Jean Mermoz est un aviateur du XXème siècle reconnu comme l’un des pionniers de l’Aéropostale. Initialement engagé comme aviateur dans l’armée française, il saisit l’opportunité de rentrer dans une très récente société de transport aérien de courrier et s’impose rapidement comme l’une des figures.
Une enfance perturbée
Jean Mermoz est né le 9 décembre 1901 à Aubenton dans l’Aisne.
Il est le fils de Charles Mermoz, patron de l’hôtel-restaurant « Le Lion d’or » à Aubenton et de Gabrielle Gillet surnommée Mangaby. Les époux ont des caractères radicalement opposés et les disputes divisent le foyer malgré la naissance de leur enfant.
En 1903, les parents se séparent. Mme Mermoz emmène son fils chez ses parents à Mainbressy à une dizaine de kilomètres d’Aubenton. Jean est élevé par ses grands-parents Gillet et rend parfois visite à son père. Il voit peu sa mère partie travailler comme couturière à Paris.
À l’été 1913, il découvre l’aviation lors de la Grande semaine d’aviation de la Champagne près de Reims, rassemblement qui a lieu chaque année depuis 4 ans et qui marque les prémices des courses aériennes.
Mais fin juillet 1914, la guerre éclate et la famille Gillet doit se résoudre à l’exode et voyage vers l’Auvergne. Jean est temporairement scolarisé au lycée d’Aurillac. Il retrouve peu après sa mère passée par la Suisse pour les rejoindre.
Mme Mermoz emmène Jean à Paris pour passer son bac où elle est affectée comme infirmière à l’hôpital Laennec. Jean inscrit au lycée Voltaire se révèle doué en littérature mais pas en mathématiques, il veut alors devenir journaliste.
Les prémices d’une vie consacrée à l’aviation
Devançant l’appel sous les drapeaux, il s’engage dans l’aviation militaire en 1919 pour 4 ans. Muté à Istres, il apprend les rigueurs de la vie militaire et exécute avec désagrément les exercices physiques qu’il juge inutiles. Il réussit enfin à passer les épreuves théoriques puis pratiques du brevet de pilote militaire, malgré un accident au cours du premier vol et obtient son brevet le 8 févier 1921.
Il reçoit sa première affectation au 11ème régiment d’aviation à Metz où il reste moins de 2 mois. Mais la vie lui semble trop monotone dans cette région. Le jeune pilote rêveur d’aventures demande à être muté en Orient.
Il s’envole dès septembre 1921 à Beyrouth au Liban où la France exerce un mandat. Dans un décor de rêve, il a l’occasion de participer à des missions de répression des tribus ennemies, au sein des escadrilles du Levant munies de Bréguets XIV basées en plein désert. Néanmoins, les conditions de vol sont redoutables à cause du climat aride qui n’épargne ni avions ni pilotes.
En mars 1922, le moteur du Bréguet de Mermoz prend feu au cours d’une mission près de Palmyre. Le pilote et son mécanicien doivent traverser le désert à pied pendant 4 jours, déshydratés et atteints d’hallucinations. Ils en réchappent grâce à une patrouille de méharistes (soldats à dos de chameau) qui les ramassent inconscients près d’une piste pourtant très peu fréquentée.
Le sergent Mermoz rentre en France fin février 1923 avec le paludisme contracté en mission puis dispose de 3 mois de congés pendant lesquels il est guéri par sa mère. Il est ensuite muté au 23ème régiment d’aviation près de Nancy où il rencontre Henri Guillaumet, futur pilote de l’aéropostale formé à l’école de l’as Charles Nungesser.
Transféré au 1er groupe de chasse à Thionville où, détesté par son commandant d’escadrille, Mermoz reçoit brimades et punitions qui le poussent à arrêter sa carrière.
À l’été 1923, il quitte la vie militaire et cherche à se reconvertir dans l’aviation civile. Mais les postes sont rares car de nombreux pilotes de 14-18 s’y sont engagés. Ne recevant pas de réponses positives, Mermoz se retrouve rapidement dans la misère et doit enchaîner des petits boulots : balayeur, mécano dans des ateliers et même aviateur figurant dans un film.
Les débuts de Mermoz dans l’aéropostale
Il reçoit en octobre 1924 avec surprise une réponse de la CGEA, société de Georges Latécoère alors constructeur d’avions qui fait depuis 1918 du transport de courrier. L’aéropostale n’est qu’à ses débuts mais la poste existe en France depuis le XVème siècle comme nous l’avons abordé dans notre article : L’histoire de la poste en France du XVe jusqu’au XIXe siècle
Malgré ses 600 heures de vol, Mermoz est premièrement engagé par le directeur Didier Daurat comme mécano dans l’atelier de la société où il doit démonter et remonter des moteurs matins et soirs. Après plusieurs semaines, Mermoz est finalement engagé comme pilote par la CGEA surnommée la « Ligne » où il retrouve le Bréguet XIV qu’il pilotait déjà en Orient.
Une fois sa période de formation achevée, il est envoyé en poste à partir de janvier 1925 à Barcelone où il assure des liaisons entre la France et le Maroc. Mermoz prend vite de l’expérience avec les atterrissages forcés et disparitions d’autres pilotes et apprend les rigueurs du métier avec le rythme effréné de travail (jusqu’à 1000 kms par jour et une journée de repos pour trois de travail).
Ainsi, sur la seule année 1925, Mermoz a déjà parcouru 120 000 kms.
Muté à Casablanca en 1926, il assure la liaison de la récente ligne Casablanca-Dakar où les conditions de vol sont très rudes : entre tempêtes de sable, cyclones et embuscades des Maures, les pertes de pilotes ne sont pas rares. Mermoz est d’ailleurs fait prisonnier quelque temps plus tard avant d’être remis aux autorités espagnoles contre une rançon.
