Au cours de l’histoire, plusieurs régicides ont marqué leur époque. Jacques Clément qui a assassiné Henri III en 1589, François de Ravaillac, l’assassin du roi Henri IV. Tous ont fait trembler la monarchie. Cependant un châtiment particulier leur était réservé. Nous allons nous pencher ici sur Robert-François Damiens, dernier régicide de France.
La journée du 5 janvier 1757
En cette journée, un froid intense s’abat sur le royaume. Louis XV, replié au Trianon, rend visite à sa fille restée au château en raison d’un rhume important.
En fin d’après-midi, après avoir quitté son chevet escorté de sa cour, il rejoint son carrosse.
Un homme, que personne n’aperçoit, surgit des sombres buissons et assène un coup de couteau au niveau du flanc droit du souverain.
Il est directement maitrisé et emmené dans la salle des gardes du roi pour y être interrogé. On le torture pour avoir des réponses.
Par chance, la blessure n’est que superficielle en raison de l’épaisseur des couches de vêtements présents sur le monarque. Mais qui peut bien en vouloir à ce point à Louis le « bien-aimé » ?
La monarchie française, un pouvoir qui s’affaiblit
En ce milieu du XVIIIème siècle, l’affaiblissement du pouvoir royal provient de causes multiples. Premièrement, Louis XV n’a pas le même caractère ni la même force politique que Louis XIV. Ses tentatives de réformes se heurtent souvent à l’opposition des parlementaires ainsi qu’à celle des ordres privilégiés.
En effet les parlementaires ont récupéré le droit de remontrance qui les autorise à contester les lois émises par le roi avant qu’elles ne soient enregistrées. Ce droit avait été totalement muselé par Louis XIV et redonné par Philippe d’Orléans, le régent, durant la minorité de Louis XV.
Deuxièmement, le pouvoir réclame de plus en plus de moyens pour faire la guerre, chose qui alourdit le poids de la dette qui devient difficile de supporter.
Aussi, il faut noter que la pensée populaire s’éloigne de la monarchie. En effet le peuple est éclairé par les pensées des Lumières qui se diffusent par les livres, les salons et les journaux. La population est de plus en plus instruite et remet en cause la société établie. Le mécontentement devient général.
Le profil de l’assaillant se dessine
Il se nomme Robert-François Damiens, marié, 42 ans. Durant sa jeunesse, il est domestique auprès de militaires, de magistrats et de conseillers parlementaires. Ce même Parlement qui rejette l’absolutisme royal. Cette défiance envers le pouvoir a peut-être gagné l’esprit de Damiens.
Au fil des interrogatoires les enquêteurs mettent au jour une personnalité débauchée et influençable.
Damiens naît le 9 janvier 1715 dans un petit village près d’Arras dans le Pas-de-Calais.
L’Artois, à cette époque, est ravagé par une épidémie de peste. En 1729, il perd sa mère décédée en couches.
Il se retrouve à Béthune chez un oncle maternel.
Plus tard, en 1739, il se marie à une femme elle aussi domestique. De cette union naissent deux enfants dont un meurt en bas âge.
Le grand procès de Robert-François Damiens
Le procès se tient du 12 février au 26 mars 1757 dans la grand-chambre du Parlement de Paris, plus grande juridiction du royaume.
Durant l’instruction, Damiens est enfermé à la Conciergerie, au même endroit que Ravaillac plus d’un siècle plus tôt.
Louis Sébastien Mercier, écrivain des Lumières, décrit dans son ouvrage Tableau de Paris :
Le lever, le coucher, le mettre sur son séant, était une affaire capitale. Ce parricide s’amusait des soins multipliés dont il était devenu l’objet ; il voyait autour de son lit une foule de personnages distingués, qui le traitaient avec une sorte de circonspection ; & ayant osé porter la main sur un monarque, il était traité comme un monarque enchaîné
L’accusé explique avoir voulu « toucher le roi » pour l’alerter sur la misère populaire. Pensant alléger sa peine, il souligne avoir utilisé la petite lame du canif et non la grande pour poignarder le roi. Cependant cela ne convainc pas l’auditoire.
La cour le condamne au châtiment réservé aux auteurs de crimes de lèse-majesté, l’acte le plus grave dans l’échelle pénale de l’Ancien Régime : l’écartèlement.
Le supplice de l’écartèlement
Deux jours après, Damiens est conduit en place de Grève après avoir subi le supplice de la question. Une foule immense est venue assister à ce macabre spectacle :
Tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras de jambes, sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis ledit parricide brûlée de feu de soufre et sur les endroits où il sera tenaillé jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix-résine brûlante, de la cire et du soufre fondus ensemble, et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux et ses membres et corps consumés au feu réduits en cendres et ses cendres jetées au vent.
Les conséquences du crime
Robert-François Damiens a fait vaciller le pourvoir. Il s’est rendu coupable du crime le plus grave de l’Ancien Régime et en a payé les conséquences. Cependant il est aussi le signe révélateur d’une société monarchique à bout de souffle qui risque d’exploser définitivement lors de la Révolution française.
Après le supplice, sa famille est condamnée au bannissement sous peine de mort en cas de retour en France.
Quelques liens et sources utiles
B. THELLIEZ, L’homme qui poignarda Louis XV : Robert-François Damiens (1715-1757), Tallandier, 2002.
« Naissance du régicide Robert-François Damien », Archives du Pas-de-Calais, consultation 2023
M. SIGAUT, Mourir à l’ombre des Lumières, l’énigme Damiens, roman historique, éditions Jacqueline Chambon, mars 2010.
J-C PETITFILS, Louis XV, éditions Perrin, 2018.