Dans un monde de plus en plus interconnecté, les frontières maritimes définissent l’espace maritime et créent des rivalités géopolitiques, des enjeux économiques ainsi que des impératifs de sécurité. Pendant de nombreuses années, l’exploitation des espaces maritimes s’est basée uniquement sur le principe de la liberté des mers.
Cependant, après 1945 et la création de l’ONU, une partie du monde a décidé de coopérer. La première conférence des Nations Unies sur le droit de la mer s’est tenue à Genève en 1958, aboutissant à un traité international unique qui régit encore aujourd’hui l’ensemble des affaires maritimes et des compétences des États. La volonté d’exploitation des ressources, notamment les hydrocarbures, entraîne ainsi des rivalités et suscite donc des tentatives de redéfinition des frontières par certains États. En parallèle, les ressources renouvelables, issues de la mer, reflètent les enjeux énergétiques de notre temps.
Les frontières maritimes et leurs délimitations dans un monde mondialisé
La Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer (CNUDM) de 1982, signée à Montego Bay et entrée en vigueur en 1994, a marqué un tournant. En effet celle ci a été ratifiée par 157 États et l’Union européenne en 2022, instaurant des principes régissant la navigation, les zones économiques exclusives (ZEE) et créant un Tribunal international du droit de la mer.
Fixer les frontières maritimes et exploiter les ressources énergétiques
Composée de 320 articles, la CNUDM interdit aux États riverains d’entraver le passage dans les détroits, crée les ZEE jusqu’à 200 milles marins, accorde des droits aux États sans littoral, garantit la liberté en haute mer et traite de la lutte contre la piraterie et de la conservation des ressources biologiques.
En effet, la haute mer est définie comme patrimoine commun de l’humanité et permet aux États de revendiquer des droits d’exploitation au-delà des ZEE en essayant de prouver une continuité géologique de leur plateau continental.
La CNUDM définit ainsi plusieurs zones maritimes :
- Mer territoriale : s’étend jusqu’à 12 milles marins où l’État exerce une souveraineté totale.
- Zone contiguë : extension de la mer territoriale de 12 milles supplémentaires pour des contrôles spécifiques.
- Zone économique exclusive (ZEE) : s’étend jusqu’à 200 milles marins pour l’exploitation exclusive des ressources.
- Plateau continental : extension possible de la ZEE pour les États en cas de continuité géologique.
Ces zones maritimes favorisent l’exploitation des ressources mais impliquent également des obligations de libre circulation et d’assistance en haute mer. En outre, les délimitations favorisent des tensions économiques, notamment pour l’exploitation des ressources énergétiques.
Rôle des institutions dans le règlement des litiges au niveau des frontières maritimes
Depuis 1994, l’arbitrage est devenu la méthode privilégiée pour résoudre les différends maritimes. Le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) à Hambourg et la Cour internationale de justice (CIJ) sont des institutions majeures dans ce domaine, avec des cas notables traités, comme celui entre le Nicaragua et la Colombie en 2022 sur la délimitation maritime autour des îles de San Andres et Providencia. Ceci fut tranché en faveur du Nicaragua, affirmant la violation de sa souveraineté par la Colombie.
Mondialisation et ressources énergétiques
Les mers fournissent aujourd’hui environ 30 % de la production mondiale de pétrole et 27 % de celle de gaz. Les gisements offshore représentent un tiers de la production mondiale, estimée en 2017 à 650 milliards de barils d’hydrocarbures.
Grâce aux nouvelles technologies, des explorations jusqu’à 3 000 mètres de profondeur sont désormais possibles. La mondialisation facilite ces flux énergétiques via des oléoducs et gazoducs maritimes, reliant producteurs et consommateurs par des routes stratégiques comme celles du détroit d’Ormuz et du canal de Suez.
La région du golfe arabo-persique, productrice d’environ un tiers des hydrocarbures liquides mondiaux, est un point de tension stratégique, avec des revendications. Ce contexte montre l’importance des régulations internationales comme la CNUDM pour équilibrer l’exploitation et la sécurité des routes maritimes.
Rivalités et défis autour des frontières maritimes et des ressources énergétiques
L’établissement des frontières engendrent des revendication de la part de différents états, souhaitant exploiter les ressources, du fait du potentiel économique.
