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Corée du Nord et USA : l’année 2019 analysée

La Corée du Nord a une place particulière sur l'échiquier mondial, surtout en cette année 2019, avec les rapprochements avec les USA.
La Corée du Nord, dans les médias occidentaux, en 2019. Quartier général du Comité Central a Pyongyang - Flickr Mark Fahey | Creative Commons BY 2.0
La Corée du Nord, dans les médias occidentaux, en 2019. Quartier général du Comité Central a Pyongyang – Flickr Mark Fahey | Creative Commons BY 2.0

La Corée du Nord s’est souvent retrouvée isolée sur la scène diplomatique internationale, une situation alimentée par des tensions historiques avec l’Occident.

Cet article retrace une année de dialogue entre les États-Unis et la Corée du Nord, explorant les racines de cet isolement, l’histoire complexe de leurs relations et les divers enjeux de leurs négociations. Quel a été l’impact des sanctions internationales sur le pays ? Existe-t-il un espoir de réconciliation et de désescalade des tensions ? Entamons ensemble cette exploration.

Une année de dialogue entre les États-Unis et la Corée du Nord

Les relations diplomatiques internationales de la Corée du Nord sont limitées, et pour les comprendre, il faut étudier les raisons d’un tel isolement et d’une telle marginalisation médiatique du pays en Occident.

Des tensions historiques avec l’Occident

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS et les États-Unis se partagent la péninsule coréenne au passage du 38° parallèle. Les deux pays instaurent leur régime politique au sein des territoires occupés. L’URSS place Kim Il-sung, un ancien opposant aux Japonais, en tant que chef du gouvernement provisoire, puis comme secrétaire général du Parti du travail de Corée. Au sud, les États-Unis organisent des élections qui conduisent à la proclamation de la République de Corée. Les tensions culminent en 1950, la Corée du Nord soutenue par l’URSS de Staline et la Chine de Mao, attaque le sud pour réunifier la péninsule. L’avancée de la Corée du Nord est rapide et victorieuse, ce qui pousse les Nations Unies à intervenir par l’intermédiaire d’une coalition – menée par les États-Unis – afin de soutenir la Corée du Sud.

La guerre se termine en 1953, par la signature d’un armistice, provoquant la création d’une frontière démilitarisée, ironiquement surmilitarisée et proche des frontières d’avant-guerre. De la fin de la guerre à la chute de l’URSS en 1991, la péninsule coréenne devient le théâtre des affrontements idéologiques des deux blocs, au même titre que la guerre d’Indochine puis du Vietnam. Depuis les années 2000, la Corée du Nord initie une libération de son économie, mais également un renforcement de sa capacité militaire, notamment par la mise en place d’un programme nucléaire. En conséquence de son premier essai nucléaire le 9 octobre 2006, la communauté internationale augmente les sanctions à son encontre, continuant de ce fait de marginaliser le pays.

Une diplomatie à l’ancienne en Corée du Nord

Malgré tout le pays continue de maintenir une entente cordiale avec ses anciens alliés communistes. En revanche, la haine bilatérale entretenue avec les États-Unis et le Japon provoque, en Occident, les gros titres à la moindre action du régime sur le plan international et nucléaire.

À partir de 2016, le régime augmente ses essais atomiques et balistiques en mer du Japon, provoquant une surenchère de manœuvres militaires américaines, sud-coréennes et japonaises. En parallèle, s’organise un sommet historique à Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-un. Les deux chefs d’État se rencontrent le 12 juin 2018. L’événement est historique, médiatique et politique. L’objectif est de parvenir à un accord de dénucléarisation complet, à l’établissement de nouvelles relations afin de mettre un terme aux sanctions internationales qui touchent la Corée du Nord, de créer un régime stable et enfin identifier et rapatrier les prisonniers et les disparus de guerre.

L’année 2018 permet également un rapprochement entre les deux Corées, notamment grâce aux Jeux Olympiques et Paralympiques de P’yŏngch’ang. Les deux chefs d’États coréens se rencontrent à de multiples reprises, pour mettre en place des politiques de rapprochement. 

