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1848 : la vague d’insurrection européenne

1848 est une année qui a marqué l’histoire européenne, par ses révolutions ; une vague d’insurrection en prémices d’une nouvelle société.
« L'Assemblée de mai » de Pavle Simić, proclamation de la Voïvodine de Serbie à Sremski Karlovci, en mai 1848, alors au sein de l'Autriche-Hongrie - Pavle Simić | Domaine public
« L’Assemblée de mai » de Pavle Simić, proclamation de la Voïvodine de Serbie à Sremski Karlovci, en mai 1848, alors au sein de l’Autriche-Hongrie – Pavle Simić | Domaine public

1848 est une année ayant marqué l’histoire européenne, par ses nombreuses révolutions ; une vague d’insurrection en prémices d’une nouvelle société.

« Toute l’Europe est sous les armes, / C’est le dernier râle des rois : Soldats, ne soyons point gendarmes, /Soutenons le peuple et ses droits […] Aux armes, courons aux frontières, / Les peuples sont pour nous des frères ! »

Cette citation provient d’une chanson populaire que les insurgés chantaient durant les émeutes. Ces paroles nous montre qu’il y a une unité européenne de lutte contre le pouvoir mis en place en 1848.

Un continent en proie à des révolutions !

En l’an 1688, sur les terres européennes, éclot la « Glorieuse Révolution », marquant l’aube d’une ère idéologique bouleversante. La floraison du libéralisme, idéologie empreinte de nuances tant politiques qu’économiques, trouve sa source dans cet élan révolutionnaire.

Cette pensée politique, en partie sculptée par les esprits de John Locke et de Montesquieu, et plus largement inspirée par les philosophes des Lumières, se dépeint comme une « doctrine économique exaltant l’individu, sa liberté, ainsi que l’orchestration libre des actions individuelles convergeant vers l’intérêt collectif« , mais également comme une « doctrine politique ayant pour dessein de restreindre les pouvoirs étatiques face aux libertés individuelles« , selon les mots du dictionnaire Larousse.

Il est à noter que cette doctrine imprégna la constitution américaine, conçue en 1787.

La Révolution française

Un souffle de révolution traverse la France en 1789, un moment charnière où le peuple se libère des chaînes de l’Ancien Régime.

Cependant, cette expérience de liberté est éphémère, car à peine 8 ans après l’abolition de la monarchie (concrétisée en août 1792, à l’issue des journées des Tuileries), Napoléon Bonaparte s’empare du pouvoir, précédant un retour vers une monarchie sous les règnes de Louis XVIII, Charles X, et Louis Philippe Ier.

Malgré cela, la révolution de 1789 insuffle un esprit de liberté et d’émancipation qui plane sur l’Europe.

Une Europe de retour sous la monarchie

Toutefois, les espoirs d’émancipation se trouvent étouffés par le Congrès de Vienne en 1815, qui, en redessinant les frontières européennes avec la distribution des terres jadis conquises par Napoléon, replaça au pouvoir les anciennes dynasties qui avaient régné sur l’Europe pendant des siècles, engendrant par la même occasion une répression des aspirations nationalistes et patriotiques nées à la fin de l’Empire.

Néanmoins, le désir de liberté d’un peuple ne saurait être bâillonné indéfiniment. Ainsi, en 1848, l’accumulation de tensions explose, cet embrasement populaire étant en partie attisé par une conjoncture politique et économique difficile.

Le congrès de Vienne, prémisse de la révolte

L’éveil révolutionnaire trouve ses premières flammes en Sicile, s’embrasant le 12 janvier 1848, prenant ses racines dans les échos du congrès de Vienne. Les accords de ce congrès avaient scellé le destin du royaume de Naples et de la Sicile, les soumettant sous l’autorité des Bourbon, tout en négligeant éperdument les aspirations nationales qui avaient éclos avec la chute de l’empire napoléonien. Ferdinand IV de Naples, retrouvant son trône, anéantit la nouvelle constitution.

« O Siciliens ! Les prières, désormais, ont vainement traversé le temps. Les protestations et manifestations paisibles demeurent futiles. Tout a été méprisé par Ferdinand. Et nous, progéniture libre initialement, enchaînée et appauvrie, hésiterons-nous encore à reprendre nos droits légitimes ? Aux armes, fils de la Sicile ! La puissance omniprésente et la vigueur du peuple, l’union des nations précipitent la chute des monarques. Le 12 janvier 1848, à l’aurore, inscrira l’ère glorieuse de la régénération universelle. Palerme ouvrira ses bras aux Siciliens armés venant défendre la cause commune. »

La révolution se met alors en marche, initiée par la diffusion de tracts, sonnets de rébellion

Les insurgés, majoritairement des étudiants, s’approprient l’île tout entière. La noblesse, y voyant une opportunité de rétablir la constitution de 1812, exploite la situation.

Ferdinand II des Deux-Siciles est renversé et la Sicile gagne son indépendance. Néanmoins, cette émancipation est éphémère puisque le 15 mai 1849 voit les Bourbon réprimer avec violence les insurgés.

Des figures de la résistance telles que Ruggero Settino prennent le chemin de l’exil. La séparation de la Sicile et de Naples n’interviendra qu’en 1861 avec l’émergence du Royaume d’Italie.

La révolution de 1848, en France, une énième

Puis, la France se dresse à son tour, le peuple érigeant un front contre le roi Louis-Philippe 1er. Cette insurrection ne trouve pas son origine directe dans le congrès de Vienne, contrairement à la révolution sicilienne, mais découle des crises politique et économique.

