Dès la fin du XVIIIe siècle, les États-Unis ont pour projet de s’étendre à l’ouest de leur territoire et sortir du berceau colonial. Au XIXe siècle, c’est avec une politique et une idéologie spécifiques que la Jeune République américaine étend ses frontières alors concentrées à l’est du continent et cela au détriment des populations autochtones.
L’expansion vers l’ouest est le résultat d’une volonté politique forte alimentée par une idéologie, celle de la Destinée manifeste. De plus, l’occupation du territoire est organisée et orchestrée par le gouvernement américain qui met en place une politique d’implantation accompagnée de lois telles que le Homestead Act.
L’étalement territorial vers l’ouest fut aussi possible grâce au développement du chemin de fer, un élément essentiel à cette expansion.
La conquête de l’Ouest se fait cependant au détriment des Amérindiens, dont le territoire se réduit progressivement et dans la violence à mesure que les États-Unis marchent vers l’ouest.
Idéologie et mythe comme moteurs de la conquête
L’expansion vers l’ouest du continent fut poussée par une idéologie particulière, celle de la Manifest Destiny. Cette expression, développé par le journaliste John O’Sullivan dès la moitié du XIXe siècle, désigne une idéologie selon laquelle les politiques et colons américains étaient convaincus d’avoir comme mission de civiliser l’Ouest américain, d’y apporter le progrès et d’y répandre la démocratie.
C’est aussi une idée qui rencontre un échos important aux États-Unis, les citoyens de la Jeune République y adhérant majoritairement. Cette idéologie se traduit aussi par les images, notamment par la peinture, comme le démontre le tableau « American Progress » de John Gast, peint en 1872.
Le mythe de la frontière prend aussi sa part dans le tableau idéologique américain du XIXe siècle. Effectivement, la frontière états-unienne est perçu comme un espace constamment mobile séparant la wilderness, sauvage mais aussi synonyme de richesse, et la civilisation, représenté par la société américaine qui se veut tournée vers le progrès et le futur.
Cette vision spécifique de la frontière repose sur une représentation du monde fondée sur une supériorité, raciale, genrée, politique, morale et économique des États-Unis en tant que nouvelle nation. Cette notion américaine de Frontier fut théorisée par Frederick Jackson Turner à la fin du XIXe siècle lors de son discours intitulé « The Significance of the Frontier in American History », prononcé en 1893, dans lequel il insiste sur l’importance de la frontière dans la construction et l’histoire des États-Unis et en quoi celle-ci différencie la Jeune République de la vieille Europe.
Un autre mythe alimente l’imaginaire américain : le mythe de l’Ouest. L’Ouest fait en effet l’objet d’un engouement certain et est synonyme de liberté, avec ses open ranch, d’abondance et de richesses. Sa nature est ainsi souvent représentée et véhiculée, par la peinture, le spectacle et la photographie, alimentant ainsi cet imaginaire construit autour d’une idée que se font les Américains, mais aussi les Européens, de l’Ouest, un territoire alors immense qui attire, mais encore faut-il que sa conquête s’organise.
L’organisation et l’occupation du territoire
La conquête de l’Ouest fait l’objet d’un véritable projet politique. En effet, c’est un enjeu majeur pour la Jeune République et le gouvernement organise alors cette expansion territoriale. Dès la fin du XVIIIe siècle, le territoire est tout d’abord cartographié et organisé. Effectivement, une ordonnance de 1785 met en place un système d’arpentage afin de mesurer et découper en parcelles les territoires situés à l’ouest.
En 1787, une autre ordonnance, appelée « Ordonnance du Nord-Ouest« , pose pleinement le cadre de l’expansion territorial sur le plan politique et les règles de la colonisation.
Avant toute occupation, il est d’abord primordial de connaitre cet immense territoire dont une grande partie reste inconnue ; c’est pourquoi des expéditions sont financées par le gouvernement fédéral telles que la fameuse expédition Lewis et Clarke au début du XIXe siècle. Ordonnée par le président Jefferson en 1803, l’expédition consiste, pour une trentaine d’hommes, à atteindre le Pacifique en se dirigeant dans les territoires du Nord-Ouest.
Connaitre et contrôler le territoire est une chose, encore faut-il, pour les États-Unis, le peupler de ses colons. Dans la continuité du projet politique de la conquête de l’Ouest, l’État fédéral adopte une loi permettant le colonialisme d’implantation : le Homestead Act. Signée en 1862 par le président Lincoln en pleine guerre civile américaine, cette loi offre la possibilité à chaque famille pouvant justifier leur occupation depuis cinq ans sur un territoire de 160 acres (64 hectares) d’en devenir le propriétaire.
Le Homestead Act attire Américains mais aussi Européens part sa promesse de propriété facile, en contraste avec une Europe vieillissante où l’acquisition de terres reste une problématique majeure. Cette politique d’implantation rencontre ainsi un succès dans les années 1870 et 1880, période pendant laquelle plus de terres ont été mises en culture qu’en 250 ans de colonisation.
