2024 est l’année du sport ! Après l’Euro et la Copa América, c’est au tour des JO de Paris d’être à l’honneur. Comme d’habitude, le football a ouvert le bal, deux jours avant la cérémonie d’ouverture. Le sport le plus populaire au monde, le prestige des Jeux olympiques : ce ménage aurait dû ravir les fans du ballon rond. Il n’en est rien.
Les passionnés, et même les spectateurs plus occasionnels, peuvent probablement citer les dernières sélections ayant remporté la Coupe du monde. Pourtant, bon nombre d’entre eux sont, sans doute, incapables de nommer les champions olympiques en titre.
Et dire qu’il était l’un des sports les plus populaires des olympiades il y a 100 ans ! Alors, comment expliquer ce désamour du public pour le foot aux Jeux Olympiques ? Comme nous allons le voir, il est surtout lié aux décisions du Comité International Olympique (CIO) et à la concurrence de la Coupe du monde.
Certes, certaines mesures adoptées depuis les années 1980 visent à augmenter l’intérêt pour le foot olympique. Mais elles sont à ce jour insuffisantes pour en faire à nouveau une compétition de premier plan, susceptible de rivaliser avec le Mondial.
Naissance et âge d’or du football olympique (1900-1928)
Le football figure très rapidement au programme olympique. Le CIO envisage de l’inclure dès les Jeux de la première olympiade en 1896 à Athènes. Il ne fait pas partie des sports finalement retenus. Mais il est intégré aux JO de Paris quatre ans plus tard.
En 1900 et 1904, la discipline est seulement disputée par des clubs et des sélections locales. Elle ne constitue alors qu’un sport de « démonstration ». Si le CIO reconnaît ces tournois a posteriori, la FIFA ne les considère toujours pas comme officiels. Pour elle, le palmarès olympique commence avec les JO de 1908 à Londres.
Le football franchit une étape importante lors de ces Jeux. Pour la première fois, seules des sélections nationales participent à la compétition. Huit équipes (toutes européennes) sont initialement inscrites. Néanmoins, ce nombre est réduit à six : à cause de la crise bosniaque, les deux équipes de l’Empire austro-hongrois (la Hongrie et la Bohême) se retirent avant même le début de la compétition.
La Grande-Bretagne remporte le tournoi de 1908, en battant le Danemark 2-0 en finale. À noter que la sélection scandinave a infligé à l’équipe de France la plus lourde défaite de son histoire (17-1 !), lors des demi-finales.
Après la Première Guerre mondiale, la popularité du football grandit. Lors des Jeux de 1924 à Paris, des nations sud-américaines rejoignent la compétition. Emmenée notamment par Pedro Petrone et José Andrade, la surprenante équipe d’Uruguay illumine le tournoi. Après avoir remporté tous ses matchs, elle triomphe en finale face à la Suisse devant 40 000 spectateurs.
La Celeste conserve son titre olympique lors des JO organisés en 1928 à Amsterdam.
Les tournois de ces deux éditions des Jeux sont les seuls co-organisés par la FIFA. C’est pourquoi elle les reconnaît comme des championnats du monde.
Le football devient une source majeure de revenus pour les organisateurs des JO. Dans les années 1920, il génère au moins un tiers des recettes olympiques, le rendant crucial pour équilibrer les comptes.
En dépit de son succès croissant, le ballon rond ne fait pas l’unanimité au sein du CIO. Le Comité, attaché à l’amateurisme, voit d’un mauvais œil le professionnalisme caché derrière certaines équipes. Malgré ces réticences, les organisateurs des Jeux de 1928 insistent pour maintenir le football au programme, compte tenu de son importance financière.
Le déclin du foot aux Jeux olympiques (1930-1980)
Deux facteurs précipitent le déclin du football aux JO. D’une part, la volonté de faire participer exclusivement des joueurs amateurs. D’autre part, la création de la Coupe du monde en 1930.
La FIFA constate l’engouement autour des compétitions de foot internationales proposées lors des JO. Elle décide en 1928 de créer son propre tournoi, ouvert aux joueurs professionnels. La Fédération confie à l’Uruguay le soin d’organiser la première édition de la Coupe du monde de football, qui se tient en 1930.
Cette nouvelle compétition devient rapidement la plus prestigieuse de ce sport, éclipsant le tournoi olympique de football.
