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La Guerre de la Conquête : Deux visions pour l’Amérique du Nord

Les enjeux de la Guerre de la Conquête, un conflit ayant marqué la Nouvelle-France et redéfinis les rapports de force en Amérique du Nord.
L'armée de Braddock attaquée par les Indiens et les Français en juillet 1755. Gravure française de la fin du XIXème siècle - BNF | Domaine Public
L’armée de Braddock attaquée par les Indiens et les Français en juillet 1755. Gravure française de la fin du XIXème siècle – BNF | Domaine Public

La Guerre de la Conquête (1754-1760) fut l’un des épisodes les plus décisifs pour l’Amérique du Nord, marquant la fin de l’influence française sur ce continent et la montée en puissance de la Grande-Bretagne.

Ce conflit, s’inscrivant dans le cadre de la Guerre de Sept Ans (1756-1763), illustra les ambitions de deux empires qui furent en compétition pour le contrôle des territoires et des riches ressources présentes dans la Vallée de l’Ohio. Bien que la France et la Grande-Bretagne aient partagé des siècles de rivalité, cette guerre révéla leurs différences stratégiques et politiques.

Les origines de la Guerre de la Conquête et les premiers affrontements

La vallée de l’Ohio fut au cœur des tensions entre les Français et les Britanniques, qui possédaient deux stratégies opposées, créant des tensions qui rentreront dans une guerre ouverte : nommée la Guerre de la Conquête.

La Vallée de l’Ohio

Pour la France, cette région formait un lien vital entre le Québec et la Louisiane, garantissant une continuité territoriale indispensable pour sécuriser Montréal et étendre ses échanges commerciaux. Ainsi la France établit une série de forts, intégrant l’Ohio dans sa stratégie de défense en Amérique du Nord.

De l’autre côté, la Grande-Bretagne, qui était en pleine expansion coloniale, percevait cette région comme une extension naturelle de ses colonies, c’est pourquoi en 1747, la création de la Compagnie de l’Ohio, soutenue par des investisseurs influents dont George Washington, refléta l’ambition britannique de coloniser ces terres fertiles, malgré la présence française et amérindienne.

La mort de Jumonville, vue par un illustrateur du XIXe siècle - Dans Aleandre Dumas : La Régence et Louis Quinze | Domaine public
La mort de Jumonville, vue par un illustrateur du XIXe siècle – Dans Aleandre Dumas : La Régence et Louis Quinze | Domaine public

Le point de rupture intervint en 1753, lorsque Washington, alors émissaire pour la Virginie, exigea des Français qu’ils quittent la région. Face au refus français, les Britanniques intensifièrent leur présence, et des affrontements armés éclatèrent, ce qui jeta les bases d’un conflit ouvert.

En effet l’assassinat de l’officier Jumonville en 1754 par les forces de Washington marquait un point de non retour. L’enjeu de l’Ohio ne résidait pas seulement dans la terre, mais aussi dans les liens commerciaux avec les Amérindiens, dont les alliances jouent un rôle décisif.

Deux approches contrastées

Derrière ce conflit se dessinaient des visions politiques et stratégiques qui étaient complètement différentes. La France adopta une approche militaire défensive pour préserver ses possessions, en comptant sur des forts et des alliances solides avec les Amérindiens, ces derniers rentrèrent véritablement dans la stratégie française car les Français souhaitaient, en se mariant avec les Amérindiens, créer un seul et même peuple en Amérique du Nord.

La politique de peuplement était moins développée, et la Nouvelle-France, sous la direction de La Galissonière, privilégiait des positions militaires pour protéger ses acquis. L’administration centralisée française, avec un gouverneur et des intendants, apportait une cohérence stratégique mais manquait de flexibilité pour la colonisation et l’entreprise.

En revanche, la Grande-Bretagne favorisait une expansion par le peuplement, soutenue par des compagnies privées et des colons forcé de s’installer. Les Treize Colonies britanniques fonctionnaient sur un modèle totalement différent, avec des colonies à charte, des colonies de propriétaires, des colonies de la Couronne, chacune possédant une sorte de parlement, similaire à celui de l’Angleterre.

De ce fait, ce système encourageait l’initiative privée et l’investissement, facilitant la création d’une société plus dynamique mais moins unifiée. Ainsi, l’intérêt économique des Britanniques, illustré par Washington et la Compagnie de l’Ohio, contrasta avec l’approche défensive et centralisée de la France.

Les premiers affrontements : Une série de victoires françaises temporaires

Les premières campagnes virent une succession de victoires françaises, grâce à des tactiques adaptées au territoire et au soutien des Amérindiens. En 1755, lors de la bataille de la Monongahela, les Français, menés par le capitaine de Beaujeu, infligèrent une lourde défaite aux forces britanniques commandées par le général Braddock, bien que George Washington soit parvenu à éviter une débâcle totale.