Rivalités et contestations
La souveraineté de certaines îles et ZEE, comme celles revendiquées par l’Iran et les Émirats arabes unis, alimente des tensions. L’histoire et les revendications contemporaines créent des frictions dans des zones stratégiques, telles que le détroit d’Ormuz, où la présence militaire américaine tente de dissuader et d’éviter les actes de sabotage.
En mer de Chine méridionale, plusieurs pays revendiquent les îles Paracels et Spratleys, entraînant des conflits impliquant les États-Unis et la Chine.
Le litige autour des îles Senkaku/Diaoyu entre la Chine et le Japon illustre également ces tensions, avec la stratégie de poldérisation de la Chine renforçant ses revendications territoriales.
Enjeux économiques des frontières maritimes et des ressources énergétiques
Les ressources énergétiques et halieutiques des fonds marins génèrent des rivalités économiques. En mer de Chine, l’exploitation des ressources, potentielles, est estimée à 652 milliards d’euros, selon le centre de recherche international de Sciences Po. De plus la présence d’acteurs internationaux, comme les États-Unis et l’Inde, exacerbe les tensions autour de ces enjeux énergétiques.
Tout ceci entraine une sécurisation des routes de transport d’hydrocarbures, notamment dans les détroits stratégiques. Les tensions croissantes nécessitent un renforcement militaire, comme l’illustre le déploiement américain pour protéger les routes pétrolières au Moyen-Orient, ou encore l’action commune avec les français nommée Prosperity Guardian en 2023 afin de lutter contre les rebelles Houthis.
Environnement et énergies renouvelables
Les défis environnementaux redéfinissent les frontières maritimes. En effet la protection des océans est assurée par des aires marines protégées (AMP) depuis le sommet de la Terre de Rio en 1992. L’Autorité internationale des fonds marins supervise l’exploitation des ressources marines dans un cadre durable, avec pour objectif de faire des océans des zones protégées.
Le développement des énergies renouvelables marines, telles que l’énergie hydrolienne en Bretagne et l’énergie houlomotrice, met en avant le potentiel des océans pour diversifier les sources d’énergie, tout en préservant la biodiversité.
Les frontières maritimes et les ressources énergétiques comme enjeux
Les frontières maritimes soulèvent donc des enjeux géopolitiques, économiques, sécuritaires et environnementaux. Les tensions territoriales, comme celles en mer de Chine méridionale ou en Arctique, révèlent des conflits historiques et économiques.
Les ressources énergétiques, particulièrement en hydrocarbures, créent des rivalités, tandis que la sécurité des routes maritimes devient une préoccupation croissante. La nécessité d’une coopération internationale est donc essentielle pour résoudre ces conflits dans un contexte mondial de connectivité croissante.
Quelques liens et sources utiles
ATTALI.J., Histoires de la mer, Fayard, 2017
BAUTZMANN.A, Atlas géopolitique mondial 2023, Du Rocher, 2022
LACOSTE.Y., La Géopolitique par les cartes, Larousse, 2022
KELLNER.T., et DJALILI.M., « Au centre pétrolier du monde : le golfe Persique » dans : Outre-Terre, vol. no 14, no. 1, 2006, pp. 341-375.
« Frontières, zonages et délimitations maritimes : principes internationaux » , Géoconfluences, 2006, [En ligne] dernière consultation le 07/11/2024
« Convention des nations unies sur le droit de la mer », Nations Unies, Recueil des Traités , vol. 1834, 1994 [En ligne], dernière consultation le 07/11/2024
« Infographie : les chiffres-clés des échanges maritimes mondiaux », Musée National de la Marine, 2023 [En ligne] dernière consultation le 07/11/2024
« Les conflits en mer de chine méridionale », SciencePo Centre de recherches internationales, 2014 [En ligne] dernière consultation le 07/11/2024
« Les revendications sur les plateaux continentaux étendus en arctique, sous le signe de la coopération », Frédéric Lasserre, Conseil québécois d’Études géopolitiques, 2020 [En ligne] dernière consultation le 07/11/2024
« Énergies marines renouvelables » Ecologie.gouv, 2018, [En ligne], dernière consultation le 07/11/2024