Les Graciés de l'Histoire de Marlène Sándor, un livre à découvrir !

La fascinante histoire du Palais idéal du facteur cheval

Le Palais du facteur cheval a été réalisé par Ferdinand Cheval entre 1879 et 1912. Durant 33 ans, ce facteur construit son palais rêvé !
Le Palais idéal de Ferdinand Cheval vers 1890 | Domaine public
Le Palais idéal de Ferdinand Cheval vers 1890 | Domaine public

C’est l’histoire d’un homme, facteur à la fin du XIXe siècle, qui consacre une grande partie de sa vie à la construction d’un palais grandiose et surprenant. Le Palais idéal est le reflet de la persévérance de Ferdinand Cheval, mais aussi celui de la tristesse d’un père n’ayant pu voir sa fille grandir dans ce palace.

« Fils de paysan je veux vivre et mourir pour prouver que dans ma catégorie il y a aussi des hommes de génie et d’énergie. Vingt-neuf ans je suis resté facteur rural. Le travail fait ma gloire et l’honneur mon seul bonheur ; à présent voici mon étrange histoire. Où le songe est devenu, quarante ans après, une réalité. »

 Ferdinand Cheval, 15 mars 1905

Aujourd’hui, lieu touristique indéniable de la Drôme, le Palais idéal accueille plus de 150 000 touristes par an. L’histoire de cet édifice est captivante, tant par les trois décennies qui ont été nécessaires pour le construire, mais aussi par le manque de considération du voisinage pour cet art hors du temps et du commun.

L’histoire d’un fou ?

Joseph Ferdinand Cheval naît en 1836 dans la Drôme, dans une famille de cultivateurs. Il suit une scolarité élémentaire, qu’il quitte à l’âge de 12 ans. Ses compétences sont limitées, il ne maîtrise que l’écriture phonétique. Dès lors et après l’obtention de son certificat d’études, il devient apprenti boulanger. Durant 12 ans, il pratique cette activité, sur Valence en 1856, puis au nord de Lyon en 1859.

En parallèle de son activité professionnelle, il se marie avec Rosalie Revol en 1858, avec qui il a deux enfants. À la mort de son premier enfant, il arrête la boulangerie, en 1865. Il opte pour l’agriculture en tant qu’ouvrier. Il réalise cette activité sur une courte période, l’arrêtant en 1866 à la naissance de son deuxième enfant.

Il devient facteur – profession qui participera à sa célébrité – le 12 juillet 1867 en passant le concours, il entre alors officiellement dans l’administration des Postes. Il réalise plusieurs tournées successives en fonction de son village d’implantation. Il obtient une mutation, à sa demande, en 1869, à Hauterives, non loin de son village natal. Il est en charge d’une tournée pédestre, qu’il effectuera de sa prise de poste jusqu’à sa retraite.

L’imaginaire d’un palais

Durant cette période, il commence à imaginer un palais féérique. Ce souhait, se transforme en un désir monomaniaque et obsessionnel qui laisse à croire à certains, notamment Olivier Dulac (neuropsychiatre à l’hôpital Necker) et Nils Tavernier (réalisateur du film sur la vie du facteur) que Ferdinand Cheval pourrait être autiste Asperger.

Son projet de palais se fonde sur un événement anodin. En effet, durant sa tournée pédestre il chute sur une pierre, qu’il va nommer sa « pierre d’achoppement ». Il décrit cet événement dans ses cahiers personnels, comme étant le déclencheur de l’œuvre de sa vie :