L’année 2018 se termine sous le signe de la réconciliation et de la désescalade des tensions dans la péninsule coréenne. Malgré tout, des affaires viennent entacher les relations, pouvant perturber les négociations en cours. En effet, le tribunal de Washington livrait sa conclusion sur l’affaire de l’étudiant incarcéré 18 mois en Corée du Nord, Otto Warmbier, mort lors de son rapatriement aux États-Unis le 19 juin 2017.

Le téléphone rouge entre Pyongyang et Washington.

Le mois de janvier 2019 est bercé par l’espoir d’un nouveau sommet entre les deux chefs d’État permettant l’apaisement des tensions et la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Le discours de Nouvel An réalisé par Kim Jong-un plaçait l’année sous de bonnes hospices. En effet, il annonçait à la population que le pays allait arrêter vraisemblablement de produire ou de tester des armes nucléaires.

Pour autant, les six derniers mois n’ont pas permis de montrer de véritables changements diplomatiques entre les deux nations. La Corée du Nord affirmant qu’elle pourrait faire machine arrière à tout moment, si les États-Unis ne prenaient pas de dispositions positives pour le peuple nord-coréen. Un point cristallise, en effet, les négociations. Les États-Unis ne lèveront les sanctions qu’à la dénucléarisation « complète, irréversible et vérifiable[1] » de la Corée du Nord. Le régime de Pyongyang considère cette motion inacceptable, et souhaite des concessions américaines.

Les 17 et 18 janvier 2019, le général Kim Yong-chol se rend à plusieurs reprises à Washington et à la Maison-Blanche pour organiser un second sommet entre les deux chefs d’État, vers la fin février. En parallèle, la Chine réaffirme ses relations en Corée du Nord, avec un sommet entre Xi Jinping et Kim Jong-un le 8 janvier. Le leader chinois faisant un parallèle avec 1979, l’année des grandes réformes économiques chinoises, qu’il souhaite pour 2019, à son homologue nord-coréen.

Pour célébrer les 70 ans de coopération et diplomatie entre la Chine et la Corée du Nord, une rencontre est programmée à Pyongyang. Le 6 février, un émissaire est envoyé par les États-Unis en Corée du Nord pour organiser le prochain sommet. Donald Trump annonce sur Twitter peu de temps après que le sommet se déroulera à Hanoï, capitale du Vietnam les 27 et 28 février. Les sujets que souhaite évoquer Washington sont nombreux ; dénucléarisation, droit de l’homme (dont les « brigades de jeunes »), sanctions internationales etc. L’enthousiasme américain est au rendez-vous. En effet, le président américain annonçait sur Twitter : « North Korea will become a different kind of Rocket – an Economic one ! » (« La Corée du Nord va devenir un autre type de fusée – une fusée économique ! »).

Un sommet entre la Corée du Nord et les États-Unis à Hanoï, tout un symbole

L’actualité autour du sommet est touchée par un fait surprenant et comique, deux hommes – sosies de Donald Trump et Kim Jong-un – s’amusent à quelques jours du sommet à parader l’un et l’autre dans Hanoï.

Howard X et Dennis Alan, imitateurs de Kim Jong-un et Donald Trump lors du sommet Corée du Nord-États-Unis de 2018 à Singapour - Basile Morin | Creative Commons BY-SA 4.0
Howard X et Dennis Alan, imitateurs de Kim Jong-un et Donald Trump lors du sommet Corée du Nord-États-Unis de 2018 à Singapour – Basile Morin | Creative Commons BY-SA 4.0

L’objectif est de faire passer un message de paix et de coopération. Ces espoirs sont effectivement mis à mal, le sommet est abruptement interrompu, les deux chefs d’État n’arrivant pas à trouver un terrain d’entente sur le nucléaire, les sanctions internationales étant la source du désarroi du Kim Jong-un.

