Véritable symbole de l’armée française, le camouflage Daguet a été introduit dans l’armée dès 1989. Il tient son nom de l’opération Daguet, menée lors de la participation de la France à la coalition internationale formée en réponse à l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein, lors de l’opération Desert Storm.
Cette opération revêt une importance significative dans la modernisation de l’armée française. En effet, elle a durablement marqué le paysage politique de la France, incitant à la professionnalisation des forces armées et à leur adaptation aux nouveaux défis des années 90.
L’opération a également exposé la France à la puissance logistique de l’armée américaine, rendant les 15 000 hommes mobilisés plutôt modestes en comparaison. L’armée française, malgré son efficacité, relève alors plus d’une armée d’amateurs que d’une grande puissance militaire. La plupart des soldats portaient des treillis unis, tandis que d’autres arboraient le camouflage Daguet, témoignant d’un manque certain de professionnalisme et de logistique lorsque tout un pays ne parvient pas à équiper 15 000 hommes…
La naissance du camouflage Daguet
Le camouflage est un élément récent dans l’histoire des armées. Les premiers camouflages ont fait leur apparition durant la Première Guerre mondiale, cependant, leur intégration dans les forces armées s’est faite progressivement. L’entre-deux-guerres n’a pas été une période d’innovation majeure dans ce domaine, et pendant la Seconde Guerre mondiale, la France n’a pas pu faire progresser cette technologie.
C’est grâce aux autres armées que les camouflages ont évolué et ont été intégrés dans la pensée militaire. La France a récupéré un certain nombre de camouflages à la fin de la guerre, notamment le M42 américain. Ainsi, plusieurs collections de camouflage ont vu le jour, offrant aux soldats une certaine uniformité et une meilleure dissimulation en opération. Le premier camouflage notable est le camouflage Lizard, adopté en 1947, également appelé camouflage léopard sur les tenues TAP47. Il est devenu le symbole des guerres d’Indochine et d’Algérie. Cependant, ce camouflage n’était pas utilisé par toutes les forces françaises, en particulier par les troupes parachutées et la Légion Étrangère. Il n’y avait pas encore de cohérence visuelle dans l’armée française, et l’armée de conscription portait généralement des uniformes unis de couleur vert olive.
Après la guerre d’Algérie, le camouflage a été abandonné, car il était trop associé aux généraux putschistes d’Alger. De même, les camouflages allemands de la Seconde Guerre mondiale n’ont pas été utilisés pour des raisons similaires. La tenue des militaires français se limitait alors à une couleur unie, le kaki, sur des uniformes de type modèle 64 ou F1.
L’opération Daguet entre modernité et archaïsme
Le retour du camouflage a eu lieu en 1989 avec l’introduction du célèbre camouflage Daguet sur l’uniforme F1. Les années 90 ont également marqué un tournant pour l’armée française, qui a entamé un processus de professionnalisation, de modernisation, et de réduction de ses effectifs et de ses moyens. L’apparition du camouflage Daguet a été accompagnée de l’introduction du camouflage Centre-Europe (CE) à partir de 1991 dans l’armée. Ces évolutions visaient à uniformiser l’identité de l’armée, avec un camouflage commun (Daguet, CE) et un uniforme réglementaire (F2).
L’opération Daguet a marqué la première utilisation de masse du camouflage en conditions réelles sur les véhicules et les soldats. En effet, déjà en 1986, les Jaguar et Mirage F1 de l’opération Épervier possédaient un bariolage désertique.
Le détachement Daguet de l’opération Desert Storm a également révélé l’incapacité de l’armée française à équiper rapidement ses soldats. De nombreuses photographies de cette opération montrent des soldats français portant à la fois le camouflage Daguet et le treillis monochrome.
Il est à noter qu’au début de l’opération en septembre 1990, aucun soldat n’était équipé de ce camouflage. Ils étaient alors en tenue F2 verte. Il a fallu attendre décembre de la même année pour que l’uniforme soit remplacé par quelque chose de mieux adapté aux conditions désertiques.
Les troupes étaient alors équipées d’un ensemble complet de camouflage composé de treillis, de couvre-casque, de housse de gilet, etc. Le camouflage était de trois couleurs : beige, marron et vert, avec de grandes taches horizontales. Les retours ont été très positifs, car le camouflage s’est avéré performant, bien meilleur que celui de l’armée américaine de l’époque, le Desert Battle Dress Uniform, également surnommé « éclats de chocolat ».
Les Américains ont équipé leurs soldats au milieu des années 1990 du Desert Camouflage Uniform (DCU), similaire au camouflage Daguet. Bien que sa conception soit antérieure, sa forme finale était comparable, démontrant ainsi l’efficacité de ce type de motifs.
Utilisation moderne dans le Sahel
Le camouflage Daguet a été réutilisé par l’Armée de l’Air pour ses unités au sol en Afghanistan et au Tadjikistan. Les soldats français en opération en Afghanistan étaient équipés du camouflage CE.
Il a fallu attendre 2012 pour que des troupes au sol de l’armée de Terre soient à nouveau équipées du camouflage Daguet, notamment lors de l’opération Épervier au Tchad, puis lors de l’opération Serval au Mali en 2013, et enfin lors de l’opération Barkhane, toujours au Mali, à partir de 2014.
Un camouflage symbole de l’identité de l’armée
Le camouflage Daguet marque le renouveau de l’armée française. Il symbolise le retour du camouflage, abandonné après la guerre d’Algérie, et le début d’une nouvelle approche de la guerre. C’est l’époque de la fin du service militaire obligatoire, le début d’opérations à travers le monde, nécessitant des troupes professionnelles, formées et prêtes à intervenir à tout moment.
Aujourd’hui, le camouflage Daguet cède sa place à une nouvelle identité visuelle pour l’armée, marquée par l’introduction des treillis F3, d’un camouflage multi-environnement, ainsi que l’intégration du système CAMTAC pour les véhicules de l’armée de Terre. Les années 2020 représentent un tournant, tout comme les années 90 l’ont été.
Quelques liens et sources utiles
Christophe Guillemet, « La tenue bariolée sable« , Daguet, 2014
Bernard Boëne, « La professionnalisation des armées : contexte et raisons, impact fonctionnel et sociopolitique », Revue française de sociologie, 2003
« L’annonce par Jacques Chirac de la professionnalisation des armées », Lumni, 2023
« Desert Storm et l’opération Daguet, vingt ans après », Chemins de Mémoire, 2011