« Un jour du mois d’avril en 1879, en faisant ma tournée de facteur rural, à un quart de lieue avant d’arriver à Tersanne, je marchais très vite lorsque mon pied accrocha quelque chose qui m’envoya rouler quelques mètres plus loin, je voulus en connaitre la cause. J’avais bâti dans un rêve un palais, un château ou des grottes, je ne peux pas bien vous l’exprimer… Je ne le disais à personne par crainte d’être tourné en ridicule et je me trouvais ridicule moi-même. Voilà qu’au bout de quinze ans, au moment où j’avais à peu près oublié mon rêve, que je n’y pensais le moins du monde, c’est mon pied qui me le fait rappeler. Mon pied avait accroché une pierre qui faillit me faire tomber. J’ai voulu savoir ce que c’était… C’était une pierre de forme si bizarre que je l’ai mise dans ma poche pour l’admirer à mon aise. Le lendemain, je suis repassé au même endroit. J’en ai encore trouvé de plus belles, je les ai rassemblées sur place et j’en suis resté ravi… C’est une pierre molasse travaillée par les eaux et endurcie par la force des temps. Elle devient aussi dure que les cailloux. Elle représente une sculpture aussi bizarre qu’il est impossible à l’homme de l’imiter, elle représente toute espèce d’animaux, toute espèce de caricatures.

Je me suis dit : puisque la Nature veut faire la sculpture, moi je ferai la maçonnerie et l’architecture. »

Extrait provenant de l’ouvrage ; Pierre Chazaud, Le facteur Cheval : un rêve de pierre, Veurey, Le Dauphiné, coll. « Les Patrimoines », 1998, p.58

Le postier se met alors à récupérer des pierres lors de ses tournées. Il les rapporte dans un premier temps dans ses poches, puis fait des tas sur sa route, et vient les récupérer avec sa « fidèle compagne de peine », une brouette. Il apporte ses trouvailles dans son jardin, où il commence la construction de son palais en 1879. Cette étrange activité, provoque la confusion dans le voisinage, qui commence à voir le facteur d’un œil particulier. Il obtient le doux sobriquet de « pauvre fou ».

Une longue construction

La construction du Palais idéal se réalise sur 33 ans, avec les premières pierres posées lorsque le facteur à 43 ans, en 1879. Il réalise alors les murs de son palais, avec les trésors qu’il rapporte. Les murs sont montés à la chaux, au mortier ou au ciment, avec des pierres de toutes formes et de toutes origines, intégrant parfois même des coquillages, rapportés par le cousin de Ferdinand. Il réalise quelques armatures métalliques, qui sont des éléments de construction précurseurs du béton armé.

La façade Est est la première terminée, suivie par la façade Ouest, Sud, puis Nord. Le Palais idéal n’est pas habitable, néanmoins à force de construction, sa taille devient imposante. Le palais fait plus de 12 mètres de haut, 26 mètres de long et 14 mètres de largeur.

La construction du palais répond à des éléments de notre histoire, de la culture française, chrétienne, mais aussi mondiale. Ainsi, il est possible de découvrir sur l’ensemble du palais des animaux et personnages de la Bible. La façade Est représente un monument égyptien, un temple hindou, mais aussi trois géants, qui représentent César, Vercingétorix et Archimède.

« La grotte où il y a trois géants c’est un peu de l’égyptien, en dessous on voit deux momies que j’ai façonnées et sculptées. Ces trois géants supportent la Tour de Barbarie où dans un [sic] oasis croissent les figuiers, les cactus, des palmiers, des aloès, des oliviers gardés par la loutre et le guépard. À la source de la vie j’ai puisé mon génie »

Ferdinand Cheval, 1911

Cette mixité culturelle permet aux nombreux touristes de pouvoir appréhender le Palais idéal en fonction de leurs accroches culturelles et leur origine. En effet, le style est parfois lié à l’époque médiévale européenne, et parfois au style musulman. Ferdinand s’est donné le droit de piocher dans chaque culture du monde, pour créer son idéal.

Une construction ponctuée par la tristesse

Après la mort de sa première femme en 1873, il se marie avec Claire-Philomène Richaud, avec qui il a une fille, Alice qui naît en 1879. Il commence à collecter les pierres de son palais l’année de naissance de sa fille. Malheureusement sa fille décède en 1894 à l’âge de 15 ans. Cet événement marque durablement le facteur. Jamais, elle ne pourra contempler l’œuvre de son père.

« Alice amèrement regrettée ».

Épitaphe pour Alice, de Ferdinand Cheval

En 1896, à l’âge de 60 ans, et nouvellement retraité Ferdinand Cheval décide de construire une villa proche du Palais idéal, en hommage à sa fille, la Villa Alicius. Dans cette construction il est aidé par un maçon. Cette villa a pour objectif de valoriser le palais, notamment grâce au toit-terrasse, palais qui lui sera terminé en 1912.

