l’humiliant traité de Nankin le 29 août 1842. Ce traité offre d’importants avantages commerciaux aux Britanniques, comme la légalisation tacite du commerce de l’opium en Chine et la cession de l’île de Hong Kong. De plus, ce traité affaiblit considérablement la dynastie Qing et attise l’intérêt des puissances européennes pour la Chine.

Profitant de cet affaiblissement, les puissances européennes déclenchent un second conflit. La deuxième guerre de l’opium, dans la continuité de la première, se solde également par une défaite écrasante de l’empire chinois. La convention de Pékin, signée en octobre 1860, légalise le commerce de l’opium, valide les traités antérieurs, et impose d’importantes indemnisations aux bénéfices des vainqueurs.

Enfin, en 1898, pour consolider son contrôle sur Hong Kong, le Royaume-Uni signe avec la Chine la convention pour l’extension du territoire de Hong Kong, qui concède aux Britanniques les Nouveaux Territoires pour 99 ans.

Ces guerres ont des conséquences désastreuses pour la Chine. Économiquement, elle en sort exsangue et appauvrie. Politiquement, la perte de territoires et les révoltes internes fragilisent le pouvoir, menant à l’effondrement de la dynastie Qing en 1911.

Hong Kong : quel statut juridique depuis 1997 ?

Le 27 mai 1985, la Déclaration conjointe sino-britannique a été signée entre le Royaume-Uni et la Chine, établissant les modalités pour la rétrocession de Hong Kong. Cette déclaration était le résultat de négociations complexes menées par Margaret Thatcher, le premier ministre britannique, et Deng Xiaoping, le dirigeant chinois.

Les accords de 1984 et la transition de 1997

L’accord a posé les bases du cadre juridique qui devait régir Hong Kong après 1997. Selon les termes de la Déclaration, Hong Kong devait conserver son système économique et juridique distinct pendant 50 ans après la rétrocession. Cela incluait le maintien des libertés civiles et politiques, du système juridique basé sur le common law britannique, et de la monnaie hongkongaise.

La transition a été soigneusement planifiée pour éviter des perturbations majeures. La Déclaration conjointe stipulait que Hong Kong serait une région administrative spéciale de la Chine, bénéficiant d’un degré élevé d’autonomie sauf en matière de défense et de politique étrangère. Cette autonomie était censée inclure la liberté d’expression, de presse, et d’association, ainsi qu’un système judiciaire indépendant. Cependant, les négociations et la mise en œuvre de ces engagements ont été accompagnées de nombreux défis, notamment des préoccupations sur la continuité des droits et libertés dans le cadre du nouveau régime.

Les années qui ont suivi la rétrocession ont vu une série d’ajustements et de changements dans la manière dont ces engagements étaient appliqués. Les premières années ont été relativement stables, avec un respect général des engagements faits dans la Déclaration. Cependant, les tensions ont commencé à émerger à mesure que Pékin cherchait à affirmer son autorité, Hong Kong commençant à exprimer des préoccupations croissantes quant à la préservation de ses libertés et de son autonomie.

Les enjeux juridiques et constitutionnels

La Loi fondamentale, adoptée en 1990, constitue la mini-constitution de Hong Kong, précisant les principes énoncés dans la Déclaration conjointe. Cette loi garantit la préservation du système économique et juridique distinct de Hong Kong, ainsi que les libertés civiles et politiques. Toutefois, la réalité de la mise en œuvre de ces garanties a été souvent remise en question.

Un point crucial de la Loi fondamentale est la séparation des pouvoirs entre le gouvernement central et le gouvernement de Hong Kong. Selon la Loi fondamentale, Hong Kong dispose de son propre système judiciaire, distinct de celui de la Chine continentale, et les lois en vigueur avant la rétrocession doivent continuer à s’appliquer, sauf si elles sont modifiées par des lois locales. La Loi fondamentale stipule également que Hong Kong doit jouir d’une large autonomie dans ses affaires internes, y compris son système de gouvernance, son économie et son système juridique.

Cependant, la mise en œuvre de ces dispositions a été confrontée à des défis majeurs. La perception croissante de Pékin selon laquelle les engagements de la Déclaration conjointe étaient une concession temporaire a conduit à des tensions croissantes. L’adoption de la Loi sur la sécurité nationale en 2020 par le gouvernement chinois, qui a élargi ses pouvoirs sur Hong Kong, a été perçue comme une violation directe des engagements pris en 1984. Cette loi a imposé des restrictions sévères sur les libertés civiles et politiques, suscitant des critiques internationales et des manifestations massives à Hong Kong.

Manifestation à Hong Kong - Studio Incendo | CC BY 2.0
Manifestation à Hong Kong – Studio Incendo | CC BY 2.0

Les déterminants de la crise politique actuelle à Hong Kong

Depuis la rétrocession, Hong Kong a traversé plusieurs phases de mécontentement populaire et de révoltes.

