Les Jeux Olympiques de Sydney, tenus du 15 septembre au 1er octobre 2000, ont été désignés à leur clôture par Juan Antonio Samaranch, alors président du Comité International Olympique (CIO), comme les “meilleurs Jeux jamais organisés”. Un succès qui ne doit rien au hasard.
Deuxièmes jeux organisés en Australie après Melbourne 1956, les JO de Sydney 2000 ont en effet marqué un tournant décisif dans l’histoire olympique moderne. Ces derniers ont complètement redéfini la modernité sportive, et établi de nouveaux standards encore en vigueur de nos jours. Retour sur cet événement planétaire, et sur sa rupture moderniste claire et nette avec les éditions précédentes…
Une organisation ultra-maîtrisée et numérisée
Les Jeux Olympiques de Sydney 2000, ce sont 10 601 athlètes de 199 nations différentes qui se sont affrontés dans pas moins de 300 épreuves réparties sur 28 sports. Un événement massif, qui a nécessité un système logistique novateur pour pouvoir être mené à terme.
D’abord, l’Australie s’est dotée d’infrastructures à la hauteur de cet événement historique. C’est ainsi qu’a été créé le plus grand stade olympique de l’histoire, à savoir le Stadium Australia. Avec ses 110 000 places, cette infrastructure avant-gardiste au toit soutenu par des arches de 650 tonnes s’est imposée comme la pièce majeure des Jeux de Sydney.
Aussi, le parc olympique de Sydney a fait forte figure. Construit sur une ancienne zone de friches industrielles hautement contaminées, ce complexe sportif a déjà accueilli plus de 400 000 personnes en une seule journée. A la fin des JO, le parc olympique a été transformé en un grand espace multifonctionnel qui abrite de nos jours 230 entreprises et continue d’accueillir plus de 14 millions de visiteurs par an. Il constitue en ce sens un vivier économique important pour l’Australie, et devrait permettre de créer plus de 30 000 emplois d’ici 2030.

Mais si les Jeux Olympiques de Sydney ont vraiment marqué une rupture logistique avec les éditions précédentes, c’est grâce à l’usage du numérique. Ce fut en effet la première fois que les Jeux utilisèrent massivement l’informatique pour leur organisation. Internet a ainsi joué un rôle majeur, puisque plus de 8,7 millions de visiteurs se sont connectés au site Olympics.com durant les quinze jours de compétition. Le numérique a aussi été utilisé pour faciliter l’accréditation des 47 000 bénévoles et pour vendre 6,7 millions de billets en ligne.
L’usage du numérique a aussi permis de garantir une couverture médiatique de l’événement en temps réel. Grâce au partenaire officiel IBM, un système de traitement de données sportives capable de transmettre les résultats en moins d’une seconde à plus de 16 000 journalistes et aux télédiffuseurs mondiaux a en effet pu être déployé. De ce fait, les JO de Sydney ont été les premiers à proposer une couverture médiatique de chaque épreuve presque en direct (environ 0,4 seconde de délai), avec une diffusion record de 7000 images par seconde.
A ces innovations s’ajoutent également la création du tout premier système de contrôle antidopage centralisé numérique.
Les premiers “Jeux verts” de l’histoire
Les Jeux Olympiques de Sydney 2000 se sont aussi distingués des précédents par leur ambition écologique inédite. C’est ainsi que tous les sites olympiques ont été conçus avec des matériaux à faible impact environnemental, et que la réduction des déchets et le recours aux énergies renouvelables se sont retrouvés au cœur d’une stratégie claire : mettre la durabilité au cœur de l’organisation olympique.
Le parc olympique est évidemment un exemple parlant de cette ambition écologique, car un programme massif de dépollution a permis de transformer cette zone polluée et toxique en un site durable avec des espaces verts (100 000 buissons et 7000 arbres plantés), des installations marchant à l’énergie solaire et un système de transport en commun efficace.
Également, la préparation des JO de Sydney a permis de créer le premier système de recyclage des eaux urbaines à grande échelle d’Australie, qui permet d’économiser pas moins de 850 millions de litres d’eau potable par an. De plus, 160 hectares de voies navigables ont été nettoyées et neuf millions de mètres carrés de déchets ont été éliminés à Sydney pour rendre la ville plus présentable.