L’entrée du Palais idéal dans l’histoire

Le Palais Idéal fut source de débats durant sa construction, ainsi qu’à la mort de Ferdinand Cheval en 1924 car il déplaisait autant par son architecture que par sa présence. Aussi, dans le monde de l’art, l’œuvre était particulièrement décalée et hors normes.

Pourtant, de son vivant des visiteurs commencèrent déjà à venir arpenter le Palais idéal. En 1905, un article est publié dans la presse nationale, dans la revue « La Vie Illustrée ». En 1907, Ferdinand Cheval embauche une bonne du nom de Julia Micoud, qui sera en charge de faire la visite du palais aux nombreux visiteurs souhaitant le découvrir. Rappelons en effet, que cette période est marquée par le développement des chemins de fer, de la photographie, mais aussi du tourisme local, ce qui a permis le rayonnement du Palais idéal dans la région, et dans les villes avoisinantes. 

Des artistes participent également à la renommée du palais durant et après la mort de Ferdinand Cheval. C’est notamment le cas de Pablo Picasso et d’André Breton dans les années 1930. qui soutiennent moralement cette réalisation artistique. Max Ernst, durant l’Occupation, réalise un tableau à la gloire du Palais idéal.

« Je te parlais de Gaudi et du Facteur Cheval que je venais de découvrir et dont j’avais fait mes héros : ils représentaient la beauté de l’homme, seul dans sa folie, sans aucun intermédiaire, sans musée, sans galeries. Je te provoquai en te disant que le Facteur Cheval était un bien plus grand sculpteur que toi… »

Nikki de Saint Phalle, dans une lettre à Jean Tinguely.

La consécration du Palais du facteur Cheval a lieu le 2 septembre 1969, quand il est inscrit aux monuments historiques, grâce à l’appui de l’ancien ministre André Malraux. Le tombeau de Ferdinand Cheval, qu’il construit après qui lui soit interdit d’être enterré dans le palais, est également inscrit aux monuments historiques le 23 mai 2011 – et inscrit sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1975. Le Tombeau du silence a été construit durant 8 ans. Ferdinand Cheval a alors 86 ans, il décède deux ans plus tard et y repose dès lors. La Villa Alicius est inscrite aux monuments historiques, le 19 mars 2010.

Depuis 1994, le Palais idéal appartient à la commune de Hauterives. Après que les deux petites-filles du facteur Cheval aient vendu ou offert leur part du palais. La renommée du monument ne fait plus de doute, notamment depuis sa nomination dans « Monument préféré des Français », une émission diffusée sur France 3 et présentée par Stéphane Bern, mais aussi grâce au film L’incroyable histoire du facteur Cheval réalisé par Nils Tavernier.

Quelques liens et sources utiles

Pierre Chazaud, Le facteur Cheval : un rêve de pierre, Veurey, Le Dauphiné, coll. « Les Patrimoines », 1998

Le Palais idéal du facteur Cheval à Hauterives, Drôme, autobiographie par Ferdinand Cheval, documents recueillis par André Jean, Grenoble, Impr. générale, 1952

Jean-Pierre Jouve, Claude Prévost, Clovis Prévost, Le Palais idéal du facteur Cheval : quand le songe devient la réalité, avec, en appendice, un choix de textes du facteur Cheval (1905-1911), Paris, Éditions du Moniteur, coll. « Les Bâtisseurs inspirés », 303 p., 1981

Gérard Denizeau, Palais idéal du Facteur Cheval, photographies de Michel Guillemot, Paris, Nouvelles éditions Scala, 2011

Facteur Cheval, album jeunesse réalisé par Eliette Jafflin-Millet, Éditions du Poutan, 2012

Rejoignez
la Newsletter Revue Histoire !

Sujets exclusifs, récapitulatifs, coups de cœur et vidéos à retrouver une à deux fois par mois.

Articles populaires

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Rejoignez notre Newsletter !

Sujets exclusifs, récapitulatifs, coups de cœur et vidéos à retrouver une à deux fois par mois.