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Le cas des procès pour sorcellerie à Salem

Les procès des sorcières de Salem marquent pour l'Amérique du Nord un acte singulier de sorcellerie : le seul, mais extrême.
Comprendre les procès des sorcières de Salem - William A. Crafts | Domaine public
Comprendre les procès des sorcières de Salem – William A. Crafts | Domaine public

Les procès pour sorcellerie à Salem représentent la plus grande chasse aux sorcières de l’histoire de l’Amérique du Nord.

Pratique courante en Europe, notamment poussée par l’Inquisition, il n’avait pas encore été fait mention d’une telle pratique dans les colonies nord-américaines.

L’horreur de la chasse aux sorcières s’exporte en Amérique

Les procès des sorcières de Salem se déroulent entre février 1692 et mai 1693, dans la colonie du Massachusetts, alors regroupée dans les Treize colonies anglaises. Cet événement provoque l’arrestation de plusieurs centaines de personnes, bien majoritairement des femmes. Elles sont le bouc émissaire des croyances liées à la sorcellerie, et elles seront nombreuses à subir l’arbitraire des croyances religieuses de l’époque moderne, notamment la mort.

Le contexte des procès de Salem

La situation dans les Treize colonies est complexe. Les hommes et femmes subissent de nombreuses attaques des Autochtones américains, sans pour autant être aidés par la lointaine métropole, l’Angleterre.

Les récits des survivants des attaques, la peur de la torture et l‘assimilation des Amérindiens aux démons provoquent une psychose des populations. En parallèle, le clergé décline dans les colonies, avec une classe marchande toujours plus riche et puissante. La communauté puritaine rechigne à perdre son pouvoir, dès lors elle s’applique à contrôler avec force les populations plus vulnérables.

Cette situation est critique et provoque un sentiment d’insécurité pour l’ensemble des colons. Ils semblent être à la recherche d’un bouc émissaire, pour expier leur mal-être.

Dans tous les cas, ce n’est pas un contexte aisé et encore complètement compris par les historiens. En ce sens, les historiens évoquent également une hallucination généralisée de la population à cause de l’ergot de seigle, un champignon qui provoque des hallucinations semblables au LSD.

Ainsi, dans ce contexte tout particulier, quelques jeunes filles comme Abigail WilliamsAnn Putnam et Betty Parris accusent des jeunes gens de les avoir envoûtées, ceux-ci étant accusés d’être des alliés de Satan. Les accusations sont rapidement prises au sérieux. En effet, aucun gouvernement légitime n’officie dans cette région.

La situation avec les Amérindiens pousse les habitants à régler rapidement les affaires publiques. En l’espace de quelques mois, la situation s’envenime de Rowley à Beverly, en passant par Boston. Ainsi, en 1692 à Salem Village (aujourd’hui Danvers dans le Massachusetts) l’horreur des procès pour sorcellerie commence.

Déroulement des actes supposés de sorcellerie

La fille du révérant Samuel Parris, Betty, et sa nièce Abigail Williams, se réunissent régulièrement à partir de l’année 1691 pour jouer à des jeux de divination. Elles sollicitent l’aide de Tituba, l’esclave barbadienne du révérant pour apprendre à lire l’avenir. Durant l’une de leur partie de divination, une des filles explique avoir eu une vision, ainsi que des angoisses et une paralysie de la respiration.

Par la suite, elles agissent d’une curieuse manière : elles parlent une langue inconnue, se cachent, traînent des pieds en marchant, sont sujettes à des convulsions et des hallucinations. Ce comportement intrigue et s’apparente à un sortilège ou à de la sorcellerie.

Quand elles comprennent qu’elles vont à l’encontre des principes du christianisme, elles s’inquiètent et se mettent à accuser trois femmes ; Sarah Good, Sarah Osborne et l’esclave du révérant Tituba. Les trois femmes sont mal considérées dans la commune, l’accusation tient donc le coup.

Elles sont emprisonnées à partir du 1er mars 1692. Malgré tout, les jeunes filles sont toujours sujettes à des crises. Elles se mettent à accuser d’autres personnes de la communauté, accusations qui ne sont pas faites au hasard. La majorité des accusations de sorcellerie touche des personnes provenant de la ville portuaire qui est Salem, bien plus riche que Salem Village. Les accusations touchent généralement des familles qui ont été en conflit avec les Parris. De plus, accuser est un moyen d’éviter une condamnation à mort.

Néanmoins, il n’y a aucun officier du gouvernement pour initier un procès légal. Ce n’est qu’à l’arrivée de William Phips à la fin mai 1692 que les trois femmes peuvent être jugées. Sarah Osborne est déjà morte, Tituba affirme être une sorcière et Sarah Good se confesse auprès du pasteur de la sorte :

You are a liar. I am no more a Witch than you are a Wizard, and if you take away my life, God will give you blood to drink » (Vous êtes un menteur. Je ne suis pas plus une Sorcière que vous n’êtes un Sorcier, et si vous me tuez, Dieu vous donnera du sang à boire).

Nancy F. Cott, No small courage. A History of Women in the United States, Oxford, Oxford University Press, 2000, 646p.

Une nuée de condamnation pour sorcellerie

Durant l’été, une session a lieu une fois par mois. Une seule accusée est relâchée après que les fillettes se soient rétractées, les autres étant condamnées à mort. Pour éviter ce jugement expéditif, il faut dénoncer quelqu’un d’autre.

It were better that ten suspected witches should escape, than that the innocent person should be condemned (Il apparaît préférable que dix sorcières suspectées puissent s’échapper, plutôt qu’une personne innocente soit condamnée).

Increase Mather, Cases of Conscience Concerning Evil Spirits (Cas de conscience concernant les esprits maléfiques) le 3 octobre 1692. Cet appel du clergé a permis de réduire les condamnations et cette chasse aux sorcières.

Un procès destructeur pour Salem

Au total, il y eut entre 150 et 300 accusations de sorcellerie, qui n’ont pas toujours provoqué l’emprisonnement. Sur dix-neuf personnes exécutées, quinze étaient des femmes.

Pour l’historienne Linnda Caporael, les comportements étranges des habitants de Salem pourraient être dus à l’absorption d’un champignon vénéneux : l’ergot de siegle [ndlr : le cas du Pont-Saint-Esprit en France]. Broyé dans la farine à l’insu du boulanger, son absorption sous forme de pain aurait pu provoquer chez les habitants de Salem des convulsions et des hallucinations. L’ergot de seigle est le champignon à partir duquel a été synthétisé le LSD au XXe siècle.

Graciés de l’Histoire, Marlène Sándor, p.47

Les procès des sorcières de Salem ont provoqué un fort ralentissement de l’économie et des activités de la région. Les bêtes n’étaient plus soignées, les récoltes laissées à l’abandon. Des accusés ont pris la fuite vers New York ou au-delà pour échapper à l’arrestation. Cette affaire a été si importante qu’elle a provoqué une diminution du pouvoir de la foi puritaine sur le gouvernement de la Nouvelle Angleterre.

Quelques liens et sources utiles

Liliane Creté, Sorcières de Salem, Julliard, 1995

Marc Aronson, Witch-Hunt: Mysteries of the Salem Witch Trials, Simon and Schuster, 2003

Lauric Henneton, Histoire religieuse des États-Unis, Flammarion, Paris, 2012

Bertrand Van Ruymbeke, L’Amérique avant les États-Unis. Une Histoire de l’Amérique anglaise (1497-1776), Flammarion, Paris, 2013

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