Formuler une problématique est une étape clé dans tout travail de recherche en histoire. Elle sert à guider l’ensemble de la réflexion et des analyses, en posant une question centrale à laquelle répondre.
Cependant, cet exercice peut s’avérer délicat pour les étudiants en licence histoire, qui peinent parfois à structurer leurs idées. Quelles sont les étapes pour élaborer une problématique claire, pertinente et adaptée à un sujet historique ?
Comprendre le rôle de la problématique
La problématique n’est pas une simple question : c’est une interrogation complexe qui oriente la recherche et permet de structurer un raisonnement. Elle doit identifier une tension ou un enjeu spécifique dans le sujet traité.
Par exemple, au lieu de poser une question descriptive comme « Quels événements ont conduit à la Révolution française ? », une problématique pourrait explorer les causes et les conséquences sous un angle analytique : « Dans quelle mesure les crises économiques et sociales ont-elles accéléré la chute de l’Ancien Régime ? »
Pourquoi est-elle indispensable ?
- Elle permet de délimiter le sujet, en évitant une approche trop large ou trop vague.
- Elle donne une direction claire à la recherche et structure la réflexion.
- Elle aide à hiérarchiser les arguments et à éviter les digressions.
Les étapes pour formuler une problématique
1. Analyser le sujet
Avant de rédiger une problématique, il est crucial de bien comprendre le sujet. Identifiez les mots-clés et les concepts principaux. Demandez-vous : Que sais-je déjà sur ce sujet ? Quelles zones d’ombre ou points de tension subsistent ?
Prenons l’exemple du sujet : « Les femmes pendant la Première Guerre mondiale. » Les concepts clés ici sont « femmes » et « Première Guerre mondiale ». Cela implique d’explorer leur rôle, leur mobilisation, mais aussi les changements sociaux ou économiques engendrés par la guerre.
2. Se documenter
Une problématique efficace repose sur une bonne connaissance du sujet. Lisez des ouvrages de référence, consultez des articles et des sources primaires. Ce travail préliminaire vous aidera à repérer des thématiques ou des débats historiographiques liés au sujet.
3. Identifier une tension ou un enjeu
La problématique doit mettre en lumière un aspect problématique ou une contradiction. Pour cela, posez-vous les questions suivantes :
- Y a-t-il des débats entre historiens sur ce sujet ?
- Quels facteurs ou dynamiques opposés peuvent être analysés ?
- Existe-t-il un impact ou une conséquence à interroger ?
Pour le sujet précédent sur les femmes pendant la Première Guerre mondiale, une problématique pourrait être : « La mobilisation des femmes pendant la Première Guerre mondiale a-t-elle conduit à une véritable évolution de leur statut social ou s’est-elle limitée à un rôle temporaire ? »
4. Formuler une question précise
Votre problématique doit être claire, concise et ouverte à l’analyse. Évitez les questions trop descriptives ou fermées.
Exemples de problématiques mal formulées :
- « Qu’ont fait les femmes pendant la Première Guerre mondiale ? » (Trop descriptif).
- « Les femmes ont-elles participé à la guerre ? » (Question fermée).
Exemple de problématique bien formulée :
- « Dans quelle mesure la participation des femmes à l’effort de guerre pendant la Première Guerre mondiale a-t-elle influencé leur émancipation sociale et politique ? »
Les erreurs à éviter
1. Un sujet trop large
Une problématique trop vaste rendra l’analyse confuse. Par exemple, « Les causes de la Seconde Guerre mondiale » est trop général. Privilégiez un angle spécifique, comme « Le rôle de la crise économique des années 1930 dans la montée du nazisme ».
2. Un manque de sources disponibles
Assurez-vous que votre problématique peut être nourrie par des sources suffisantes et variées : textes, témoignages, statistiques, etc.
3. Une problématique sans enjeu analytique
Une question descriptive ou factuelle n’encourage pas l’analyse. La problématique doit inviter à expliquer, comparer ou interpréter.
Synthèse : les critères d’une bonne problématique
Pour vérifier la qualité de votre problématique, posez-vous les questions suivantes :
- Est-elle claire et compréhensible ?
- Met-elle en lumière une tension ou un enjeu ?
- Permet-elle de structurer un plan logique ?
- Est-elle adaptée aux sources disponibles ?
Conclusion
Formuler une problématique en histoire est un exercice intellectuel exigeant, mais essentiel pour mener une recherche rigoureuse et pertinente. Elle constitue le fil conducteur de tout travail universitaire, du mémoire à la dissertation.
En s’appuyant sur une problématique bien pensée, l’étudiant peut structurer son raisonnement, approfondir son analyse et apporter une contribution originale à l’étude de l’histoire.
Quelques liens et sources utiles
François Dosse, Méthodologie de l’histoire, Armand Colin, 2015 – Un guide complet sur les outils et approches en histoire.
Yannick Clavé, Méthodologie de la dissertation en histoire : Classes préparatoires, licence, concours, Ellipses, 2021
Pierre Saly, François Hincker, Marie-Claude L’Huillier, Jean-Paul Scot, Michel Zimmermann, Le commentaire de documents en histoire – 3ED NP, Armand Colin, 2017
Pierre Saly, François Hincker, Marie-Claude L’Huillier, Jean-Paul Scot, Michel Zimmermann, La dissertation en histoire, Armand Colin, 2019