Malgré les mesures de dénucléarisation mises en marche par le régime, les sanctions sont toujours en cours. Les relations entre les États-Unis et la Corée du Nord se dégradent à la suite du sommet, mais également à cause de l’attaque orchestrée contre l’ambassade nord-coréenne à Madrid, quelques jours avant le sommet. En mars, plusieurs sites nucléaires sensibles de Corée du Nord sont en cours de rénovation selon les informations sud-coréennes. Kim Jong-un affirmant ne pas vouloir brader sa diplomatie et souhaitant très fortement des concessions américaines vis-à-vis des sanctions économiques, en proportion des efforts effectués par le régime. Malgré cette situation complexe, la diplomatie américaine souhaite parvenir à un troisième sommet et à un accord écrit avec la Corée du Nord. Kim Jong-un s’exprime avec velléité vis-à-vis des sanctions internationales qu’il considère comme « une action contre l’humanité visant à détruire la civilisation moderne et renvoyer la société à un âge des ténèbres moyenâgeux[2] ».

Kim Jong-un à la recherche d’alliés

Afin d’apporter du crédit à son combat, le chef du régime nord-coréen cherche à galvaniser ses alliés Chinois et Russes. À l’instar des rapprochements avec la Chine, Kim Jong-un est invité par son homologue russe, Vladimir Poutine en avril.

En effet, la Russie est un allié de la Corée du Nord, elle milite pour la fin des sanctions internationales à son encontre, mais l’aide également du point de vue alimentaire. Les deux pays sont également liés historiquement. En effet, pendant la Guerre froide, ils étaient alliés et le régime soviétique est l’instigateur de la montée des Kim en Corée du Nord. Les relations se détériorent encore davantage entre les États-Unis et la Corée du Nord. En effet, un cargo nord-coréen est arrêté par la justice américaine, sous l’accusation d’un non-respect des sanctions économiques internationales. Le pays exportait du charbon et importait des machines.

Au lendemain de cette arrestation, le régime nord-coréen fait plusieurs essais de frappe à longue portée. La dégradation des relations entre Washington et Pyongyang provoque un alignement des acteurs dans la région, puisqu’en effet, la Chine et la Russie se rangent derrière la Corée du Nord, alors que le Japon et la Corée du Sud derrière les États-Unis. Le mois de juin permet de mettre un cran d’arrêt aux tensions dans la péninsule coréenne, le président américain Donald Trump donnant rendez-vous à son homologue nord-coréen via Twitter, lors d’un passage rapide en Corée du Sud. Le dimanche 30 juin à 16h45, Donald Trump, Moon Jae-in – président de la Corée du Sud – et Kim Jong-un se donnaient rendez-vous dans la zone démilitarisée à Panmumjom. De là des invitations réciproques se sont fait entendre, mais aucune décision n’a été prise.

Des tensions militaro-nucléaires aux frontières de l’Asie

Malgré une rencontre au sommet, les tensions sont toujours palpables dans la péninsule coréenne, surtout après de nouveaux tirs effectués en juillet. Kim Jong-un exhortait la Corée du Sud et les États-Unis d’annuler leurs exercices militaires conjoints – 19-2 Dong Maeng – d’août, au risque même de renoncer totalement aux négociations en cours et de relancer son programme nucléaire.

Les États-Unis et la Corée du Sud avaient en 2018 déjà limité leurs exercices militaires communs, mais avaient maintenu certaines de leurs missions. La menace d’un sous-marin nord-coréen fait également son apparition dans les négociations. Le leader nord-coréen et de nombreuses personnalités du Parti se sont rencontrés dans le chantier naval de Sinpo où des rumeurs d’un tel engin circulent.

Pourtant, Donald Trump reste ouvert à la négociation et ne semble pas prêter d’importance à ces événements, ne considérant pas le risque potentiel de tel engin. Le mois d’août est marqué par de nouveaux tirs de projectiles de la part de la Corée du Nord, et la fin des négociations. En effet, le régime de Pyongyang considère les activités militaires de la Corée du Sud et des États-Unis, comme une répétition de l’invasion probable du pays. Stephen Biegun a été renvoyé par les États-Unis dans la péninsule coréenne, dans l’attente d’un rendez-vous avec les membres du régime nord-coréen. Rendez-vous refusé par le porte-parole du ministère des affaires étrangères nord-coréen, qui ajouta : « Nous maintenons notre position consistant à résoudre toutes les questions de manière pacifique par le dialogue et la négociation. Cependant, le dialogue doublé de menaces militaires ne nous intéresse pas ». Donald Trump annonçait à la fin du mois, que malgré un climat hostile, le leader nord-coréen était toujours ouvert aux négociations, à la fin des exercices conjoints.

