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Chine : une menace culturelle pour la France ?

L’indépendance culturelle de l’Hexagone est-elle vraiment menacée par la Chine ? Quels risques existent-ils et comment y pallier ?
Nouvel An chinois, qui s'est déroulé dans le 13e arrondissement de Paris (France) - Georges Seguin | Creative Commons BY-SA 4.0
Nouvel An chinois, qui s’est déroulé dans le 13e arrondissement de Paris (France) – Georges Seguin | Creative Commons BY-SA 4.0

Le 31 août 2024, un collectif de chercheurs a décidé de publier une tribune dans le journal Le Monde. L’objectif ? Exprimer leur ras-le-bol envers la Chine, et plus particulièrement envers ses ingérences et ses chantages dans plusieurs musées français.

Il est vrai que le rôle croissant de la Chine sur la scène internationale s’accompagne d’une stratégie ambitieuse d’influence culturelle, en particulier en Europe. Avec la prolifération des Instituts Confucius, les coproductions cinématographiques et les échanges muséaux, la présence chinoise se fait clairement de plus en plus sentir en France. Peut-être trop.

Plusieurs experts ont ainsi peur que la nation des arts et de la liberté d’expression qu’est la France voit ses valeurs artistiques et académiques être piétinées sous l’influence de la Chine. Mais l’indépendance culturelle de l’Hexagone est-elle vraiment menacée ? Quels risques existent-ils et comment y pallier ? Réponse dans cet article.

Les Instituts Confucius en France : vecteurs d’influence culturelle pour la Chine ?

Les premiers dangers chinois potentiels que l’on peut analyser sont les Instituts Confucius. Créés à partir de 2004, ces instituts ont pour objectif de diffuser la langue et la culture chinoise dans les 154 pays où ils sont implantés. En France, les 18 Instituts Confucius sont ainsi souvent associés aux universités pour enseigner le chinois et organiser des événements culturels.

Institut Confucius des Pays de la Loire, Angers – Émeric (pseudo Wikipedia) | Creative Commons BY-SA 4.0

Face à un réseau dense, et surtout bien implanté, l’IRSEM et un rapport du Sénat datant de 2021 ont pointé plusieurs dangers. Parmi eux, le fait que les Instituts Confucius pourraient servir à propager la ligne idéologique du Parti communiste chinois et à influencer les débats sur des sujets sensibles, comme la question du Tibet, de Taïwan ou des droits de l’homme.

C’est pour éviter cela que certains pays comme les États-Unis et la Suède ont fermé ces instituts sur leur sol, craignant qu’ils soient un instrument d’influence politique.

En France, bien que des discussions aient lieu sur ces préoccupations, les Instituts Confucius continuent pour l’instant de fonctionner, étant vus principalement comme des outils éducatifs. A noter toutefois que les universités Lyon 3 et Paris-Nanterre ont fermé respectivement en 2013 et en 2018 leurs Instituts Confucius, après des différends pour la première concernant l’ingérence de la Chine dans le contenu pédagogique…

Le patrimoine et les musées : collaborations ou influences ?

Après les instituts Confucius, ce sont les coopérations muséales entre la France et la Chine qui peuvent laisser des doutes sur l’indépendance culturelle française.

De manière globale, ces échanges sont profitables pour les deux pays. La Chine a ainsi l’occasion de présenter sa richesse artistique à un public français demandeur de son art, tandis que les musées français ont quant à eux l’opportunité d’exposer dans des lieux prestigieux en Chine, comme le Musée national de Chine à Pékin, ce qui accroît leur renommée et leur prestige.

Ainsi, le musée du Louvre a organisé plusieurs expositions en Chine, et le Palais du Louvre à Lens a de son côté exposé des œuvres chinoises d’art ancien et contemporain.