Cependant, ce succès reste mitigé, les homesteaders rencontrant de nombreuses difficultés. En effet, la moitié d’entre eux ne sont pas parvenu à vivre de leur terres et ceci tant pour des raisons sociales, telles que l’isolement ou le manque de connaissances en agriculture, qu’environnementales, le climat de l’Ouest étant aride et où les catastrophes naturelles s’enchaînent.
Le chemin de fer, condition essentielle à la conquête
Déjà représentatif du progrès, le chemin de fer permet dans les faits l’expansion à l’Ouest et le peuplement de ces territoires. C’est un réel enjeu que saisit le gouvernement américain qui investit alors massivement dans les initiatives privées, donnant de ce fait aux compagnies de chemins de fer un rôle structurant dans la conquête.
En 1862, la Congrès adopte la loi sur le Pacific Railroad, un texte qui permet à la première ligne transcontinentale, qui s’étend de Sacramento à Omaha, de voir le jour en 1869. Deux compagnies furent chargées de la construction de ce chemin de fer : l’Union Pacific, pour la partie orientale du chantier, et la Central Pacific pour la partie occidentale.
D’autres projets de lignes apparaissent à leurs tours et cinq seront construites avant la fin du XIXe siècle. Ainsi, Est et Ouest sont finalement reliés, unissant territoires et États.
La spoliation des territoires amérindiens
Contrairement au mythe d’un Ouest « vierge » tel un nouveau jardin d’Eden, de nombreuses populations amérindiennes occupaient ces territoires, malgré un déclin démographique marqué. Avec la conquête de l’Ouest, ces populations se sont vues dépouillés de leurs terres, non sans résistances, par la violente politique colonialiste américaine.
Déjà affaiblis par la colonisation européenne, les autochtones sont davantage repoussées à l’Ouest à mesure que les États-Unis s’étendent dans ces territoires. Au milieu du XIXe siècle, le gouvernement américain décide de créer des « réserves indiennes » censées protéger ces populations affaiblies et respecter leurs droits et différences culturelles. En réalité, les terres accordées ne permettent pas aux Amérindiens de survivre du fait de leur sols pauvres et incultivables, rendant ces individus dépendants du gouvernement qui les approvisionne alors irrégulièrement en nourriture et vêtements.
En 1871, le Congrès adopte un texte qui considère désormais les Amérindiens comme une « nation domestique dépendante« , reléguant ces individus à un statut de majeur protégé, sous tutelle donc du gouvernement américain. Les autochtones ne jouissent alors pas de droits politiques et civiques.
La politique du gouvernement est ambigüe car se présente comme protectrice tout en maintenant une politique de répression forte dans la volonté d’exterminer. Les États-Unis se sont d’abord attaqués aux moyens de subsistance et aux symboles de ces populations de l’Ouest en menant notamment une politique d’extermination des bisons lors de la deuxième moitié du XIXe siècle, ne laissant plus que quelques centaines d’individus à la fin du XIXe siècle.
Une autre façon d’exterminer les cultures amérindiennes fut celle de d’assimilation, politique appuyée par le président Ulysses S. Grand avec la création de pensionnats.
Par ailleurs, la répression s’intensifia à cette période avec notamment les « guerres indiennes« , des épisodes de résistance amérindienne face à la colonisation et spoliation de leurs territoires. Plusieurs conflits se succédèrent entre les années 1860 et 1870 opposant coalitions autochtones et l’armée fédérale, des épisodes dont la plupart se terminèrent par une répression violente de la part du gouvernement américain.
La bataille de Little BigHorn du 25 juin 1876 marqua particulièrement les esprits, la coalition amérindienne menée par Crazy Horse et Sitting Bull l’ayant remporté face au lieutenant colonel Custer, qui y trouva la mort. L’issue de cet épisode entraina cependant une répression systématique et importante des révoltes lakotas, conduisant à l’affaiblissement de ce mouvement de résistance face à la machine coloniale américaine.
Quelques liens et sources utiles
JACQUIN Philippe et ROYOT Daniel, Go west : histoire de l’Ouest américain d’hier à aujourd’hui. Nouvelle ed. Paris, France: Flammarion, 2004.
MARIENSTRAS Élise, La résistance indienne aux États-Unis : XVIe-XXIe siècle, Éd. revue et Augmentée. Folio 228. Paris: Gallimard, 2013.
SALLMAN Jean-Michel, L’Amérique du Nord : de Bluefish à Sitting Bull 25000 av. notre ère-XIXe siècle. Mondes anciens, Paris, Belin, 2022.
VINCENT Bernard. Histoire des États-Unis, 4e éd. Champs. Paris: Flammarion, 2016.