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Jesse James, le hors-la-loi bien-aimé

Marqué par la guerre de Sécession, Jesse James, hors-la-loi inarrêtable, commet de multiples attaques à la tête du gang James-Younger.
Affiche de récompense représentant le hors-la-loi Jesse James - Pinkerton's Detective Agency | Domaine public
Affiche de récompense représentant le hors-la-loi Jesse James – Pinkerton’s Detective Agency | Domaine public

Figure légendaire de l’Ouest américain, Jesse James incarne, pour les plus romantiques, la rébellion et la liberté, au cœur des paysages arides de la région. En réalité, il est, avant tout, un hors-la-loi impitoyable, produit de la violence de son époque. Né dans une ferme du Missouri, Jesse grandit au sein d’une Amérique déchirée par la guerre de Sécession et les tensions liées à l’esclavage. Il participe lui-même à ce conflit auprès des guérilleros sudistes. 

Vivant ensuite selon ses propres lois, il se forge rapidement une réputation de bandit intrépide. À la tête du gang James-Younger, ses attaques de banques, trains et diligences font trembler le Midwest. Le jeune garçon de ferme devient un ennemi public, admiré par certains, haï par d’autres. Son assassinat, rendu célèbre par la littérature et le cinéma, achève d’immortaliser la légende de Jesse James.

L’enfance de Jesse James dans la ferme familiale du Missouri

Les parents de Jesse, Robert James et Zerelda Cole, se rencontrent dans le Kentucky en 1841. Lui est un brillant étudiant du Georgetown College ; elle suit un enseignement dans une école catholique près de Lexington. La même année, Robert, 23 ans, épouse Zerelda, âgée de seulement 16 ans.

Le couple s’installe dans le Missouri en 1842. Robert, devenu pasteur au sein de la New Hope Baptist Church, acquiert une ferme de 90 hectares dans le comté de Clay. C’est dans celle-ci que naissent Jesse James, le 5 septembre 1847, et sa sœur Susan en 1849. L’aîné de la fratrie est Frank James, né en 1843.

À cette époque, l’esclavage gangrène la région ; six esclaves travaillent d’ailleurs à la ferme des James. 

Le destin de la famille bascule en 1850 lorsque Robert James, attiré par la ruée vers l’or, décide de rejoindre la Californie, laissant derrière lui ses proches. Les lettres adressées par le père témoignent de son amour pour eux et de son désir de les voir prospérer malgré son absence. Malheureusement, il meurt cette même année dans un chantier minier, laissant Zerelda seule pour élever ses enfants.

Celle-ci fait tout son possible pour qu’ils grandissent dans un environnement stable et aimant. Elle réussit à faire en sorte que la ferme familiale demeure leur propriété. Dans cette perspective, elle conclut d’ailleurs un contrat prénuptial avec son troisième mari, Reuben Samuel, un médecin qu’elle épouse en 1855.

La guerre de Sécession : le tournant dans la vie des frères James

Après sa participation aux violences commises par les bushwhackers durant la guerre civile américaine, Jesse ne conçoit pas le retour à une vie honnête.

Une trajectoire sanglante : au cœur de la violence des bushwhackers

Lorsque la guerre de Sécession éclate en 1861, l’allégeance de la famille James, propriétaire d’esclaves venant du Kentucky, ne fait guère de doute. Si Jesse est trop jeune pour rejoindre les rangs de l’armée, Frank est prêt à se battre pour le Sud.

Il rejoint la Garde de l’État du Missouri, alignée sur la cause de la Confédération, et participe à des batailles majeures comme Wilson’s Creek et Lexington, toutes deux remportées par les sudistes. Après avoir été fait prisonnier par l’Armée fédérale, Frank est libéré sur parole. Mais le climat de guerre civile dans le Missouri le pousse à reprendre le combat avec les guérilleros de William Clarke Quantrill au printemps 1863. Parmi les membres de ce groupe, se trouvent les frères Younger, Cole et Jim.

Ces guérilleros, surnommés les bushwhackers, mènent des attaques indépendantes et brutales contre les troupes de l’Union, se livrant au pillage pour subvenir à leurs besoins. 