Tout s’amorce en 1846 avec une crise économique, affectant autant les structures économiques et sociales que l’essence même du système Guizot.

Lamartine devant l’hôtel de ville de Paris le 25 février 1848 refuse le drapeau rouge – Peinture de Félix Philippoteaux | Domaine public
Lamartine devant l’hôtel de ville de Paris le 25 février 1848 refuse le drapeau rouge – Peinture de Félix Philippoteaux | Domaine public

En effet, une sécheresse entraine de piètres récoltes en 1846, les réserves s’épuisent et les prix des céréales doublent en 1847. La crise alimentaire se propage à l’industrie alors que le pouvoir d’achat rétrécit et les ventes déclinent, entrainant des licenciements et par conséquent, une élévation du chômage. Un effet domino s’installe.

Des scandales de corruption et d’assassinat viennent s’ajouter à ce climat déjà perturbé. « L’image de prospérité et d’ordre de la monarchie de Juillet s’effondre brutalement », l’historien Jules Michelet évoque un « Waterloo moral ». Malgré les agitations prévalentes en France, Guizot prohibe le 14 janvier 1848 un banquet destiné à clore la campagne de l’opposition.

En défi à l’interdiction, l’opposition le reporte au 22 février, et se voit rejointe par les étudiants du Quartier Latin. C’est le 22 février, au matin, qu’une manifestation se déploie contre le gouvernement.

Louis-Philippe, anticipant un débordement, mobilise la Garde Nationale et des barricades s’érigent. Guizot démissionne le 23 Février pour apaiser la colère, en vain : une fusillade éclate le soir même devant le ministère des Affaires Étrangères. Paris se rebelle toute la nuit.

Pour esquiver un massacre, Louis-Philippe abdique et s’exile en Angleterre le 24 février. C’est dans une euphorie populaire que Lamartine déclare : « Le gouvernement actuel de la France est le gouvernement de la République ». La République est officiellement proclamée le 27 février, dans une nation vibrant d’émotions révolutionnaires.

La chute de Louis-Philippe, embrasse l’Europe

Dans le sillage bouillonnant de la révolution française, un autre épicentre de révolte gronde : l’Autriche. La chute de Louis-Philippe déclenche une cascade d’évènements révolutionnaires à travers l’Europe. Le 13 mars, une manifestation estudiantine en Autriche mène à l’effondrement du gouvernement Metternich, un régime qui avait fermement tenu les rênes du pouvoir depuis 27 ans. Suite à une fusillade, le prince Metternich choisit l’exil. Cette insurrection enflamme les révolutions hongroise et milanaise de la même année.

La révolution allemande surgit ensuite, du 18 au 21 mars 1848, en insufflant un esprit de rébellion dans les rues de Berlin, où les barricades se dressent avec détermination. Cette révolte contraint le roi de Prusse, Frédéric Guillaume IV, à concéder une constitution et à adopter un drapeau unifié pour l’Allemagne, arborant les couleurs Rouge, Noir et Or.

Révolution de Mars 1848 à Berlin - Auteur inconnu | Domaine public
Révolution de Mars 1848 à Berlin – Auteur inconnu | Domaine public

Cependant, le Parlement de Francfort, assemblée façonnée au cœur de la révolution, se solde par un échec à la suite du refus, le 3 avril, de la dignité d’Empereur proposée par la députation impériale. La dissolution du Parlement de Francfort et du « parlement croupion » (les députés du Parlement de Francfort demeurés après le déplacement à Stuttgart) scelle définitivement l’échec de la révolution allemande de mars 1848.

Un retour au calme, sans changement majeur !

Malgré une excitation palpable au sein des populations de ces nations, les révolutions de 1848 se révèlent être des échecs.

En France, l’éclat de la République pâlit en 1851-1852 avec l’avènement du Second Empire et l’ascension de Napoléon III ; l’unification du royaume d’Italie n’est accomplie qu’à partir de 1861, et en Allemagne, une forme de Restauration de la Monarchie s’installe post-révolution.

L’impact de ces révolutions, parfois éphémère et n’excédant pas un printemps, justifie leur surnom de « Printemps des Peuples », qui est réutilisé lors de la révolution des « Jeunes-Turcs » au Moyen Orient, puis lors des Printemps arabe vers 2010.

Bien que la révolution en France n’ait pas atteint la même ampleur que celle de 1789, elle témoigne qu’à partir de cette époque, de nouvelles idéologies, telles que le Manifeste du Parti Communiste de Marx et Engels rédigé en février 1848, s’immiscent dans le tissu sociétal. La société est remise en question, avec des citoyens qui se muent non plus en simples observateurs, mais en acteurs véritables de leur histoire, jouant un rôle vital dans le façonnement de leur futur et de leurs nations respectives.

Quelques liens et sources utiles

Jean Garrigues, Philippe Lacombrade, La France au XIXe siècle 1814-1914, Armand Colin, 2023

Sylvie Aprile, La Révolution Inachevée 1815-1870, Folio, 2020

Alain Garrigou, « 1848, le printemps des peuples » , sur Le Monde diplomatique, 1er mai 2011

Heinrich August Winkler (trad. Odile Demange), Histoire de l’Allemagne XIXeXXe siècle – Le long chemin vers l’Occident, Fayard, 2005

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