Depuis les événements du Boston Tea Party en 1773 ou de la Bataille de Lexington et Concord en 1775 que nous avons abordé dans un article précédant : De la naissance de l’indépendance américaine à l’éveil du conflit, les Treize Colonies américaines sont en guerre avec l’ancienne mère patrie : l’Angleterre.
Malgré ses récents succès, l’armée américaine va devoir se structurer afin de remporter la guerre et chasser définitivement les Britanniques d’Amérique.
Un commandant pour l’armée américaine
Lors du Second Congrès continental à Philadelphie en mai 1775, les représentants américains décident de former une armée régulière. En effet, jusqu’à la révolte, les troupes anglo-américaines chargées d’assurer le maintien de l’ordre au sein des colonies étaient fournies par des milices locales propres à chaque colonie (milices créées par les Britanniques à leur arrivée en Amérique).
Le conflit ouvert avec l’Angleterre contraint les colonies américaines à bâtir une armée capable de défaire à cette époque la meilleure armée du monde.
Pour le commandement, John et Samuel Adams, alors représentants du Massachusetts proposent le nom de Georges Washington, colonel de Virginie et riche propriétaire terrien, mais sans grande expérience militaire.
Son nom est proposé car Washington vient de la colonie de Virginie, située au centre des Treize Colonies.
De ce fait, le nom d’un commandant virginien susciterait l’approbation des membres du Congrès venant à la fois du nord et du sud des colonies. Washington est ainsi nommé fin juin 1775 commandant de l’armée continentale américaine.
Mais, alors composée d’à peine 16 000 hommes l’armée américaine est en bien mauvais état. Outre de nombreux malades, les hommes sont sans grande expérience, souvent indisciplinés et le matériel militaire manque grandement tout comme les fonds.
C’est en raison de cette situation que les troupes américaines sont défaites lors de la bataille de Bunker Hill près de Boston en juin 1775.
La création d’une armée régulière
Washington veut donc réformer tout cela et créer une armée de 30 000 hommes avec des moyens importants dignes d’une armée de métier.
Une succession de décisions sont alors prises :
- impression à grande échelle de billets (mais qui entrainera une inflation forte jusqu’à la fin de la guerre) ;
- approvisionnement par des contrebandes françaises, espagnoles, hollandaises ou captures de navires de ravitaillement britanniques ;
- réquisition de fonds puis emprunt de 1777 à 1783 à des puissances étrangères (6 millions venant de France, 1 million de Hollande…) ;
- signature d’un contrat d’engagement de 6 mois pour les hommes voulant rejoindre l’armée.
Malgré ces bonnes mesures, le contrat d’engagement de 6 mois de près de la moitié des hommes arrive à terme en décembre 1775. Ainsi, au mois de janvier 1776, seulement 8 000 hommes sont présents sur les 20 000 prévus.
Washington doit alors opérer une réorganisation complète et stricte de l’armée en faisant appliquer la hiérarchie, en rétablissant les sanctions en cas de désertion et en obligeant la bonne hygiène de ses hommes.
Le premier fait d’arme de Washington a commencé début juillet 1775 lorsqu’il a fait fortifier Boston afin d’empêcher la flotte britannique de débarquer dans la ville.
En effet, les Anglais encore implantés en Amérique, au Canada utilisent ce territoire pour tenter de débarquer sur la côte Atlantique afin de prendre les grandes villes américaines. La première est Boston, symbole du début de la révolte. Les Anglais, déjà sur place avec les événements récents à Lexington en avril 1775, reçoivent des renforts par la mer au mois de mai suivant.
Les Britanniques cherchent à sortir de la ville mais Washington en fait le siège et fortifie les hauteurs de Boston avec un grand nombre de batteries (mortiers, canons de 12, 18 et 24 pouces) qu’il a fait venir en plein hiver du fort Ticonderoga situé à plusieurs centaines de kilomètres.
Ainsi au mois de mars 1776, la ville est sous le feu nourri des Américains et les Anglais évacuent Boston par la mer sans grandes pertes de soldats après négociation avec leurs adversaires.
L’échec de l’expédition américaine au Canada
Forte de ce premier succès, l’armée américaine veut conquérir le Canada, terre de la Couronne britannique depuis la fin de la guerre de Sept Ans, thème abordé dans un article précédant : La Louisiane un héritage français en Amérique.
Les Américains, en position de force depuis leur succès à Boston, tentent d’abord la voie diplomatique avec l’envoi de multiples lettres de négociations avec les marchands et tribus indiennes vivant au Canada.
Mais, cette stratégie ne fonctionne pas. En cause l’Acte du Québec promulgué en 1774 par la Couronne britannique qui donne l’usage des lois civiles françaises et de la religion catholique aux Canadiens, alors encore imprégnés de la présence française. Les Anglais leur donnent des gages afin d’éviter la rébellion de ses sujets qui pourrait faire basculer le territoire en faveur des Américains. Les Canadiens préfèrent ainsi rester sujets de la Couronne.
Finalement, dès octobre 1775 les Américains sous les ordres du Général Montgomery entrent au Canada et s’attaquent aux points stratégiques. Ils remontent le fleuve Hudson et parviennent après plusieurs semaines d’assauts à prendre le Fort St Jean, contrôlant la rivière, et défendu par des troupes canadiennes et des Indiens Mohawks.