La ferme des James devient une cible pour les milices fédérales, qui fouettent Jesse, avant de torturer son beau-père, Reuben Samuel, dans l’espoir de découvrir la cachette des guérilleros. Jesse nourrit une profonde animosité envers les hommes responsables de ces actes et n’aspire qu’à se venger.

En 1864, il participe à la vendetta de sa famille contre les milices unionistes. Il aurait tué Brantley Bond, responsable de la torture de son beau-père, et aurait également participé à l’exécution d’un autre membre de la milice, Alvis Dagley

En septembre 1864, Jesse et Frank intègrent la guérilla de William T. Anderson, surnommé Bloody Bill pour la violence de ses hommes qui ont la réputation d’arracher le scalp de leurs ennemis.

Portrait de William Bloody Bill Anderson - Auteur inconnu | Domaine public
Portrait de William Bloody Bill Anderson – Auteur inconnu | Domaine public

Le 27 septembre, les bushwhackers d’Anderson attaquent la ville de Centralia, dans le Missouri, tuant 24 soldats fédéraux en permission. Plus tard dans la journée, ils mettent en déroute un bataillon de 115 soldats de l’Union qui les poursuivaient. À cette occasion, Jesse James s’approche du commandant nordiste et le désarçonne d’une balle en pleine tête. 

Cet exploit le rend célèbre, mais les actions des bushwhackers touchent à leur fin, car Bloody Bill meurt le mois suivant. 

Les guérilleros se livrent à une série de pillages et de massacres des troupes de l’Union, mais les États confédérés d’Amérique n’existent plus. 

Lors d’une fusillade avec une patrouille fédérale près de Lexington, dans le Missouri, Jesse est gravement blessé au poumon droit. Il finit par se rendre et prête allégeance aux États-Unis. Son frère, Frank, dépose les armes le 26 juillet 1865.

Ces expériences de violence et de guerre civile forgent le caractère de Jesse James et contribuent à le faire devenir l’une des figures les plus redoutées et controversées de l’Ouest américain.

L’impossible retour à une existence honnête

La haine des James envers le Nord ne s’éteint pas avec la fin de la guerre.

De retour dans le comté de Clay, Jesse constate que ses voisins unionistes et les Républicains radicaux du Missouri ne sont pas prêts à oublier le passé. L’esclavage est aboli, et un serment d’allégeance rigoureux, l’Ironclad Oath, est imposé. 

Celui-ci implique de n’avoir jamais sympathisé avec le Sud, sous peine d’une interdiction de voter, d’exercer une fonction publique et d’enseigner. Les anciens soldats de la Confédération se trouvent, de fait, exclus de la vie publique et politique

Certains citoyens privés de leurs droits décident alors de vivre selon leur propre loi. 

Le 13 février 1866, un gang d’anciens bushwhackers dévalise la Clay County Savings Association de Liberty, dans le Missouri, empochant plus de 60 000 dollars en or. Il s’agit de la première attaque de banque en temps de paix. Il n’est pas certain que Jesse soit impliqué dans l’attaque ; son frère Frank, en revanche, y participe très probablement, aux côtés d’un autre ancien membre de la guérilla, Cole Younger.

Quant à leur choix de devenir des hors-la-loi après la guerre, les frères James expliquent que leurs ennemis les auraient empêchés de reprendre une vie paisible. On peut toutefois supposer que leurs motivations sont moins honorables : le vol de banques et de trains constitue une source d’argent facile, pour lequel ils ont, de surcroît, un talent indéniable.

Le basculement dans la vie de hors-la-loi après la guerre civile

Les nombreux braquages commis par le gang des frères James et Younger prennent fin après l’attaque ratée de la banque de Northfield en 1876.

Les attaques du gang James-Younger

Après la guerre, Jesse forme une bande visant à poursuivre un combat qu’il n’estime pas terminé. Il donne d’ailleurs à ses attaques de banques un sens patriotique qui le rend sympathique aux yeux des fermiers sudistes.

