La redécouverte des hiéroglyphes égyptiens, oubliés pendant des siècles, est l’une des grandes aventures intellectuelles du XIXe siècle. Au cœur de cette épopée se trouve Jean-François Champollion (1790-1832), un génie français dont les travaux ont permis de déchiffrer cette écriture mystérieuse.
La clé de son succès réside dans l’analyse de la pierre de Rosette, un artefact exceptionnel découvert en 1799. Mais comment Champollion a-t-il réussi cet exploit, et quelles méthodes a-t-il employées pour percer les secrets des hiéroglyphes ?
La pierre de Rosette : une clé pour percer un mystère millénaire
En 1799, lors de la campagne d’Égypte menée par Napoléon Bonaparte, des soldats français découvrent la pierre de Rosette près de la ville de Rosette (aujourd’hui Rashid). Ce fragment de stèle en granodiorite, datant de 196 av. J.-C., porte une inscription rédigée en trois écritures différentes :
- Les hiéroglyphes : utilisés pour les textes religieux officiels.
- Le démotique : une écriture cursive utilisée dans la vie quotidienne.
- Le grec ancien : la langue administrative de l’époque, héritée de la conquête d’Alexandre le Grand.
Ce texte trilingue, une proclamation du pharaon Ptolémée V, allait devenir la clé de la compréhension des hiéroglyphes. Les érudits de l’époque comprenaient déjà le grec, mais les deux autres écritures restaient indéchiffrables.
Le défi du déchiffrement : un puzzle complexe
Pendant des siècles, les hiéroglyphes avaient été interprétés comme des symboles purement figuratifs ou mystiques. Les savants ne soupçonnaient pas qu’ils représentaient une véritable écriture avec des sons et des mots.
Les premières tentatives infructueuses
Au début du XIXe siècle, plusieurs chercheurs tentent de déchiffrer la pierre de Rosette, notamment l’anglais Thomas Young. Il parvient à identifier que certains signes hiéroglyphiques correspondent à des noms royaux, comme celui de Ptolémée, en comparant les trois écritures.
Cependant, il reste persuadé que les hiéroglyphes sont majoritairement figuratifs et ne reflètent pas une langue phonétique.
L’approche révolutionnaire de Champollion
Jean-François Champollion, un prodige des langues anciennes, adopte une approche radicalement différente. Polyglotte, il maîtrise déjà le copte, une langue dérivée de l’égyptien ancien et encore utilisée dans la liturgie chrétienne en Égypte.
Champollion formule l’hypothèse que les hiéroglyphes ne sont pas purement figuratifs, mais qu’ils intègrent également des éléments phonétiques, liés à la langue copte.
La méthode de Champollion : rigueur et intuition
Une des clés du déchiffrement réside dans l’analyse des cartouches – des ovales entourant certains groupes de hiéroglyphes. Champollion comprend que ces cartouches contiennent les noms des pharaons.
En comparant les cartouches de Ptolémée et de Cléopâtre sur la pierre de Rosette et d’autres inscriptions, il identifie les correspondances entre les signes hiéroglyphiques et les lettres grecques. Par exemple, le cercle avec une croix à l’intérieur correspond au « P », tandis que la plume représente le « A ».
La synthèse entre les écritures
Champollion ne s’arrête pas aux noms propres. En s’appuyant sur le copte, il élargit son analyse pour démontrer que les hiéroglyphes combinent :
- Des signes phonétiques, représentant des sons.
- Des idéogrammes, représentant des idées ou des objets.
- Des déterminatifs, utilisés pour préciser le sens des mots.
En 1822, il présente ses conclusions dans une lettre célèbre adressée à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, annonçant qu’il a percé le secret des hiéroglyphes. Il s’exclame alors : « Je tiens l’affaire ! »
Les répercussions de la découverte
Le travail de Champollion marque une révolution dans l’étude de l’Égypte ancienne. Grâce à son déchiffrement, les inscriptions des temples, des tombes et des papyrus deviennent compréhensibles, révélant un monde riche de mythes, de rites et d’histoire.
La naissance de l’égyptologie moderne
Les travaux de Champollion posent les bases de l’égyptologie, une discipline scientifique qui se développe rapidement au XIXe siècle. Les chercheurs peuvent désormais traduire les textes égyptiens, redécouvrant des aspects essentiels de cette civilisation millénaire, comme son système politique, ses croyances religieuses et son organisation sociale.
Un modèle de rigueur scientifique
L’approche de Champollion, basée sur la méthode comparative et l’analyse linguistique, devient un modèle pour d’autres disciplines, comme la philologie et l’histoire. Sa capacité à combiner intuition et méthode rigoureuse inspire les chercheurs de son époque et des générations suivantes.
Champollion, un génie intemporel
Jean-François Champollion n’était pas seulement un érudit de son temps, mais un véritable visionnaire. En déchiffrant les hiéroglyphes, il a permis à l’humanité de renouer avec une civilisation fascinante, redécouvrant des millénaires d’histoire oubliée.
La pierre de Rosette, autrefois simple curiosité, est devenue grâce à lui le symbole de l’intelligence humaine capable de percer les mystères les plus profonds.
Quelques liens et sources utiles
Jean-François Champollion, Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens, 1824
Christian Jacq, Champollion : L’Égyptien, Perrin, 2000
T.G.H. James, The Rosetta Stone and the Rebirth of Ancient Egypt, Harvard University Press, 2004