Une recrudescence des tirs par la Corée du Nord

Malgré de nouveaux tirs de missiles début septembre, le régime de Pyongyang souhaite un retour au calme et à la négociation avec les États-Unis. En effet, la vice-ministre des affaires étrangères nord-coréenne affirmait dans un communiqué : « Nous voulons nous retrouver en face à face avec les États-Unis à la fin de septembre, à une date et en un lieu dont nous pouvons convenir. ».

Cette réunion serait une occasion pour la Corée du Nord de militer pour ses intérêts auprès des États-Unis, en parallèle de l’Assemblée générale annuelle des Nations unies, qui se déroule à New York. L’administration américaine apporte son soutien au projet, sans pour autant promettre d’accepter la demande. Une fois de plus Donald Trump se montre conciliant avec la Corée du Nord, en ne condamnant pas les tirs effectués depuis les derniers mois. Une discussion sur le nucléaire est organisée à Stockholm le samedi 5 octobre entre Pyongyang et Washington.

C’est un tir nord-coréen qui introduit cette discussion, puisque le mercredi 2 octobre, le régime réalisait un tir depuis la mer, probablement en provenance d’un sous-marin. Ce tir permet à la Corée du Nord de montrer ses capacités militaires et nucléaires, tout en montrant sa résilience face aux États-Unis.

La conclusion de cette réunion est mitigée. En effet, pour les Nord-coréens c’est un échec, exclusivement dû aux États-Unis, tandis que pour ces derniers, c’est un premier pas vers un retour aux négociations. Le jeudi 28 novembre, la Corée du Nord effectue un énième tir de missile, signe des échecs des différents sommets et réunions réalisés entre les deux entités. Pyongyang a annoncé avoir accordé à Washington jusqu’à la fin 2019, pour trouver une nouvelle offre, plus acceptable.

Le mois de décembre assombrit véritablement les relations entre les deux pays. Lors d’un rassemblement des hauts dignitaires du Parti unique nord-coréen, Kim Jong-un a annoncé un « cadeau de Noël » (référence à un tir de missile ?) pour les États-Unis tout en critiquant la lenteur de l’administration, qui n’a toujours pas changé sa ligne de conduite vis-à-vis des négociations sur le nucléaire. Le ton utilisé par Kim Jong-un rappelle celui de 2017. De plus, les attaques ne visent plus les États-Unis spécifiquement, mais le locataire de la maison blanche. Pour autant, Donald Trump limite les critiques et cherche plutôt à tempérer la situation. Tout en restant énigmatique, la Corée du Nord a annoncé un test stratégique sur un site de lancement de satellites (normalement fermé). Le leader nord-coréen a également profité de la fin d’année pour inaugurer la ville de Samjiyon. Elle est en effet le symbole de la ville socialiste idéale.

Un traitement journalistique atypique

Les journaux occidentaux puisent leur information par l’intermédiaire de différentes sources en Corée du Nord. Le premier interlocuteur est l’Agence France Presse (AFP), qui possède des bureaux à Pyongyang – au même titre que Associated Press pour le monde anglophone – et périodiquement trois journalistes en Corée du Nord.

Un sujet de travail délicat pour les journalistes

L’agence récolte de l’information et produit des reportages en tous genres. En effet, sur leur chaine YouTube, il est possible de trouver des reportages sur une station de ski nord-coréenne, ou bien sur la floraison des arbres au printemps. Les reportages qu’ils diffusent peuvent rappeler ceux que nous proposent les journaux télévisés français. Cette source privilégie la neutralité dans son approche journalistique, mais malheureusement ses sujets sont limités par le régime qui contrôle strictement les journalistes étrangers.

Le second interlocuteur est l’agence centrale de presse nord-coréenne (Korean Central News Agency[3] – KCNA), qui est sous la direction du régime. L’agence régule aussi bien l’information pour la population nord-coréenne que l’information pour le public international. En effet, elle est la seule source d’information officielle du pays et du régime. Ce contrôle de l’information provoque l’émergence de vendeur d’informations. Des individus se rendent à la frontière nord-coréenne de façon quotidienne pour vendre des rumeurs et de fausses informations aux journalistes étrangers.

