Le Teatro Colon à Buenos Aires est un véritable chef d’œuvre architectural, tant en Argentine que dans toute l’Amérique latine. Monument historique national depuis 1989, son acoustique rivalise avec les plus grandes salles d’opéras européennes et son imposante stature en fait l’un des plus importants du monde.
Près de mille-cinq-cents employés et vingt ans de travaux ont été nécessaires pour achever ce colossal édifice, incontestable preuve de l’influence franco-italienne lors de la Belle Époque de la capitale argentine.
Une histoire en deux chapitres
Au XVIIIe siècle, lors du début de l’essor de la ville, l’élite bourgeoise se plaisait à venir se divertir en appréciant des spectacles de théâtre ou d’opéras. Le premier théâtre de la ville, la Casa de Comedias, connu comme Teatro de la Rancheria, fut construit en 1783 sur ordre de la Vice-royauté espagnole. Brûlé lors d’un incendie moins de dix ans plus tard, Buenos Aires resta dépourvu de scènes jusqu’en 1804, date à laquelle fut construit le Teatro Coliseo, d’une capacité d’environ mille places.
Face à une augmentation de la demande et au manque de place, le premier Teatro Colon voit le jour en 1857. Situé au nord de la Casa Rosada, sur la Plaza de Mayo, le nouveau théâtre détonna par sa grandeur. D’une capacité de deux-mille-cinq-cent personnes, doté de soixante-quatre loges et première salle à utiliser un éclairage à gaz, il est l’un des plus luxueux et moderne de toute l’Amérique.
Alors qu’à Montevideo, un an auparavant, avait ouvert le Teatro Solis (nommé en hommage au navigateur ayant découvert le Rio de la Plata), il fût suggéré d’appeler le nouveau théâtre argentin du nom de Christophe Colomb.
À la fin du XIXe siècle, à la suite de grandes réformes dans le modèle économique et politique de l’Argentine ainsi que de sa modernisation, le pays devint un nouvel eldorado pour des millions d’européens. Ces immigrés, qui vinrent gonfler les rangs de la classe moyenne, se montrèrent très friands d’opéras, genre artistique alors très en vogue en Europe.
C’est cette reconfiguration démographique et sociale qui fit basculer l’Argentine et la dota de la volonté d’être une partie active et reconnue du monde culturel international à la mode européenne.
Suite à des critiques émises sur le manque de places, des décorations de mauvais goût et un prix des places exorbitant (treize fois plus cher que les autres théâtres), le Teatro Colon souhaita changer d’emplacement et se refaire peau neuve. C’est ainsi qu’en juillet 1887 le Congrès national autorisa la municipalité de Buenos Aires à revendre le Teatro Colon à la Banque Nationale.
Avec l’argent tiré de la vente, il fut possible de commencer la construction du nouveau Teatro Colon. Il fut décidé de le bâtir à la place de l’ancien Station Parque, la première gare ferroviaire d’Argentine. Débutée en 1888, la construction dura jusqu’en 1908 et vit se succéder trois illustres architectes : les italiens Francesco Tamburini et Vittorio Meano, puis le belge Jules Dormal.
Anecdote cocasse, les deux premiers architectes sont morts à l’âge de quarante-quatre ans avant de pouvoir terminer les travaux. Lors de la nomination du troisième candidat, il fut décidé de choisir une personne de plus de quarante-quatre ans.
Un chef d’oeuvre artistique
Il est indéniable que le Teatro Colon à tout pour impressionner. D’une architecture exceptionnelle, on y retrouve le style éclectique académique franco-italien typique à Buenos Aires lors du début du XXe siècle. Sa superficie de cinquante-huit-mille mètres carrés permet d’accueillir trois-mille spectateurs et sept étages de loges tandis que sa fosse d’orchestre permet elle d’accueillir cent-vingt musiciens.
Le hall central, décoré aux airs gréco-romains, est éclairé par de grands vitraux importés de la maison parisienne Gaudin alors que l’escalier principal est lui en marbre de Vérone du Portugal. Son dôme de trois-cent-dix-huit mètres carrés est embelli d’un lustre de bronze de sept mètres de diamètre pour un poids de plus d’une tonne.
Cette coupole, peinte dans les années 1930 par Marcel Jambon, a été restaurée par le célèbre peintre argentin Raul Soldi en 1960 pour compenser les dégradations dues à l’usure.
Outre sa décoration grandiose, le Teatro Colon est surtout réputé pour son acoustique. En 2010 par exemple, il reçut la première place internationale de l’acoustique d’opéra. Cette qualité sonore est attribuable aux connaissances techniques appliquées à la forme en fer à cheval que présente la pièce et qui provoque une réflexion sonore adéquate.
De plus, les proportions architecturales de la pièce et la qualité des matériaux (répartition du bois, tapisseries, rideaux et tapis) maintiennent un équilibre qui contribue favorablement au conditionnement acoustique.
En note de fin
De renommée mondiale, le bâtiment est considéré comme l’un des dix meilleurs théâtres au monde, pouvant rivaliser avec la Scala de Milan, l’Opéra de Paris ou de Vienne. Sa construction a été un projet ambitieux qui a marqué l’histoire culturelle de l’Argentine.
C’est son long processus de construction, ainsi que la participation de trois architectes aux styles et formations académiques différentes qui lui donnent son charme majestueux. Rénové de 2006 à 2010 pour remédier à la détérioration due aux années qui passent, le lieu a depuis retrouvé son éclat.
Aujourd’hui, le Teatro Colón continue de jouer un rôle central dans la scène musicale mondiale et offre des visites guidées quotidiennes, ouvrant ses portes aux visiteurs désireux de découvrir son histoire riche et son architecture exceptionnelle.
Quelques liens et sources utiles
Pignatelli, Adrian. La historia desconocida del primer Teatro Colón: en qué se convirtió el edificio en pleno centro porteño. Infobae.
Imaginario, Andrea. Teatro Colón de Buenos Aires. Cultura Genial.
Dejtiar, Fabian. Teatro Colón en Buenos Aires: historia de uno de los mejores teatros del mundo. ArchDaily.