Le musée national de Chine (Beijing) – Jean-Pierre Dalbéra | Creative Commons BY 4.0

Le problème dans ces coopérations, c’est que la Chine a tendance à utiliser le chantage. Bien consciente que les musées français seraient bien plus perdants qu’elle en cas d’arrêt de la coopération, elle n’hésite donc pas à conditionner leur partenariat à l’effacement culturel de régions et de minorités chinoises en leur sein. Ainsi, plus de trace du Tibet au musée du quai Branly et au musée Guimet, mais plutôt de la “région autonome du Xizang” et du “monde himalayen”.

Dans le futur, on peut aussi craindre que la Chine utilise le chantage sur la question de la restitution des œuvres d’art pillées ou acquises durant les périodes coloniales ou les guerres, notamment lors du pillage du Palais d’Été à Pékin en 1860 par les troupes franco-britanniques. La Chine a en effet récemment intensifié sa demande pour le retour de certains objets, ce qui met désormais la France face à des enjeux complexes, à la fois diplomatiques et culturels.

La coproduction cinématographique entre la France et la Chine : un domaine de forte croissance

Au-delà des œuvres d’art, la coopération franco-chinoise se fait aussi dans le cinéma et l’audiovisuel. La coproduction cinématographique entre la France et la Chine s’est en effet intensifiée depuis la signature en 2010 d’un accord de coproduction cinématographique, qui permet aux deux pays de collaborer sur des films en partageant des financements, des talents et des ressources.

Le problème ici, c’est que ces films coproduits doivent souvent respecter des critères stricts imposés par la censure chinoise. Par conséquent, cette influence chinoise a tendance à limiter la liberté créative et à imposer des normes qui ne sont pas toujours compatibles avec la tradition cinématographique française, plus libérale sur les sujets politiques ou sociaux.

Alors que les cinéastes français ont tout intérêt à accéder au vaste marché chinois, cela pose donc des questions sur l’auto-censure qu’ils pourraient pratiquer pour arriver à leurs fins.

Les échanges universitaires et intellectuels : ouverture ou conditionnement ?

Les échanges académiques sont également très importants dans les relations culturelles franco-chinoises. De nombreux étudiants chinois viennent en effet chaque année étudier en France, tandis que la Chine attire quant à elle de plus en plus d’étudiants et de chercheurs français dans ses universités.

Ces échanges permettent certes un dialogue interculturel approfondi, mais certains experts, comme Marianne Bastid-Bruguière, soulignent que la Chine tente parfois de canaliser ces échanges pour diffuser son propre modèle éducatif ou sociétal. Ne sont ainsi plus comptées aujourd’hui les conférences organisées autour des réussites économiques de la Chine ou de sa gouvernance.

    Par ailleurs, la censure académique peut aussi être un enjeu dans ces échanges. Les chercheurs français qui travaillent sur des sujets sensibles comme les droits de l’homme, le Xinjiang ou la répression des minorités ethniques peuvent ainsi se voir limiter dans leurs recherches en Chine, voire confrontés à des pressions pour modérer leurs propos, tout comme les musées français.

    Plusieurs dangers plus ou moins concrets existent donc autour de l’indépendance culturelle française. Toutefois, il serait réducteur de dire que la France se laisse “influencer” par la Chine. Certes, Pékin cherche à accroître son soft power en France à travers la culture, mais les échanges culturels entre les deux pays sont pour l’instant avant tout bilatéraux.

    Si la Chine cherche à diffuser son modèle et sa culture, et à en donner une vision positive, la France reste quand même une grande puissance culturelle mondiale avec ses propres valeurs et un fort sens de l’indépendance artistique. Mais si la France veille aujourd’hui à préserver ses principes et sa diversité culturelle, rien ne dit que le vent ne tournera pas en faveur de la Chine dans quelques années ou décennies.

    Rester vigilant est donc primordial pour que les craintes exprimées par les experts restent à tout jamais des craintes…

    Quelques liens et sources utiles :

    Paul André, La Chine aujourd”hui: Dynamiques domestiques et internationales, PU SEPTENTRION, 2014

    Françoise Benhamou, David Thesmar, Valoriser le patrimoine culturel de la France (CAE 97), La Documentation Française, 2011

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