Les Américains sous les ordres de Montgomery et du Major Benedict Arnold prennent Montréal à la mi-novembre 1775. Mais le cœur du Canada se situe à Québec et cette ville doit tomber pour espérer chasser définitivement les Anglais.
L’armée américaine arrive donc le 2 décembre devant la ville. Elle cherche à rentrer de force dans la ville mais cela s’avère difficile en raison du gel et de l’artillerie anglaise. Cette dernière est bien préparée à la défense de la ville fortifiée dont elle connaît les faiblesses car elle a conquis la cité récemment lors du siège de Québec en 1759.
Une attaque américaine est lancée le 31 décembre sur deux fronts. D’un côté, une armée dirigée par le Général Montgomery et de l’autre celle commandée par le Major Arnold. Mais le feu anglais est nourri et Montgomery décède sur le coup tandis que de l’autre côté de la ville, Arnold est blessé et son armée ne peut contenir la redoutable défense anglaise.
Un siège de la ville est organisé jusqu’au 6 mai où une flotte britannique débarque avec près de 10 000 hommes. Les Américains abandonnent alors Québec. Mais les renforts anglais reprennent Montréal et l’armée américaine doit finalement fuir le Canada en octobre 1776.
La campagne de New York
Les Anglais veulent maintenant prendre New York, point stratégique qui, une fois occupé, couperait en deux les Treize Colonies. Les Américains alignent 20 000 hommes quand les Anglais débarquent fin juin 1776 avec 22 000 soldats (dont 8 000 mercenaires allemands achetés à grand frais) et une flotte d’une centaine de navires transportant 10 000 marins.
Les marchands new-yorkais soutiennent en majorité la Couronne en raison de l’affaiblissement économique de leurs affaires depuis la sécession américaine. Pendant ce temps le 4 juillet 1776, la déclaration d’indépendance des Treize colonies est signée par le Congrès Continental à Philadelphie.
En conséquence, nous, les représentants des États-Unis d’Amérique, assemblés en Congrès général, prenant à témoin le Juge suprême de l’univers de la droiture de nos intentions, publions et déclarons solennellement au nom et par l’autorité du bon peuple de ces Colonies, que ces Colonies unies sont et ont le droit d’être des États libres et indépendants ; qu’elles sont dégagées de toute obéissance envers la Couronne de la Grande-Bretagne…
Extrait de la déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776
Cette déclaration, rédigée par Thomas Jefferson, omet pourtant la libération des esclaves. L’esclavagisme contribue fortement à l’économie américaine. Les colonies du Sud signent cette déclaration à la condition que l’esclavage demeure car ces colonies emploient le plus d’esclaves ; cela arrange par ailleurs certains généraux américains comme George Washington qui en possède un certain nombre dans son immense domaine en Virginie.
Parallèlement à New York, le conflit se poursuit. Une attaque britannique lancée en septembre 1776, aboutit à la victoire des Britanniques lors des batailles de Long Island et Kips Bay. Washington se fait d’ailleurs tirer dessus en retardant sa retraite et des balles trouent son tricorne. Les Américains évacuent ainsi la ville le 12 septembre et un incendie probablement allumé par les insurgés détruit près de la moitié de la ville le 18 septembre.
La suite de la campagne de New York aboutit aux victoires britanniques lors des batailles de White Plains et de Fort Washington au nord de New-York en octobre et novembre 1776. L’armée américaine est alors en déroute mais le génie de ses généraux s’apprête à payer.
C’est ainsi que Washington remporte plusieurs victoires, d’abord dans le Delaware à Trenton où les Américains traversent le fleuve par une tempête de neige, surprenant ainsi leurs adversaires et font 900 prisonniers. Le succès américain s’étend ensuite à Princeton dans le New Jersey mais Washington fait reculer ses troupes car il n’a plus que 2500 hommes en raison du contrat d’engagement arrivé à terme (3 à 6 mois) de nombre d’entre eux.
Saratoga, le tournant de la guerre
La victoire américaine à Saratoga dans l’État de New-York en octobre 1777 marque un tournant de la guerre. Le Général Burgoyne, commandant des forces britanniques au Canada doit capituler après plusieurs batailles. Près de 600 morts sont évalués du côté anglais contre près de 3 fois moins pour les Américains. Benedict Arnold est acclamé en héros pour avoir conduit à la reddition des Britanniques en dépit du commandant en chef, le Général Horatio Gates. Burgoyne est renvoyé en Angleterre et les soldats britanniques sont libérés en échange de leur promesse de ne plus participer au conflit.
Malgré cette victoire américaine, New York est toujours aux mains des Anglais et les Américains ont besoin d’aide extérieure pour espérer gagner la guerre.
C’est ainsi que la France, convaincue par Benjamin Franklin à Paris et la victoire américaine à Saratoga, décide de rentrer en guerre aux côtés des colonies américaines. Elle signe pour cela un traité de reconnaissance et d’alliance avec les colonies américaines en février 1778 et ce n’est qu’à partir de l’été de cette même année que la France s’apprête à entrer militairement dans le conflit et faire basculer définitivement l’issue de la guerre à la bataille de Yorktown en 1781.
Quelques liens et sources utiles
Odet Julien Le Boucher, Histoire de la guerre de l’indépendance des Etats-Unis Tome 1, Hachette Livre BNF, 2012
Pascal Cyr et Sophie Muffat, La guerre d’indépendance américaine, PASSES COMPOSES, 2022
Edmond Dziembowski, La guerre de Sept Ans, Tempus Perrin, 2018