La motion de censure est un mécanisme institutionnel qui permet à l’Assemblée nationale de sanctionner un gouvernement en lui retirant sa confiance. Inscrite dans la Constitution française depuis la Cinquième République, cette procédure représente un des piliers du régime parlementaire, garantissant l’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.
Le 4 décembre 2024, cette procédure a été au centre de l’attention avec deux motions déposées contre le gouvernement de Michel Barnier, suscitant un débat sur son rôle dans la vie politique actuelle et surtout la démission de ce même gouvernement.
La motion de censure : un outil parlementaire clé
Une motion de censure peut être déposée par les députés pour exprimer leur désapprobation à l’égard de la politique menée par le gouvernement. Pour qu’elle soit recevable, elle doit être signée par au moins un dixième des membres de l’Assemblée nationale, soit 58 députés sur les 577. Une fois déposée, la motion fait l’objet d’un débat, suivi d’un vote.
Le seuil de la majorité absolue
Pour qu’une motion de censure soit adoptée, elle doit obtenir la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale, soit 289 voix. Si cette majorité est atteinte, le gouvernement est contraint de démissionner, entraînant une crise politique. Ce mécanisme confère aux députés un moyen de contrôle puissant sur l’exécutif.
Un exemple récent : les motions contre le gouvernement Barnier
En décembre 2024, le gouvernement de Michel Barnier a fait face à deux motions de censure à l’Assemblée nationale, du groupe LFI (La France insoumise) et RN (Rassemblement National). Ces motions, déposées par les groupes d’opposition, visaient à dénoncer des mesures controversées, notamment l’utilisation de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution pour faire passer le projet de loi de finances pour 2025.
Lors des débats, les oppositions ont fustigé ce qu’elles considèrent comme un « passage en force » de la part de l’exécutif, notamment avec l’utilisation répétée de l’article 49.3 depuis la présidence d’Emmanuel Macron en 2017, qui permet d’adopter une loi sans vote préalable des députés.
La motion de censure : une perspective historique
La motion de censure a été inscrite dans la Constitution de 1958 pour encadrer les relations entre le gouvernement et le Parlement. Contrairement à la Quatrième République, où les gouvernements étaient régulièrement renversés par des majorités instables, la Cinquième République a rendu l’adoption d’une motion plus difficile grâce au seuil de la majorité absolue.
Depuis 1958, seule une motion de censure a conduit à la chute d’un gouvernement : celle votée en 1962 contre le gouvernement de Georges Pompidou, en raison du désaccord sur l’introduction de l’élection présidentielle au suffrage universel direct. Cet événement a entraîné la dissolution de l’Assemblée nationale par le général de Gaulle, qui a ensuite remporté les élections législatives avec une majorité renforcée.
Sous les républiques précédentes, la motion de censure était un outil régulièrement utilisé par les parlementaires pour renverser les gouvernements. Sous la Troisième et la Quatrième République, les majorités étaient souvent éclatées, rendant les exécutifs particulièrement vulnérables. Cette instabilité chronique a contribué à la révision constitutionnelle de 1958, qui visait à instaurer un régime plus stable et plus présidentiel.
Une motion de censure, entre symbole et pouvoir réel
Si la motion de censure est rarement adoptée sous la Cinquième République, elle reste un outil symbolique puissant. Déposer une motion permet aux oppositions d’exprimer publiquement leur désaccord avec le gouvernement et d’exposer les fractures idéologiques au sein de l’hémicycle.
Dans le cas des motions déposées contre le gouvernement Barnier, le débat a permis de cristalliser l’opposition à certaines réformes impopulaires, en provoquant la démission du gouvernement, alors qu’il est en place depuis seulement 3 mois. Cette mention témoigne de l’importance de la motion de censure comme moyen d’expression démocratique.
Un outil démocratique
La motion de censure est un mécanisme essentiel de la démocratie parlementaire française, garantissant que l’exécutif reste sous le contrôle des élus. Si elle est rarement couronnée de succès sous la Cinquième République, elle incarne un espace de débat crucial et un contre-pouvoir face à un exécutif souvent dominant.
L’exemple récent des deux motions contre le gouvernement Barnier illustre le rôle de cet outil dans la vie politique contemporaine, tout en rappelant son importance historique dans la quête d’un équilibre entre stabilité institutionnelle et pluralisme démocratique.
Quelques liens et sources utiles
Constitution de la Cinquième République française, 1958.
Bellanger, Claude, et al. Histoire générale de la presse française, Tome IV : De 1940 à nos jours. Presses Universitaires de France, 1972.
Garrigues, Jean. Les hommes providentiels : Histoire d’une fascination française. Payot, 2012.
Elgey, Georgette. Histoire de la Quatrième République : La République des illusions. Fayard, 1997.