En 2014 et 2015, les médias ont rédigé des articles traitant de l’exécution d’une ancienne compagne de Kim Jong-un et de l’exécution sordide de l’oncle du leader. Ces informations ont été a posteriori démenties grâce au travail des services de renseignements sud-coréens et par d’autres journalistes. Cette situation est particulière, en effet, les journalistes ne travaillent normalement pas avec une seule source d’information. Il est normalement nécessaire de recouper les informations, afin de l’approuver pour éviter de colporter des Fake News. En 2019, le groupe Reporters Sans Frontières livrait son classement mondial de la liberté de la presse[4], la Corée du Nord arrivait avant-dernière.

Une information en continu en France sur les sujets liés à la Corée du Nord

La presse nationale française a partagé l’actualité nord-coréenne durant l’ensemble de l’année 2019. En effet, tous les journaux que nous avons pu consulter sur Europresse – pour un total de 105[5] articles – ont traité de l’évolution des négociations entre Washington et Pyongyang, des deux rencontres de Donald Trump et Kim Jong-un et de la reprise des tirs de projectiles par la Corée du Nord.

La spécificité des journaux permet un traitement différencié du sujet et l’ajout de nouvelles thématiques. En effet, le pays ne s’est pas limité à négocier avec les États-Unis et à tirer des projectiles en 2019, chose faussement appuyée par la majorité des articles de presse. Pour appuyer ce propos nous allons utiliser plusieurs quotidiens français dont, L’Humanité, Libération, Le Monde, Le Figaro et La Croix (95 articles). Les cinq journaux sont parmi les plus lus quotidiennement en France, ils permettent donc d’avoir une vision globale. Grâce au graphique suivant nous pouvons nous rendre compte de la fréquence de publication des articles sur la Corée du Nord. Le Monde est celui qui a partagé le plus d’articles avec un total de 42, alors que l’Humanité n’en a publié que 7 articles, pour ne citer que les extrêmes. La couverture médiatique a été inégale entre les journaux, mais également sur l’ensemble de l’année. Le début d’année était davantage sujet aux actualités concernant Pyongyang, pour les raisons évoquées précédemment. Les thématiques abordées sont également différentes.

Notre catégorisation des articles français sur la Corée du Nord

Tableau présentant les articles contenants : "Corée du Nord" dans le titre, via la base de données Europresse - Augustin Remond | Domaine public
Tableau présentant les articles contenants : « Corée du Nord » dans le titre, via la base de données Europresse – Augustin Remond | Domaine public

Nous avons classé les articles selon sept catégories :

1 – Diplomatie : les articles concernant les relations entre Pyongyang et le reste du monde.

2 – Social : les articles traitant de la vie en Corée du Nord.

3 – Économie : les articles traitant principalement d’économie.

4 – Humanitaire : les articles traitant de problèmes alimentaires, environnementaux, etc.

5 – Projectile : les articles traitant des tirs du régime.

6 – Politique : les articles traitant du fonctionnement du régime.

7 – Divers : les articles ne rentrant pas dans les catégories précédentes.

L’objectif de cette classification est de connaître les sujets principaux de la presse. Sans trop de surprise, la diplomatie arrive en première place. En effet, 48 articles traitent de ce sujet, dont 24 en provenance du journal Le Monde. C’est également la thématique principale de tous les journaux que nous utilisons pour notre étude.

Si nous retirons également la catégorie « projectile », qui regroupe tous les articles traitant des tirs du régime sur l’année 2019, nous avons déjà soustrait 73% de l’information en lien avec la Corée du Nord. Malgré les différences sur la famille politique d’appartenance des journaux, l’actualité générale semble être la même. En effet, Le Figaro et La Croix sont des journaux davantage basés à droite – le journal La Croix ayant un lien important avec les chrétiens catholiques –, alors que Le Monde, L’Humanité et Libération sont des journaux basés à gauche.