Le gang James-Younger est constitué de membres, dont la plupart ont fait partie des guérilleros de William Quantrill : on y retrouve notamment les frères James, ainsi que Cole, Jim et Bob Younger

Jesse James, aux côtés de son frère Frank James, en 1872 - Auteur anonyme | Domaine public
Jesse James, aux côtés de son frère Frank James, en 1872 – Auteur anonyme | Domaine public

Jesse James, le leader de cette bande, voit son nom être associé à de nombreuses attaques. Toutefois, le premier braquage de banque auquel sa participation ne fait aucun doute a lieu le 7 décembre 1869, à Gallatin. Il semble que celui-ci serve, avant tout, à couvrir un assassinat.

À cette occasion, deux hommes pénètrent dans la Daviess County Savings Association, tuent le guichetier sans motif apparent, et s’enfuient avec une petite boîte en métal. Les bandits pensent avoir tué le major Samuel P. Cox, commandant de la milice qui avait mis fin aux jours de leur chef, Bloody Bill. Cependant, la victime est en réalité John W. Sheets, abattu par erreur

Jesse et Frank sont accusés de ce meurtre. Le premier nie toute participation dans une lettre adressée au gouverneur, assurant que son alibi peut être confirmé. Il prétend ne pas se rendre uniquement par crainte de ne pas bénéficier d’un procès équitable. 

À seulement 22 ans, il n’en demeure pas moins un hors-la-loi ; il serait l’auteur de dix-neuf braquages, répartis sur une douzaine d’années. Il devient, de ce fait, un véritable ennemi public

Parmi les cibles de la bande, on peut citer la banque de Corydon, dans l’Iowa, qu’ils dévalisent en 1871, pour un montant de 45 000 dollars. Le 21 juillet 1873, ils attaquent leur premier train (le Chicago, Rock Island and Pacific Railroad) à Adair, également dans l’Iowa. Après s’en être pris à leur première diligence le 15 janvier 1874, ils prennent d’assaut un nouveau train (l’Iron Mountain Little Rock Express) le 31 janvier de la même année, à la gare de Gad’s Hill (Missouri). 

Leurs multiples vols et meurtres sont relayés dans la presse et participent à leur célébrité. Autant détesté qu’admiré, Jesse veille à démentir son implication dans les crimes relatés, se présentant comme une victime de la guerre de Sécession. Les politiciens eux-mêmes sont divisés : certains estiment que le gang James-Younger ternit l’image des États du Midwest, tandis que d’autres mettent en avant l’impact de cette guerre. 

Cependant, la bande se montre de plus en plus violente, conduisant à la perte progressive de leurs soutiens.

À partir de mars 1874, le gouverneur du Missouri, Silas Woodson, tente de mobiliser des forces armées pour mettre fin aux activités des frères James. Face à la désapprobation du Congrès de cet État, il fait appel à l’agence Pinkerton pour traquer les bandits.

Le 26 janvier 1875, celle-ci apprend que les James sont chez eux ; elle lance un assaut qui se solde par la mutilation de la mère de Jesse et Frank et la mort de leur demi-frère Archie, âgé de huit ans. Aucun des deux hors-la-loi n’était présent au moment des faits. Cet incident suscite l’indignation publique. Il ne dissuade cependant pas les frères James de poursuivre leurs méfaits.

L’échec du braquage de la banque de Northfield

Les membres du gang James-Younger sont informés par une nouvelle recrue, Bill Chadwell, que la banque de Northfield, dans le Minnesota, contient d’importantes réserves. 

Le 7 septembre 1876, ils attaquent cette dernière. L’opération tourne au fiasco : face à la résistance des habitants, ils ne récoltent pas la moindre somme, et deux des bandits sont tués. Les autres réussissent à fuir, mais sont, pour la plupart, blessés. Après s’être cachés dans les bois, les frères James se séparent des autres braqueurs, trop affaiblis pour continuer. 

Le 21 septembre, ces derniers tombent dans une embuscade. L’un d’entre eux est tué pendant le combat ; les trois frères Younger sont, quant à eux, capturés.

