Le débarquement du 6 juin 1944 ne surprend pas les Allemands. Hitler a, pendant un temps, considéré que les Alliés arriveraient par la Normandie, avant de changer d’avis et d’opter pour les ports du Nord de la France. Si la date est restée secrète, l’Allemagne n’a pas attendu les bras croisés, intégrant les pays occupés, notamment la France, et le maréchal Pétain.
Le mur de l’Atlantique est la réponse allemande aux risques de débarquement sur les côtes européennes. Il est construit à partir de 1942 jusqu’à 1944 par l’Organisation Todt. Il protège la côte de la Norvège jusqu’à la frontière hispano-espagnole. En plus de cette protection physique, l’Allemagne avait préparé sa propagande au cas où les Alliés déposeraient le pied sur le continent.
Pétain, outil de la propagande allemande
Les territoires occupés par l’Allemagne doivent se plier à la censure. C’est notamment ce qui incombe au maréchal Pétain, alors chef du régime de Vichy. Il doit se mettre en scène pour développer l’argumentaire allemand, tout en encadrant les journaux français, qui ne peuvent pas s’exprimer librement.
Les événements du 6 juin 1944 provoquent un contrôle plus strict des Allemands. De nouvelles consignes apparaissent et précisent la ligne à suivre. Les journaux ne peuvent publier que deux colonnes de nouvelles sur les opérations militaires qui se déroulent sur les côtes françaises, sous le titre suivant : « Tentative de débarquement anglo-américain sur la côte normande ». Le terme « invasion » est proscrit.
Une radio diffusion pré-enregistrée
À la demande des Allemands, le maréchal Pétain, alors chef du régime de Vichy, enregistre le 17 mars 1944 un message à l’intention des Français pour inviter au calme et, surtout, pour prévenir les réseaux de résistance de ne pas aggraver leur situation. Ce message est diffusé sur Radio nationale Vichy le 6 juin 1944.
La demande allemande d’enregistrer un tel message était pressante, et depuis le 23 décembre 1943, cette demande était martelée. À raison, l’ouverture d’un front en France avec les Alliés était déjà une épreuve pour l’Allemagne, qui reculait à l’Est. Si, en plus de cela, les réseaux de résistance se mettaient à frapper aux quatre coins de la France, l’épreuve serait encore plus difficile.
Le contenu du discours du maréchal :
« Français, les armées allemandes et anglo-saxonnes sont aux prises sur notre sol, la France devient ainsi un champ de bataille. Fonctionnaires, agents des services publics, cheminots, ouvriers, demeurez fermes à vos postes pour maintenir la vie de la Nation et accomplir les tâches qui vous incombent.
Discours du maréchal Pétain le 6 juin 1944
Français, n’aggravez pas nos malheurs par des actes qui risqueraient d’attirer sur vous de tragiques représailles. Ce serait l’innocente population française qui en subirait les conséquences. N’écoutez pas ceux qui, cherchant à exploiter notre détresse, conduiraient le pays au désastre. La France ne se sauvera qu’en observant la discipline la plus rigoureuse.
Obéissez donc aux ordres du gouvernement, que chacun reste face à son devoir. Les circonstances de la bataille pourront conduire l’armée allemande à prendre des dispositions spéciales dans les zones de combat.
Acceptez cette nécessité, c’est une recommandation instante que je vous fais dans l’intérêt de votre sauvegarde. Je vous adjure, Français, de penser avant tout au péril mortel que courrait notre pays si ce solennel avertissement n’était pas entendu. »
Pour les Allemands, le discours n’est pas assez ferme. Il n’invite pas les Français à se mobiliser auprès de l’occupant. Le discours est vu comme attentiste, laissant le cours de la bataille décider du choix des Français.
La radio élément essentiel dans la guerre
La propagande est un élément clé de la guerre. Depuis toujours, les gouvernements verrouillent la presse. La radio se diffuse largement au XXe siècle et, lors de la Seconde Guerre mondiale, elle devient un vecteur d’information important. Il est nécessaire pour le pouvoir de contrôler ce média à tout prix.
Ce n’est pas pour rien que Charles de Gaulle a très vite cherché à communiquer avec les Français sur les ondes radios. Les Britanniques, via la BBC, ont maintenu le lien avec les Français libres et les Français de Vichy. C’est un moyen idéal pour faire parvenir des informations, faire de la contre-propagande, mais aussi créer et maintenir des réseaux de résistances.
Aujourd’hui encore, les médias sont contrôlés en temps de guerre. Cette tâche reste très difficile dans les pays démocratiques, mais elle demeure nécessaire et essentielle pour maintenir le moral, garder le secret sur des positions militaires et semer le doute sur les stratégies à appliquer.
Quelques liens et sources utiles
Le jour le plus long, Le Figaro Hors-série, 2024
Florence Dartois, Le débarquement en Normandie à la radio : le poids des mots, INA, 2024
Jacques Pessis, Les Français parlent aux Français, Omnibus, 2011
Claude Quétel, La Seconde Guerre mondiale, Tempus Perrin, 2018