Il faut étudier le journal La Croix pour trouver une spécialisation de l’information. Le journal a réalisé trois articles – sur les six – traitant de la catégorie « humanitaire ». Le journal met en avant la crise alimentaire que traverse le pays, notamment à cause des sanctions commerciales, de la sécheresse et de la vétusté du système agricole. Le Figaro, Le Monde et La Croix sont les seuls à évoquer ce sujet. L’Humanité, Le Monde, Libération et Le Figaro évoquent deux nouvelles thématiques « social[6] » et « politique » qui permettent d’en apprendre davantage sur le fonctionnement politique du pays. Plusieurs articles mettent aussi des transfuges en avant, via leur témoignage.

L’ensemble des journaux de notre liste traite de la catégorie « économie », avec des articles dévoilant le salaire moyen nord-coréen ou encore les atouts économiques du pays. En finalité, l’intégralité des articles qui sont publiés par les journaux se retrouve par la suite sur tous les sites web des journaux concurrents. En effet, sur Europresse le journal Libération n’a pas publié d’articles – dans sa version papier – traitant de la crise humanitaire en Corée du Nord, alors que sur son site web, nous avons retrouvé plusieurs articles mentionnant cette crise.

Pour l’ensemble des articles que nous avons étudié, seulement six se sont retrouvés à la une, cinq dans le journal Le Figaro et un dans le journal Le Monde. Après la lecture d’un échantillon d’articles sur le même thème et de plusieurs journaux, nous pouvons résumer la vision des journalistes de la sorte : le sommet d’Hanoï est un échec, il n’y a plus de négociation par la suite. Donald Trump se montre très complaisant avec Kim Jong-un vis-à-vis des tirs de projectiles et décembre 2019 marque une véritable fracture dans la politique d’apaisement menée depuis 2018.

Tableau représentant les thématiques en fonction des journaux, via la base de données Europresse -  Augustin Remond | Domaine public
Tableau représentant les thématiques en fonction des journaux, via la base de données Europresse – Augustin Remond | Domaine public

Propagande et contre propagande

Des sujets réduits, focalisés sur les velléités nord-coréennes

Le choix limité des thématiques dans les médias peut s’expliquer par la difficulté d’obtenir de l’information, mais également par le jeu de propagande et contre propagande qui s’opère entre le monde occidental et la Corée du Nord.

En effet, l’année 2019 est marquée par de nombreux tournants diplomatiques à imputer à Washington ou à Pyongyang en fonction des sources. Nous avons relevé quelques exemples qui montrent que l’actualité est irrémédiablement touchée et impactée par la propagande d’État. Dans un article du journal Le Monde du 1er mars 2019 intitulé « L’échec du sommet États-Unis – Corée du Nord : un mal pour un bien », un passage de l’article stipule deux versions pour l’entretien d’Hanoï. La version américaine indique que Kim Jong-un souhaitait « la levée de toutes les sanctions en échange d’un engagement à démanteler l’installation nucléaire de Yongbyon »[7] et une version nord-coréenne légèrement différente, qui stipule : « que seule une levée partielle des sanctions a été demandée[8] ».

Cette vision différenciée dans la négociation au sommet d’Hanoï n’est pas unique. Le journal Libération revenait sur la propagande nord-coréenne vis-à-vis du nucléaire, en effet : « ces sommets n’ont lieu que parce que la Corée du Nord détient justement l’arme nucléaire. […] L’équation est en tout cas présentée comme telle dans la propagande officielle, et les Nord-Coréens ne sont probablement pas prêts à abandonner ce qui leur permet d’être pris au sérieux[9] ». Sur le plan diplomatique la réunion entre les représentants des États-Unis et de la Corée du Nord à Stockholm le 5 octobre 2019 marque une fois de plus la vision différente de la propagande d’État des deux pays. La Corée du Nord considère que l’échec est imputable seulement aux États-Unis et que les négociations ont été insatisfaisantes. Au contraire, pour les États-Unis, les négociations ont été bonnes et les propositions novatrices et bénéfiques pour les relations futures entre les deux pays.