En Afrique du Nord à Cap Juby, il a l’occasion de rencontrer souvent Henri Guillaumet et Saint-Exupéry, futures figures de l’Aéropostale récemment arrivés dans la société. Mermoz se lie rapidement d’amitié avec eux. Les aviateurs forment ensemble un trio inséparable.
Le développement de la « Ligne » outre-Atlantique
Suite à la vente de la société de Georges Latécoère à Marcel Bouillon-Lafont en avril 1927, est fondée la Compagnie Générale de l’Aéropostale (CGA). La création d’une ligne en Amérique du Sud se dessine rapidement sous l’impulsion du nouveau directeur qui saisit l’opportunité d’un nouveau marché.
Mermoz est ainsi muté à Buenos Aires où il assure la liaison jusqu’à Rio avec des appareils Laté 25. Le trajet Rio-Saint Louis du Sénégal est assuré par bateau puis le reste du trajet jusqu’en France par avion.
Grâce à cela, le courrier intercontinental est distribué en à peine deux semaines.
En 1928, la CGA cherche à ouvrir la ligne Buenos Aires-Santiago, séparée par la Cordillère des Andes. Il faut alors monter à près de 4000 m d’altitude ce qui représente le maximum du Laté 25.
La société envoie alors des Laté 28 pouvant atteindre 6000 m et choisit les meilleurs pilotes de l’Aéropostale pour ouvrir la ligne : Jean Mermoz et Henri Guillaumet.
La ligne est finalement inaugurée le 14 juillet 1929.
Toutefois, les accidents sont fréquents dans cette région isolée et accidentée. En 1929, Mermoz a un problème moteur et doit atterrir sur un plateau à plus de 4000 m. Sa vitesse est trop élevée à l’atterrissage et le pilote doit sauter de l’avion puis se précipiter contre une roue qu’il bloque juste avant d’atteindre le bord du ravin.
Guillaumet doit en 1930 se poser dans une vallée dans la Cordillère des Andes à cause d’une tempête de neige. Après son atterrissage miraculeux, il marche pendant 5 jours sans dormir sous la neige jusqu’à être secourus par des fermiers. Il déclare en voyant Saint-Exupéry venu le récupérer :
« Ce que j’ai fait, aucune bête ne l’aurait faite »
Henri Guillaumet après son accident dans la Cordillère des Andes en 1930
La CGA veut ensuite permettre la traversée de l’Atlantique Sud par avion afin de réduire les temps de délais du courrier entre l’Amérique et l’Europe et accroître son avance vis-à-vis des compagnies étrangères.
En effet, la concurrence avec les autres entreprises est rude. Les Graf Zeppelins allemands traversent depuis 1929 l’Atlantique pour les Etats-Unis en moins de 3 jours et peuvent transporter courrier et passagers. D’autres comme la société des avions Marcel Bloch, futur Dassault, initient la construction d’avions de transport de courrier.
L’Aéropostale veut ainsi obtenir une ligne aérienne transatlantique.
Après plusieurs essais d’avions, la traversée de l’Atlantique est réalisée en hydravion par Mermoz et les pilotes Dabry et Gimié le 12 mai 1930. La liaison est désormais entièrement aérienne entre Paris et l’Amérique du Sud permettant l’acheminement du courrier entre Toulouse et le Brésil en seulement 2 jours. L’aviation commerciale française est à son apogée et devient la plus rapide du moment.
La création d’Air France en 1933 marque le développement d’une firme multinationale qui regroupe différentes compagnies françaises dont Air Orient, la CGA, Air Union, la CIDNA.
L’émouvante disparition de l’aviateur Mermoz
Jean Mermoz, désormais surnommé « L’Archange » par la presse est chargé d’assurer la liaison transatlantique.
Mermoz milite pour la construction de nouveaux appareils plus robustes : les Arc-en-ciel du constructeur Couzinet qui ne sont plus produits par décision du ministère de l’Air et doute des capacités des appareils choisis pour la liaison de la société Latécoère, appareils qui ont fréquemment des problèmes moteurs.
En décembre 1936, Mermoz fait la tentative d’une 24ème traversée de l’Atlantique Sud.
L’équipage composé de 5 personnes décolle de Dakar avec l’hydravion Latécoère la Croix-du-Sud le 7 décembre 1936 à 4h du matin. Après 1 heure de vol, l’appareil fait demi-tour puis revient se poser car l’hélice du moteur arrière droit ne tourne pas au régime de croisière. La décision est de changer le réducteur assurant la transmission de mouvement de l’hélice puis de repartir.
Après réparation par les mécanos, l’appareil redécolle de Dakar à 6h53 et donne de ses nouvelles régulièrement. Il a effectué près d’un tiers du trajet quand soudain à 10h47, le poste de Dakar reçoit le message « Coupons moteur arrière droit » puis plus rien.
Immédiatement, des recherches pour quadriller le territoire sont effectuées par tous les navires les plus proches. Mais après plusieurs heures, elles ne donnent rien et l’appareil reste introuvable.
Mermoz reçoit une citation à l’ordre de la Nation six jours après sa disparition le 13 décembre 1936. L’aviateur, figure de l’Aéropostale disparaît avec 8200 h de vol à son actif.
L’aviatrice Maryse Bastié lui rend hommage en effectuant le 30 décembre la traversée de l’Atlantique Sud avec un appareil baptisé le Jean Mermoz.
Quelques liens et sources utiles
Jean-Paul Ollivier, Mermoz L’esprit de l’aéropostale, Selection Du Reader’S Digest 2002
Icare revue de l’aviation française, Mermoz, 1968
Mermoz, Mes vols, ARTHAUD 2011
France aviation, Source gallica.bnf.fr / BnF, 1987