Historique et contexte politique

Les manifestations de 2003 contre la loi sur la sécurité nationale proposée ont marqué un tournant significatif, révélant un large rejet des tentatives perçues comme des atteintes aux libertés civiles. La loi proposée visait à interdire les activités subversives et les contacts avec des forces étrangères, mais elle a été perçue comme une tentative de restreindre les libertés politiques et d’affaiblir l’autonomie de Hong Kong. La réaction publique a été suffisamment forte pour pousser le gouvernement hongkongais à retirer le projet de loi, prouvant le pouvoir de la société civile hongkongaise et sa détermination à défendre ses libertés.

Les manifestations de 2014, également connues sous le nom de Révolution des parapluies, ont été une autre phase critique de la crise politique. Ces manifestations ont été déclenchées par le rejet d’une réforme électorale proposée qui ne répondait pas aux attentes de la population pour un suffrage universel véritable.

Les protestataires ont occupé des zones clés de Hong Kong pendant plusieurs semaines, exprimant leur frustration face à ce qu’ils considéraient comme des réformes électorales insuffisantes et une ingérence croissante de Pékin dans les affaires hongkongaises. Ces événements ont souligné les tensions entre le désir d’une plus grande démocratie à Hong Kong et les limites imposées par le gouvernement central chinois.

Les événements de 2019 ont marqué une intensification du conflit entre les autorités hongkongaises et Pékin. Les manifestations ont été déclenchées par une proposition de loi sur l’extradition qui, selon les critiques, permettait aux autorités de Hong Kong d’extrader des individus vers la Chine continentale, où le système judiciaire est perçu comme moins transparent et moins respectueux des droits humains. Ces manifestations ont rapidement évolué pour inclure des appels plus larges à des réformes démocratiques et à la protection des libertés fondamentales. La répression violente des manifestations par les forces de sécurité a exacerbé les tensions et a attiré l’attention internationale sur la situation à Hong Kong.

Barricade lors de manifestations - Hagen Graf [pseudo Wikipédia] | CC BY 2.5
Barricade lors de manifestations – Hagen Graf [pseudo Wikipédia] | CC BY 2.5

Facteurs sous-jacents et réaction de Pékin

Les tensions croissantes entre Hong Kong et Pékin sont le résultat de plusieurs facteurs sous-jacents. Premièrement, la montée en puissance du nationalisme chinois sous la direction de Xi Jinping a influencé la politique de Pékin envers Hong Kong. Le gouvernement central chinois a cherché à renforcer son contrôle sur le territoire, considérant que la préservation du statu quo et l’autonomie relative de Hong Kong étaient des obstacles à ses ambitions de consolidation du pouvoir et de promotion de l’unité nationale.

Deuxièmement, les changements dans la politique internationale et les pressions économiques ont également joué un rôle. Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, ainsi que les critiques internationales croissantes concernant la situation des droits humains à Hong Kong, ont poussé Pékin à adopter une position plus ferme. La loi sur la sécurité nationale, adoptée en 2020, a été un exemple concret de la manière dont Pékin a répondu aux pressions externes et internes en renforçant son contrôle sur le territoire.

Troisièmement, la crise économique mondiale et la pandémie de Covid-19 ont exacerbé les tensions à Hong Kong. L’impact économique de la pandémie a aggravé les inégalités sociales et les frustrations parmi les habitants de Hong Kong. La récession économique a également affecté les investissements étrangers et la stabilité financière du territoire, intensifiant les critiques contre le gouvernement local et le gouvernement central chinois.

Quelles hypothèses pour demain ?

Face à l’incertitude croissante concernant l’avenir de Hong Kong, plusieurs scénarios émergent, chacun porteur de conséquences distinctes pour son rôle économique, son autonomie politique, et ses relations internationales.

Maintien du statu quo et rôle économique de Hong Kong

Le maintien du statu quo représente une option plausible pour l’avenir de Hong Kong. Ce scénario envisage la persistance du modèle « un pays, deux systèmes », avec des ajustements nécessaires pour faire face aux défis actuels. Hong Kong continuerait ainsi à jouer un rôle crucial dans l’économie mondiale en tant que centre financier international, tout en conservant une certaine autonomie et certaines libertés politiques.

Pour que ce scénario reste viable, un équilibre délicat devra être maintenu entre les attentes de Pékin en matière de contrôle et les aspirations des Hongkongais pour la préservation de leurs libertés. Le gouvernement hongkongais pourrait mettre en place des réformes pour répondre aux préoccupations de Pékin, tout en veillant à ne pas compromettre les éléments essentiels du modèle « un pays, deux systèmes ». Ces réformes pourraient inclure des améliorations en matière de transparence et d’efficacité gouvernementale, ainsi qu’un renforcement des mécanismes de gouvernance pour mieux répondre aux défis actuels.

Avec ce scénario, Hong Kong pourrait continuer à attirer des investissements étrangers grâce à sa position stratégique en tant que centre financier international. La poursuite de politiques favorables aux affaires serait essentielle pour maintenir sa compétitivité économique. Cependant, pour que ce modèle perdure, Pékin devra honorer les engagements pris en 1984, et les autorités hongkongaises devront naviguer habilement entre les pressions pour le contrôle centralisé et la nécessité de maintenir une certaine autonomie.