Propagande militaire occidentale

La propagande culmine en août, lorsque la Corée du Sud et les États-Unis réalisent des exercices militaires communs (19-2 Dong Maeng). En effet, le régime affirme devoir se défendre contre les États-Unis et ses alliés, qui cherchent par l’intermédiaire de ces rassemblements militaires hostiles à envahir la Corée du Nord.

Le pays se place comme une victime des agissements américains dans la région. En parallèle Donald Trump s’exprimait sur Twitter pour minimiser les propos nord-coréens. Dans un tweet du 10 août 2019, il affirmait recevoir des lettres de Kim Jong-un s’excusant d’effectuer des tirs : « In a letter to me sent by Kim Jong Un, he stated, very nicely, that he would like to meet and start negotiations as soon as the joint U.S./South Korea joint exercise are over. It was a long letter, much of it complaining about the ridiculous and expensive exercises. It was also a small apology for testing the short-range missiles, and that this testing would stop when the exercises end. I look forward to seeing Kim Jong Un in the not too distant future! A nuclear free North Korea will lead to one of the most successful countries in the world![10] ».

Cette vision américaine permet de discréditer la véritable velléité nord-coréenne et permet d’assoir la domination américaine sur les négociations en cours entre les deux chefs d’État. Les exemples sont nombreux pour continuer d’illustrer cette bataille de la propagande entre Washington et Pyongyang. La capacité et le résultat que produit la propagande nord-coréenne sur le peuple nord-coréen est impossible à mesurer, de plus aucune information en provenance de l’extérieur n’entre dans le pays. La propagande américaine se limite donc à la communauté internationale. En effet, Donald Trump veut se placer comme le garant de la paix en péninsule coréenne, alors qu’il est grandement responsable du climat hostile et de la recrudescence des tirs de projectiles.

Critique d’un article de presse sur la Corée du Nord en 2019

Dans cette partie nous allons nous intéresser à un article du journal L’Humanité, très peu représenté dans nos études précédentes. Nous utiliserons l’article de Lina Sankari intitulé « Le processus de paix hypothéqué par un nouveau tir de missiles » datant du mercredi 7 août 2019 et publié en page quatorze.

Approche journalistique de l’auteur

L’auteur s’intéresse dans son article à la surenchère de tirs de projectiles de la part de Pyongyang en ce début d’août, en réponse aux exercices militaires conjoints des États-Unis et de la Corée du Sud. Les provocations nord-coréennes poussent les États-Unis à renforcer leur présence militaire dans la région, mais cette situation fait également réagir la Chine.

En effet, elle ne souhaite pas une augmentation de la présence américaine dans cette région du monde. L’auteur en vient à s’interroger sur la stratégie appliquée par Washington sur le dossier nord-coréen. Lina Sankari critique l’inexistence de plan commun entre la Corée du Nord et les États-Unis, qui pourrait permettre une dénucléarisation de la péninsule et une levée des sanctions économiques de surcroît. L’article fait référence à de nombreux acteurs, avec notamment Antoine Bondaz le « chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique », l’état-major interarmées (JCS) sud-coréen, Mark Esper le chef du Pentagone, le « directeur général du département du contrôle des armements du ministère des Affaires étrangères, Fu Cong », mais également un « un porte-parole du ministère nord-coréen des Affaires étrangères ».

Cette utilisation de citations en provenance de plusieurs structures et acteurs permet d’intégrer la composante internationale au problème et l’effet boule de neige des décisions américaines ou nord-coréennes. En effet, par cet article nous pouvons saisir une partie des tensions diplomatiques en Asie. La présence américaine ne déplaît pas seulement à la Corée du Nord, mais aussi à la Chine. Il y a véritablement un travail de pédagogie de la part de l’auteur, qui souhaite expliquer les tenants et aboutissants de ces événements. L’auteur permet également de comprendre les raisons des tirs du régime de Pyongyang. En effet, Kim Jong-un « perçoit à juste titre les manœuvres militaires américano-coréennes à ses portes comme une menace », mais les actions du leader nord-coréen ne sont pas légales. Nous apprenons par la suite qu’elles sont condamnées par l’ONU. Les actions qui sont menées semblent entériner les négociations entre Pyongyang et Washington.

