Situé entre l’Avenida Córdoba et l’Avenida Ayacucho, en plein centre de Recoleta, le Palais des Eaux Courantes à Buenos Aires est un chef-d’œuvre architectural. Plus grand réservoir d’eau potable de Buenos Aires, le projet fut développé par l’ingénieur suédois Karl Nystromer et l’architecte norvégien Olaf Boye à la fin du XIXe siècle.
Monument historique national depuis 1989, il s’inscrit dans la lignée des bâtiments de la Belle Époque de la capitale, comme le Palacio Sarmiento, la Plaza Francia, le Teatro Colón ou la Plaza del Congreso.
Contexte de la construction du Palais des Eaux
Avant sa construction, et tout au long du XIXe siècle, le service d’eau potable de la ville présentait de grandes déficiences.
En cas de sécheresse, les habitants de Buenos Aires dépendaient de l’eau des rivières ou des étangs à proximité. Suite aux grandes vagues migratoires européennes des années 1860, la ville vit sa population s’accroître rapidement au point d’atteindre un million trois cent mille habitants en 1870.
Ce problème de surpopulation, couplé aux épidémies dévastatrices de choléra en 1867 et de fièvre jaune en 1871 (plus de 15 000 morts), décida les pouvoirs publics à agir.
Finalement, il faudra attendre la sécheresse de l’été 1877, où la ville se retrouva avec comme seule source d’eau potable un petit réservoir de 2 700 mètres cubes situé Plaza del Congreso et le petit étang de Lorea, pour enclencher le processus décisionnel.
Face à l’insuffisance notoire des réserves, le gouvernement décida de lancer un grand plan de construction d’infrastructures à l’échelle nationale sous l’égide de la Commission des Travaux de Santé en 1884.
Sur le budget total voté en octobre de cette même année, près de 50 % des fonds prévus pour les travaux d’assainissement furent alloués à la capitale. Profitant ainsi d’une période de relative abondance économique, le projet du Palais des Eaux Courantes fut lancé en 1887.
Face aux manques de fonds et de liquidités, le gouvernement argentin décida de privatiser le bâtiment et laissa à la charge de l’entreprise privée Samuel B. Hale sa construction pour un budget total de cinq millions cinq cent trente mille pesos de l’époque.
Prévu à 22 mètres au-dessus du niveau du Rio de la Plata, l’objectif était de pouvoir alimenter 200 000 habitants à raison de 181 litres par jour et par habitant. Plus de quatre cents ouvriers travaillèrent sur le projet pendant près de sept ans.
Au bout du compte, le président Luis Peña inaugura le bâtiment en 1894, la même année que la naissance de l’Avenida de Mayo qui concentre les avancées d’une capitale fière d’être considérée comme le Paris d’Amérique du Sud.
Pour l’époque, cette construction est une avancée considérable mais aussi une preuve évidente de progrès et de modernité aux yeux du monde. C’est en effet le premier grand réservoir d’eau potable de toute l’Amérique du Sud.
Un véritable puzzle international
Le Palais des Eaux Courantes est remarquable par son style architectural grandiose. Inspiré du style éclectique, on y retrouve les différents courants de l’architecture française du Second Empire, avec une légère touche inspirée de la Renaissance. On peut y retrouver des similitudes avec l’ancien Palais de justice d’Anvers.
Sa façade en couleur de terre cuite est recouverte de plus de 300 000 majoliques anglaises : 130 000 briques vernissées et 170 000 pièces de céramique, reposant sur une structure en fer de trois étages conçue en Belgique, soutenue à son tour par cent quatre-vingts colonnes espacées d’environ six mètres.
Le plafond, ainsi que les ardoises du toit, furent importés de France, les boiseries en cèdre du Paraguay, tandis que les fonderies le furent d’Écosse.
L’édifice est colossal puisqu’il est composé de murs d’un mètre quatre-vingt d’épaisseur, quatre-vingt-dix mètres de côté et vingt mètres de haut. Au centre du Palais, on peut retrouver un très beau patio intérieur apportant de la lumière aux pièces du bâtiment.
Enfin, à la demande du gouvernement, on peut retrouver plus de quatre-vingt-dix écussons sur les façades dont le blason national, celui de la ville de Buenos Aires et celui des quatorze autres provinces existant à l’époque.
Bien que certaines voix se soient élevées, critiquant l’utilité de transformer un réservoir d’eau en véritable palais et de gaspiller l’argent public, la volonté du gouvernement d’ériger un véritable monument à l’hygiène publique équivalent à celui des autres capitales européennes triompha.
Fonction du Palais des Eaux Courantes
Le Palais est conçu originellement pour contenir soixante-douze millions de litres d’eau potable, répartis dans douze réservoirs de six mille mètres cubes chacun, pour un poids total de cent trente-cinq mille tonnes. Il servait donc à alimenter la consommation des habitants lorsque nécessaire en redistribuant l’eau par simple écoulement de par sa position en hauteur. Il exécuta cette fonction jusqu’en 1978.
Suite à cela, le Palais fut converti en musée de l’eau où l’on peut retrouver l’histoire de l’assainissement de l’eau en Argentine. On peut y retrouver une bibliothèque dédiée au génie sanitaire ainsi qu’aux sciences de l’environnement.
Enfin, la bibliothèque contient une section vouée uniquement aux plans des canalisations des bâtiments les plus emblématiques du pays. Cette collection se porte à plus de deux millions d’ouvrages dont le plus ancien remonte à 1873.
À retenir de cette visite
Construit en sept ans, le Palais des Eaux Courantes allie technique et art pour détenir le titre de plus grande structure en fonte du continent sud-américain. Érigé dans une volonté d’imiter les constructions publiques des plus grandes capitales du monde de cette époque, l’édifice jouit du statut de plus grande création de l’industrie de fonderie hors Europe.
Face à l’augmentation de la population, il fut un élément clé de la meilleure préparation des services publics pour faire face à une demande croissante en eau.
Les visites y sont gratuites mais pensez tout de même à réserver. Comptez environ soixante minutes de visite. La porte est ouverte aux touristes du lundi au vendredi de 9h à 17h.
Enfin, l’édifice accueille des expositions temporaires sur les thématiques climatiques lors de la journée mondiale de l’eau, chaque 22 mars.
Quelques liens et sources utiles
Podesta, Liliana. Palacio de las Aguas Corrientes : el mega contenedor que es una obra única de arte e ingeniería. La Nacion
Iñiguez, Agustina. El Palacio de Aguas Corrientes en Buenos Aires : entre higiene, el arte y la técnica. ArchDaily
Sassone, Martin. Palacio de Aguas Corrientes. El ojo del Arte.