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Les “Radium Girls”, figures oubliées de la lutte des travailleuses

Employées de la US Radium Corporation, les Radium Girls ont permis, de façon tragique, l'avancée du droit des travailleurs…
Radium Girls dans l'aterlier de l'US Radium Company, vers 1922 | Domaine public
Radium Girls dans l’aterlier de l’US Radium Company, vers 1922 | Domaine public

Tout débute l’année 1917. L’entreprise United States Radium Corporation se lance dans le développement d’une peinture radioactive fluorescente à base de radium. Son produit : des montres radioluminescentes. Son client : l’armée américaine. Ses employées : les fameuses Radium Girls… Mais quelle est leur histoire ?

Des ouvrières exposées aux rayonnements

Tout le monde sait aujourd’hui que le radium est extrêmement radioactif. À l’époque, en revanche, l’information était plutôt dissimulée.

Découverte en 1898 par Marie et Pierre Curie, l’utilisation du radium se démocratise, et explose aux États-Unis pendant la Première Guerre mondiale. La vente d’horloges et de montres phosphorescentes explose, et il faut bien de la petite main-d’œuvre.

Exemple d'une Radium Girl peignant un cadran - Esther Mateo, Kate Moore | Domaine public
Exemple d’une Radium Girl peignant un cadran – Esther Mateo, Kate Moore | Domaine public

C’est à ce moment que les Radium Girls entrent en jeu. Dans les années 1920, près de 4000 femmes sont embauchées par la US Radium Corporation, dont Grace Fryer. Les techniciens connaissaient les effets nocifs et mortels du radium. Cela ne choquera personne de savoir qu’ils se sont bien gardés de partager l’information, pour des raisons évidentes de production.

Les ouvrières n’utilisaient donc aucun équipement de protection. Elles peignaient les cadrans à l’aide d’un pinceau extrêmement fin, qu’elles portaient ensuite à leur bouche pour réaffiner la pointe (suite à la demande des contremaîtres, par soucis de précision). Par jeu, certaines en mettaient même sur leurs ongles, leurs lèvres, ce qui leur permettaient d’être phosphorescentes la nuit.

On les appelait les “revenantes” parce que quand elles rentraient à pied du travail elles luisaient comme des esprits à cause de cette poussière de radium phosphorescente qui les enveloppait.

Kate Moore, “The Radium Girls”.

Les lourdes conséquences médicales des Radium Girls

Très vite, la santé de ces ouvrières a commencé à gravement se détériorer. Maux de dents, fractures spontanées des os, anémies, nécroses de la mâchoire, tumeurs cancéreuses des os… la liste est longue, et mène généralement et douloureusement à la mort.

Le radium pénètre la peau, vient se fixer sur les os pour les désintégrer. Grace Fryer, dont nous avons mentionné le nom précédemment, a subi une pulvérisation de sa colonne vertébrale.

Le long combat contre l’US Radium Company

Les voix des femmes ont commencé à se lever contre les masdotondes industriels. Bien évidemment, ce ne fut pas une lutte paisible. Alors que les premières plaintes émergent, l’US Radium, ainsi que d’autres sociétés fabricantes de cadrans ne restent pas sans rien faire. Ces derniers font pression sur les médecins, scientifiques et autres chercheurs afin qu’ils attribuent les décès à d’autres causes, comme par exemple la syphilis (une infection sexuellement transmissible), qui permettait en même temps de ruiner la réputation de ces femmes. D’une pierre deux coups !

C’était bien évidemment sans compter la détermination de ces femmes, et leur courage. Cinq femmes, cinq Radium Girls, menées par Grace Fryer se sont ralliées pour assigner l’US Radium en justice en 1927. Si le nombre vous paraît risible, trop d’ouvrières étaient en fait bien trop faibles, médicalement, pour pouvoir se lancer dans de telles poursuites.

Grâce à la pression médiatique, elles obtiennent des compensations financières, à hauteur de 10 000$ plus 600$ annuels. Malheureusement, la plupart sont décédées dans les années qui ont suivi. Grace Fryer est décédée en 1933, à l’âge de 34 ans.

L’évolution du droit des travailleurs

C’est grâce à la pression et au retentissement médiatique du procès que les droits des travailleurs ont fait un pas de géant. Les Radium Girls ont permis l’établissement d’un droit individuel du travailleur à engager des poursuites en raison d’un préjudice subi au travail.

Cependant, et ironiquement, il faudra attendre la mort d’un riche industriel, intoxiqué par un fortifiant au radium en 1932, pour voir apparaître les premières réglementations sur le radium. Tout ce qu’il fallait, finalement, c’était la mort d’un homme. Pas de milliers de femmes.

Quelques sources et liens utiles

Cyrielle Cy, Radium Girls, éditions Glénat, 2020.

Radium Girls, les ouvrières sacrifiées, France Culture, 2020.

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