Honnêteté journalistique de l’Humanité

À la différence d’autres journaux que nous avons pu lire, L’Humanité ne cherche pas à apporter du crédit aux versions officielles. Le Monde met par exemple en perspective les versions officielles d’un même événement, jouant alors le jeu de la propagande. L’Humanité semble également prendre davantage parti pour la Corée du Nord que pour les États-Unis, contrairement une fois de plus au journal Le Monde, qui écrivait les propos suivants : « de son ascendant sur l’héritier d’une lignée de tyrans pour lequel il a manifesté, encore jeudi, une regrettable indulgence[11] ».

Le journal s’exprimait ouvertement sur la malfaisance du régime et, par la suite dans l’article, sur la réussite de Donald Trump dans les négociations. La grande différence dans l’article de L’Humanité apparaît ici, les responsabilités de la situation ne sont pas créditées aux mêmes acteurs. En effet, la problématique qui conclut l’article de L’Humanité, laisse plutôt à penser que la Corée du Nord est poussée à créer un arsenal nucléaire pour préserver la paix dans la péninsule coréenne. Les Américains deviennent les agresseurs et les responsables du piétinement des négociations qui étaient en cours depuis 2018. L’Humanité semble considérer que les différentes rencontres n’avaient que pour objectif de faire « serrer des mains », « faire des photographies » et créer des événements symboliques. Ainsi, le fond permet d’apporter des connaissances pour le lecteur, mais les ajouts idéologiques du journal peuvent déformer l’information. C’est une critique valable pour la majorité des journaux et articles que nous avons pu être amenés à lire.

[1] Ce sont les mots employés par l’administration américaine, lors du premier sommet organisé entre les deux chefs d’État.

[2] Les mots de Kim Jong-un lors du congrès du Parti des travailleurs à Pyongyang, le 10 avril 2019.

[3] Le site internet est la source principale d’informations : http://www.kcna.kp/

[4] Le classement comporte 180 pays, il est réalisé tous les ans depuis 2002 : https://rsf.org/fr/donnees-classement

[5] Nous avons réalisé nos recherches dans la presse généraliste nationale française sur la période : 01/01/2019 – 31/12/2019 avec comme nécessité d’avoir le terme « Corée du Nord » dans le titre.

[6] OJARDIAS Frédéric, (2019, 3 septembre.). « Cartographier les exécutions publiques en Corée du Nord dans l’espoir d’un procès ». La Croix (Paris), p. 10. C’est un exemple d’articles que nous avons intégrés à la catégorie « social ».

[7] Rodier, A. (2019, 1er mars). « L’échec du sommet États-Unis – Corée du Nord : un mal pour un bien ». Le Monde.fr. Consulté à l’adresse https://www.lemonde.fr/

[8] Rodier, A. (2019, 1er mars). « L’échec du sommet États-Unis – Corée du Nord : un mal pour un bien ». Le Monde.fr. Consulté à l’adresse https://www.lemonde.fr/

[9] Hanne, I. (2019, février 26). Entre Corée du Nord et États-Unis, la diplomatie de la bromance. Libération.fr. Consulté à l’adresse https://www.liberation.fr

[10] « Dans une lettre que Kim Jong Un m’a envoyée, il a déclaré, très poliment, qu’il aimerait se rencontrer et entamer des négociations dès la fin de l’exercice conjoint États-Unis / Corée du Sud. C’était une longue lettre, se plaignant en grande partie des exercices ridicules et coûteux. C’était aussi de courtes excuses pour avoir testé les missiles à courte portée, et que ces tests s’arrêteraient à la fin des exercices. J’ai hâte de voir Kim Jong Un dans un avenir proche ! Une Corée du Nord dénucléarisée mènera à l’un des pays les plus prospères au monde ! » Tweet disponible à cette adresse suivante : https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1160158591518674945

[11] Rodier, A. (2019, 1er mars). « L’échec du sommet États-Unis – Corée du Nord : un mal pour un bien ». Le Monde.fr. Consulté à l’adresse https://www.lemonde.fr/

Quelques liens et sources utiles

Ouvrages

Dayez-Burgeon, P. (2016). La dynastie rouge : Corée du Nord 1945-2015. Paris: Éditions Perrin.

Articles

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