En parallèle, ce maintien du statu quo pourrait également nécessiter des ajustements dans les relations internationales de Hong Kong. La communauté internationale pourrait exercer des pressions pour garantir que les libertés fondamentales soient respectées, tout en cherchant à maintenir des relations économiques stables avec le territoire. Les négociations entre Hong Kong et ses partenaires internationaux pourraient jouer un rôle crucial dans l’ajustement de ce modèle pour assurer sa pérennité.

Manifestation des parapluies - Studio Incendo | CC BY 2.0
Manifestation des parapluies – Studio Incendo | CC BY 2.0

Intensification de la répression et intégration avec la Chine continentale

L’intensification de la répression constitue un scénario alternatif pour l’avenir de Hong Kong, où les autorités chinoises pourraient renforcer leur contrôle sur le territoire. Cela inclurait une répression accrue des activités politiques dissidentes et un durcissement des lois de sécurité nationale. Cette approche viserait à consolider le pouvoir de Pékin et à éliminer toute forme d’opposition à Hong Kong.

Si ce scénario se concrétise, il est probable que les libertés civiles et politiques à Hong Kong seront considérablement réduites. Les institutions démocratiques pourraient être davantage restreintes, avec une surveillance accrue des médias indépendants et des organisations de la société civile. Cette répression accrue pourrait également entraîner des tensions sociales croissantes, avec des manifestations et des actions de résistance, bien que sévèrement réprimées.

Les répercussions économiques de cette répression pourraient être significatives. L’incertitude politique et la répression pourraient entraîner une fuite des capitaux et une baisse des investissements étrangers, nuisant à la position de Hong Kong en tant que centre financier international. Les entreprises pourraient réévaluer leurs investissements et opérations à Hong Kong, ce qui aurait des répercussions sur l’économie locale et l’emploi.

Parallèlement, un autre aspect de ce scénario pourrait être l’intégration plus poussée de Hong Kong avec la Chine continentale. Cette intégration pourrait se manifester par une harmonisation accrue des systèmes politiques, économiques et juridiques entre Hong Kong et la Chine. Des réformes pourraient être mises en place pour aligner davantage les structures politiques et économiques de Hong Kong avec celles de la Chine continentale. Cela inclurait des modifications dans le système judiciaire hongkongais, une plus grande influence des autorités chinoises dans les affaires locales et une révision du cadre politique hongkongais pour le rendre plus conforme aux structures de la Chine continentale.

L’impact socioculturel de cette intégration pourrait être profond. Les valeurs, la culture et les modes de vie de Hong Kong pourraient être influencés par ceux de la Chine continentale, entraînant des changements dans la vie quotidienne et les perceptions socioculturelles des Hongkongais. Les jeunes générations, en particulier, pourraient ressentir des effets importants sur leur identité et leurs aspirations.

Ce scénario pourrait également entraîner une détérioration des relations entre Hong Kong et la communauté internationale, avec des sanctions et des mesures diplomatiques visant à condamner les violations des droits humains et les restrictions sur les libertés. La capacité de Hong Kong à maintenir son rôle en tant que centre financier international serait mise à l’épreuve, nécessitant des ajustements stratégiques pour naviguer dans ce nouvel environnement.

Hong Kong en Chine - Baignore [pseudo Wikipédia] | CC BY-SA 3.0
Hong Kong en Chine – Baignore [pseudo Wikipédia] | CC BY-SA 3.0

Hong Kong, entre défis et perspectives, quel avenir ?

L’avenir de Hong Kong est marqué par une complexité croissante et des incertitudes. Les différentes hypothèses pour le futur du territoire dépendent de nombreux facteurs, y compris les dynamiques politiques internes, les pressions internationales et les évolutions économiques. Les scénarios possibles vont de la préservation du statu quo avec des ajustements, à une répression accrue et des changements socio-politiques, en passant par une intégration plus poussée avec la Chine continentale ou une résolution négociée. 

Quel que soit le scénario qui se concrétisera, il est clair que la situation de Hong Kong continuera d’évoluer et de susciter des débats importants au niveau local et international. Les décisions prises dans les années à venir auront des implications profondes pour la gouvernance de Hong Kong, ses relations avec la Chine continentale et son rôle sur la scène mondiale. Les parties prenantes, y compris les autorités hongkongaises, le gouvernement chinois et la communauté internationale, devront manœuvrer avec soin dans ce paysage complexe pour trouver des solutions qui répondent aux défis actuels tout en respectant les engagements historiques et les aspirations des habitants de Hong Kong.

Quelques liens et sources utiles

Slinn, Peter. Le règlement sino-britannique de la question de Hong-Kong. Annuaire français de droit international, 1985, pages 167-190

Roux, Alain. Xiao-Planes, Xiaohong. Histoire de la République populaire de Chine. Armand Colin

Costantini, Marie-Ange. 35 ans après, les relations restent ambiguës entre le Royaume-Uni et Hong Kong. Figaro international

De Changy, Florence. Hong Kong, 25 ans après la rétrocession à la Chine : de l’état de droit à l’état de peur. Le Monde

Analyse prospective : crise socio-politique à Hong Kong. Iremos 

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