Véritable génie de son temps, Vauban a considérablement marqué l’histoire de France à travers les multiples ouvrages militaires construits sur l’ensemble du territoire. Pourtant, peu de personnes savent que Vauban est né dans la misère, qu’il a d’abord combattu contre le roi de France, et qu’il a dû grimper pas à pas les échelons afin de se démarquer rapidement et de devenir l’un des plus grands hommes de son temps.
Un aristocrate né dans la pauvreté
Sébastien le Prestre de Vauban est né le 15 mai 1633 à Saint-Léger du Foucheret en Bourgogne dans le Morvan.
Il est le fils d’Urbain le Prestre, officier du roi, mariée avec Edmée Cormignolle.
Les Vauban sont une famille d’aristocrates peu fortunés, pourvus à l’origine de grands domaines qui se sont amenuisés au fil des générations. Par tradition, le fils ainé hérite du titre de seigneur et du château tandis que les derniers fils sont lotis de simples bâtisses et de quelques terres. Le père du futur Maréchal est le dernier fils de la fratrie et ne reçoit ainsi rien en héritage. Il doit alors installer sa famille dans un petit village de campagne du sud du Morvan, à Saint-Léger du Foucheret, où la famille de sa femme possède quelques terres. La demeure est une simple maison en chaume dotée d’une seule chambre et d’une petite écurie.
C’est dans cette unique chambre que naît Sébastien le Prestre. Son enfance, sans les moyens financiers des grandes familles nobles de son temps, est rude. Dans ses premières années, Sébastien fréquente les enfants de son âge avec qui il reçoit les premières leçons et va garder les troupeaux de moutons. Son père lui montre comment monter à cheval et lui inculque les valeurs de la chevalerie. Ainsi, cette vie proche à la fois de la nature et de la dureté de la vie lui apporte beaucoup.
L’enfant est confié à plusieurs prêtres pour son instruction. D’abord l’Abbé Orillard, le curé de sa paroisse dans ses premières années puis l’Abbé Fontaine qui est au nord du Morvan près d’Avallon. Ce prêtre qui est un fin mathématicien lui apprend pendant près de 8 années la littérature, l’arithmétique, la géométrie et même l’architecture. Le jeune homme est rapidement surnommé Vauban par le curé de qui il devient proche.
À l’âge de 18 ans, Vauban aspire à devenir homme d’armes et demande de l’aide à son mentor. L’Abbé Fontaine connaît le seigneur d’Arcenay, dont les terres jouxtent Saint-Léger, qui commande une Compagnie au régiment de Condé.
En 1651, munie d’une simple lettre de recommandation, Vauban rejoint ainsi en plein hiver la Compagnie du seigneur d’Arcenay stationnée dans les Flandres. Après un court examen, le capitaine d’Arcenay accepte le jeune homme. Vauban touche enfin son rêve mais il s’apprête à combattre contre le roi de France.
En effet, cette période de rivalité appelée « La Fronde » se déroule de 1648 à 1653. Elle résulte d’une contestation à la politique autoritaire du Cardinal Mazarin contre les grands nobles. Mazarin dirige en effet la France avec Anne d’Autriche en attendant la majorité du roi Louis XIV. Mais le cardinal accapare le pouvoir et souhaite augmenter les impôts sur les nobles pour renflouer les caisses de la France à la suite de la guerre contre l’Espagne.
Les frondeurs, menés par Condé, cousin de Louis XIV, se révoltent et affrontent l’armée royale avec le soutien de l’Espagne. Les insurgés occupent à cette époque les Flandres, propriétés de la couronne espagnole, ayant pour capitale Lille.
Les premiers faits d’armes de Vauban pendant la Fronde
De son côté, Vauban s’élève peu à peu en grade dans l’armée de Condé. D’abord simple soldat montant la garde, le jeune homme obtient grâce à son bon comportement les galons de caporal puis de sergent. Pendant son temps libre, le jeune homme étudie les fortifications, sujet sur lequel il possède des solides bases grâce à l’Abbé Fontaine. Le soldat est vite remarqué pour ses aptitudes et est un jour chargé des travaux d’approche des sièges.