Autant de mesures novatrices qui ont fait des JO de Sydney le premier événement sportif international à intégrer des critères de développement durable dans son cahier des charges. Le modèle était d’ailleurs si réussi qu’il a plus tard servi de référence pour préparer Londres 2012 et Rio 2016.
Une célébration de l’identité et de la diversité australienne
Organisée par le réalisateur Ric Birch, la cérémonie d’ouverture des JO de Sydney du 15 septembre 2000 a marqué les esprits de part la reconnaissance symbolique de l’histoire aborigène australienne qu’elle a permise.
En effet, c’est l’athlète indigène Cathy Freeman qui a été choisie pour allumer la vasque olympique, ce qui était hautement symbolique dans un pays encore marqué à vif par les séquelles de sa politique coloniale. La cérémonie a ainsi permis un effort de réconciliation marquant entre l’Australie blanche et ses Premiers peuples, d’autant plus que la culture autochtone a été promue pendant 11 minutes dans ce spectacle d’ouverture suivi par plus de 3,7 milliards de téléspectateurs. Cathy Freeman a ensuite remporté le 25 septembre la médaille d’or sur 400 mètres, ce qui a fait d’elle la première athlète aborigène à gagner une médaille d’or individuelle en Australie.
A noter par ailleurs que le Festival des arts olympiques “Harbour of Life” a aussi célébré le riche héritage des populations indigènes ainsi que la culture aborigène et insulaire.
Performances sportives et records emblématiques
Au-delà de ces avancées politiques, les JO de Sydney 2000 ont aussi été l’occasion d’assister à des moments sportifs inoubliables.
C’est par exemple au cours de ces Jeux que le nageur australien Ian Thorpe est devenu l’icône de tout un pays. Avec trois médailles d’or et deux médailles d’argent remportées à seulement 17 ans, il a ainsi été l’athlète le plus médaillé de la compétition, raflant au passage le record du 400 m nage libre.
De manière plus symbolique, c’est à Sydney que le nageur américain Michael Phelps a fait ses débuts olympiques à l’âge de 15 ans, finissant cinquième du 200 m papillon. Un début invisible à l’époque pour celui qui a gagné 23 médailles d’or dans sa carrière. C’est par ailleurs sur ces Jeux que la plongeuse chinoise Guo Jingjing a aussi fait ses débuts olympiques, elle qui a aussi marqué l’histoire de son sport quelques années plus tard.
Seule ombre au tableau, l’affaire de dopage qui a rattrapé la sprinteuse américaine Marion Jones en 2007, et qui l’a contrainte à rendre les cinq médailles (dont trois en or) qu’elle avait gagnées à Sydney.

Autre point notable, l’introduction officielle de nouveaux sports. C’est ainsi que le taekwondo et le triathlon sont entrés au programme olympique pour refléter l’évolution des pratiques sportives mondiales. Aussi, les JO de Sydney ont été l’occasion pour les femmes de participer pour la première fois aux épreuves d’haltérophilie et de pentathlon, ce qui a marqué une avancée notable dans l’égalité homme-femmes dans le sport olympique.
Si l’on résume, les JO de Sydney 2000 ont donc été une réussite totale sur tous les plans, y compris économique. Ce sont en effet 6,7 millions de billets qui ont trouvé preneur, soit 87% des places disponibles. Bilan : une recette globale de plus de 780 millions de dollars, et un impact touristique important, puisque le tourisme australien a connu une hausse de 15% de visiteurs étrangers en 2000 par rapport à 1999 (4,8 milliards de dépenses touristiques directes). Si l’on ajoute à cela les 66 000 emplois temporaires dans la logistique, l’hôtellerie et la construction, on peut alors affirmer que ces Jeux modernistes ont permis une hausse du PNB australien estimée entre six et sept milliards de dollars.
Alors que l’Australie accueillera à nouveau les Jeux Olympiques en 2032, précisément à Brisbane, nul doute qu’elle essaiera de redéfinir à nouveau la modernité sportive pour laisser une nouvelle fois tant un héritage à la ville qu’au mouvement olympique.
Quelques liens et sources utiles :
Claude Sobry, Socioéconomie du sport: Structures sportives et libéralisme économique, De Boeck Sup, 2003
Jean-Paul Rey, Sydney m’était conté: Jeux Olympiques 2000, Lesir, 2000