La victoire française, obtenue grâce à une approche « à l’américaine », basée sur les embuscades et les raids, renforça temporairement leurs positions dans l’Ohio. Cette guerre en forêt, nouvelle pour les Européens, prouvait l’efficacité des alliances franco-amérindiennes, et le soutien des tribus locales.

Cependant, la supériorité numérique et logistique britannique devint un obstacle de taille pour les Français. Bien que Montcalm, arrivé en 1756, remporta la victoire à Fort William Henry en 1757, les Britanniques se montraient déterminés à prendre l’ascendant.

Le siège de Louisbourg en 1758 marqua un tournant majeur : en isolant le Canada, les Britanniques coupaient l’approvisionnement français et se préparaient pour une campagne décisive.

Le renversement et la domination des mers par les Anglais

L’une des clés de la victoire britannique résidait dans sa maîtrise des mers. Ils utilisèrent leur supériorité maritime pour couper les renforts et les ravitaillements français en provenance d’Europe, continent déjà soumis à la Guerre de Sept Ans.

Les enjeux maritimes et l’avantage britannique

Cette stratégie, soutenue par William Pitt, Premier ministre britannique, permit à la Grande-Bretagne de concentrer ses forces sur les colonies nord-américaines.

Tout ceci mena à la chute de Québec, en effet 1759 symbolisa la défaite française en Amérique du Nord. James Wolfe, à la tête d’une imposante flotte, assiégea la ville pendant plusieurs mois avant d’engager les troupes françaises de Montcalm dans la bataille des plaines d’Abraham.

La prise de Québec - Hervey Smith | Domaine public
La prise de Québec – Hervey Smith | Domaine public

Cette bataille, bien que brève, fut décisive : les deux généraux, Wolfe et Montcalm, y trouvèrent la mort, mais la victoire revint aux Britanniques. La prise de Québec démoralisa les forces françaises, et Montréal tomba peu de temps après, en 1760, marquant la fin de la Nouvelle-France.

Conséquences de la guerre : Une nouvelle carte pour l’Amérique du Nord

La Guerre de la Conquête modifia radicalement l’équilibre des puissances en Amérique du Nord. Le traité de Paris, signé en 1763, mit fin au rêve français de construire un empire en Amérique.

La France cédait le Canada et les territoires à l’est du Mississippi à la Grande-Bretagne, conservant seulement les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon pour des droits de pêche. L’Espagne, alliée de la France, obtint la Louisiane, tandis que la Grande-Bretagne consolidait sa position de puissance coloniale dominante en Amérique du Nord.

Pour les Amérindiens, la victoire britannique constitua une menace pour leur mode de vie et leurs terres. La fin de la présence française signifiait la perte d’un allié clé, et l’afflux de colons britanniques dans la vallée de l’Ohio entraîna de violentes résistances, notamment la rébellion de Pontiac en 1763.

Face à cette situation, la Grande-Bretagne édicta la Proclamation royale de 1763, interdisant temporairement aux colons de s’étendre au-delà des Appalaches pour apaiser les tensions avec les peuples autochtones.

Les colons britanniques, cependant, voyaient les mesures prises par la Couronne comme une ingérence inacceptable. L’immense dette contractée par la Grande-Bretagne pour financer la guerre l’incita à imposer de nouvelles taxes aux Treize Colonies, entraînant un profond mécontentement. Ce ressentiment allait semer les graines de la future Révolution américaine, moins de quinze ans après la fin de la Guerre de la Conquête.

Une guerre révélatrice de stratégies et d’idéologies différentes

La Guerre de la Conquête permit de mettre en lumière deux stratégies coloniales opposées : la politique de peuplement britannique, axée sur l’investissement privé et la liberté d’initiative, et la politique française, davantage centrée sur la défense militaire et les alliances avec les autochtones, avec qui ils souhaitaient former un seul et même peuple.

La maîtrise britannique des mers, élément clé de leur stratégie, fut décisive dans leur victoire et dans la perte définitive de l’empire français en Amérique du Nord. Ainsi, la Guerre de la Conquête laissa une empreinte durable sur l’Amérique du Nord, transformant à jamais le visage du continent et préparant le terrain pour l’émergence des États-Unis.

Quelques liens et sources utiles

DELAGE.D, les Premières Nations et la Guerre de la Conquête (1754-1765), numéro 63, 2009

DZIEMBOWSKI.E, La guerre de Sept Ans, Commentaire, 2016

VIDAL.C, HAVARD.G, Histoire de l’Amérique française, Champs Histoire, 2019

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