Vauban marque ses premiers faits d’armes lors de la campagne de Sainte-Ménehould, en Champagne en octobre 1652, qui oppose l’armée de Condé et du roi d’Espagne à celle du roi de France. Lors de l’attaque de la ville par l’armée de Condé, Vauban est envoyé porter un ordre en traversant une rivière sous le feu nourri de l’ennemi. Le jeune homme s’en sort sans blessure et attire l’attention des supérieurs. On lui propose le grade d’officier mais Vauban refuse car il sait qu’il combat contre le roi de France et que sa position sera compromise tôt ou tard. Il demande néanmoins une mutation dans la cavalerie.
Fin 1653, Vauban part à cheval avec des hommes espionner le camp royal. Alors qu’il est en pleine observation, il tombe soudainement dans une embuscade tendue par l’armée royale. Tous les hommes sont neutralisés à part Vauban qui se défend vaillamment et accepte de se rendre à l’unique condition d’entrer dans le camp ennemi avec les honneurs. Les soldats du roi acceptent et Vauban est conduit à cheval dans le camp ennemi où est présent Mazarin. Le cardinal fait venir ce fier soldat et lui demande :
« Vous n’ignorez pas, Monsieur, qu’un arrêt du Parlement condamnera à mort le prince Condé et ceux de son parti ? »
Le Cardinal Mazarin à Vauban
Vauban ne dément pas et Mazarin lui explique la délicate situation du pays à cause de cette révolte. Vauban a une certaine réputation dans l’armée royale et Mazarin pense qu’il serait très utile. Le cardinal lui propose finalement de rejoindre l’armée du roi. Vauban accepte sans délais et est nommé assistant de M. de Clerville, commandant en chef des travaux de siège. Le jeune homme s’apprête ainsi à combattre pour le roi de France contre son ancienne armée.
Les débuts de Vauban dans l’art des sièges pour l’armée du roi
Vauban supervise déjà à l’âge de 20 ans plusieurs sièges où il se fait remarquer :
- En novembre 1653, Vauban supervise sous les ordres de Clerville les travaux d’attaque lors du siège de Sainte-Ménehould (Champagne), petite ville qu’il avait attaqué l’année précédente avec l’armée de Condé. En peu de temps, la ville tombe et Vauban récompensé et promu cadet (jeune officier).
- L’année suivante, Vauban est l’adjoint de Clerville au siège de la ville de Stenay (Champagne). Le jeune officier est blessé lourdement lors d’une sortie des assiégés et est soigné plusieurs jours avant de pouvoir revenir à son poste. La ville tombe quelques semaines plus tard et Vauban est promu lieutenant.
- En 1655, Vauban a la charge du siège de Clermont en Argonne (Champagne) et s’empare de la ville en quelques jours. Il reçoit en récompense le titre d’ingénieur du roi.
Vauban doit également assister impuissamment aux fautes stratégiques de ses supérieurs. Ainsi en 1656, l’armée royale poursuit Condé à Valenciennes où ce dernier s’est retranché avec des troupes espagnoles. Une mésentente entre le Maréchal de la Ferté et Turenne entraîne la perte de plusieurs milliers d’hommes et la déroute des Français. Vauban ne peut prendre aucune décision mais observe et prend note des erreurs de ses supérieurs afin de ne pas les reproduire.
Quelques mois plus tard, Vauban est appelé à prendre part au siège de Montmédy, où est présent le roi Louis XIV. Mais, l’ingénieur ne supervise pas les attaques, commandées par Clerville qui est jaloux de Vauban et se moque de ses conseils. Le siège dure ainsi 45 jours et s’avère très meurtrier en occasionnant près de 2000 morts. Vauban estime que la place aurait pu être prise en 15 jours.
La « paix des Pyrénées » entre Condé, le roi d’Espagne et Louis XIV est finalement signée le 7 novembre 1659. Elle met fin à la guerre, donne à la France plusieurs régions dont l’Artois, le Roussillon et de nombreuses places fortes en Flandre. Mais la guerre n’est jamais loin pour Vauban qui s’apprête à y montrer toute l’étendue de son génie.
Quelques liens et sources utiles
Joachim Ambert, Le Maréchal de Vauban (1633-1707), Hachette Livre BNF, 1882
Bernard Crochet, Vauban et la fortification du royaume, 2023
Marcel Poullin, Vauban, l’ingénieur, l’économiste, Hachette Livre BNF, 1891
Dominique Le Brun, Vauban: L’inventeur de la France moderne, Vuibert, 2023