Suite à ces péripéties, Jesse et Frank James s’installent dans des fermes du Tennessee sous de faux noms (Jesse Howard et Frank Woodson). Ils mènent, avec leurs femmes, une vie confortable grâce au butin accumulé.

Si l’aîné est disposé à vivre désormais dans le droit chemin, Jesse souhaite, quant à lui, reprendre ses activités criminelles. Dès 1879, ils se livrent à de nouvelles attaques de banques et de trains. 

La mort de Jesse James : l’épilogue qui scelle sa légende

La nouvelle bande formée par Jesse est active dans la région jusqu’en 1881. À cette date, celui-ci est obligé de fuir à Saint-Joseph, où il s’installe avec sa famille. 

Depuis quelque temps déjà, les frères James ne bénéficient plus de la même sympathie de la population que par le passé, la guerre s’étant terminée depuis un certain temps. Thomas T. Crittenden, gouverneur du Missouri, offre, en outre, une alléchante prime à quiconque parvient à capturer l’un d’entre eux, mort ou vif.

C’est dans ce contexte que Jesse paye le prix de ses crimes. Un membre de sa bande, séduit par la perspective de gain et de renommée, trahit le hors-la-loi, en lui tirant une balle dans le dos le 3 avril 1882. Lorsqu’il est abattu, celui-ci, désarmé, est en train de nettoyer un tableau.

L’homme qui a tué Jesse James est Robert Ford, dit Bob Ford. Il s’agit d’un ami proche du bandit, en qui il avait toute confiance. 

Robert Ford assassine Jesse James dans le dos | Auteur inconnu | Domaine public
Robert Ford assassine Jesse James dans le dos | Auteur inconnu | Domaine public

Robert Ford trouve la mort dix ans plus tard, assassiné par Edward O’Kelley. Par cet acte, ce dernier vise vraisemblablement la gloire d’être celui qui a mis fin aux jours du meurtrier impopulaire.

Après la mort de Jesse James, son frère Frank se rend aux autorités. Il est finalement acquitté en août 1883.

La légende du hors-la-loi insaisissable perdure encore bien des années après son trépas. Ainsi, en l’an 2000, certains historiens prétendent que le bandit aurait simulé sa mort pour fuir les autorités et  s’installer au Texas. Toutefois, en juin de cette même année, l’anthropologue judiciaire Dave Glassman procède à l’exhumation du corps. L’analyse de l’ADN, ainsi que des échantillons de sang prélevés sur des descendants, confirment que l’individu enterré est bien le célèbre bandit. 

L’empreinte immortelle de Jesse James

Longtemps après sa mort, Jesse James continue de fasciner et d’inspirer, symbolisant une vision idéalisée de la vie de hors-la-loi pendant la conquête de l’Ouest. La réalité, beaucoup plus sombre dans une époque marquée par la violence et l’injustice, révèle surtout un bandit impitoyable et insaisissable, animé par la vengeance et l’appât du gain. Marqué par la guerre de Sécession, il justifie ses crimes par une vision déformée de la morale. 

Sans grand rapport avec l’image, qu’on lui attribue parfois, de Robin des bois, Jesse James n’a jamais donné le fruit de ses braquages aux plus démunis. Il n’a, de surcroît, jamais hésité à abattre froidement ceux qui s’opposaient à lui. Loin de s’en prendre aux capitalistes du Nord, il s’attaquait surtout à de petites banques locales, dont les clients étaient sudistes. 

Jesse James demeure, dans tous les cas, l’un des premiers ennemis publics de l’histoire. L’attrait qu’il génère se manifeste encore aujourd’hui, à travers les nombreux films, livres et autres chansons qui lui sont consacrés. 

Quelques liens et sources utiles

Mark Lee Gardner, Jesse James, portrait du premier ennemi public américain (consulté le 22 février 2024).

Jesse Edwards James Jr, Jesse James mon père, Les Éditions de Paris, 2007.

Alain Sanders, La véritable histoire de Jesse James : Guérillero sudiste, Dualpha, 10 novembre 2021.

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