En 1932, le foot est même absent des Jeux olympiques de Los Angeles. Le CIO se heurte à la FIFA qui favorise la professionnalisation des joueurs. Les tensions entre les deux organisations sont palpables. Les athlètes professionnels, qui dominent de plus en plus le monde du football, ne sont pas les bienvenus aux JO, réservés aux amateurs.
Les Jeux olympiques de 1936 à Berlin marquent le retour du ballon rond ; mais la compétition peine à convaincre. Les grandes nations du football envoient des équipes composées de joueurs amateurs, ce qui réduit l’intérêt du public et des médias. Le professionnalisme s’installe solidement dans le football mondial, laissant le tournoi olympique en retrait.
Durant les décennies suivantes, les pays d’Europe de l’Est dominent le podium olympique. La raison en est simple : les régimes communistes empêchent leurs sportifs d’avoir le statut professionnel. Cela leur offre la possibilité de concourir comme « amateurs ». La lutte est donc inégale face aux vraies sélections amateurs des autres nations. La Hongrie, l’Union soviétique, ou encore la Yougoslavie raflent les médailles d’or.
Mais celles-ci perdent de leur prestige. L’absence des meilleurs joueurs et la concurrence de la Coupe du monde contribuent au déclin du foot aux JO.
Les efforts de réhabilitation du foot olympique (1984-présent)
Le CIO prend conscience du problème d’équité lié au statut amateur des joueurs. Il accepte donc la participation d’athlètes professionnels à compter de 1984. Une condition persiste : les Européens et Sud-Américains ne doivent pas avoir disputé la Coupe du Monde. Cette réforme met fin à la domination des nations d’Europe de l’Est, et permet à la France de remporter les JO de 1984.
En 1992, le CIO affine sa réglementation. Désormais, tous les athlètes de moins de 23 ans ont le droit de participer, sans condition supplémentaire. Depuis 1996, dans chaque équipe, trois footballeurs ayant dépassé cette limite d’âge peuvent également être convoqués.
Des restrictions persistent, contribuant à un intérêt moindre par rapport au Mondial. Les équipes et événements marquants de l’histoire du football sont d’ailleurs souvent liés au tournoi organisé par la FIFA. Ainsi en est-il du destin tragique d’Andrés Escobar, défenseur colombien assassiné suite à un but contre son camp à la Coupe du monde 1994.
Néanmoins, ces règles permettent de voir briller sur la scène olympique des stars émergentes comme Samuel Eto’o en 2000, ou encore la génération dorée de l’Argentine (Messi, Agüero, Di María, etc.) en 2008.
Les sélections participant aux JO ne peuvent jamais aligner leurs joueurs vedettes. Outre la limite d’âge, l’opposition entre la FIFA et le CIO n’est pas étrangère à cette situation.
En effet, l’instance du foot mondial souhaite éviter qu’une compétition concurrence sa lucrative Coupe du Monde. C’est pourquoi elle s’oppose à l’inscription du tournoi olympique dans les calendriers officiels. Les clubs ne sont pas tenus de libérer leurs joueurs. De fait, ils refusent très souvent que leurs meilleurs éléments participent aux Jeux.
Les récentes difficultés de Thierry Henry à composer sa liste pour les JO de 2024 illustrent ce problème. En 2016 à Rio, l’Argentine n’a pu s’inscrire qu’au dernier moment suite au forfait de la moitié des joueurs convoqués, non libérés par leurs clubs.
En conséquence, la compétition ne propose quasiment aucune tête d’affiche et une majorité de joueurs peu expérimentés. Les JO s’apparentent davantage à un tournoi Espoirs qu’à une compétition majeure comme la Coupe du monde ou l’Euro.
Par ailleurs, depuis 1996, le foot olympique comprend un tournoi féminin. Ce dernier n’impose aucune restriction d’âge. Cela permet aux meilleures joueuses du monde de participer.
La Coupe du monde demeure, là aussi, la compétition la plus prestigieuse. Mais, pour les joueuses, le tournoi olympique représente un objectif important et une vitrine de leur talent au niveau mondial.
L’impossibilité pour le foot olympique de retrouver sa gloire passée
Aujourd’hui, le football olympique ne semble pas en mesure de redorer son blason. Il demeure une compétition de second plan, et constitue tout au plus un moyen d’exposition pour les jeunes talents et les stars féminines du ballon rond. Cependant, il est difficilement envisageable de retirer du programme olympique un sport aussi populaire.
Le CIO devrait donc s’attacher à revoir son format pour le rendre plus attrayant. Il pourrait, par exemple, augmenter le nombre de joueurs de plus de 23 ans autorisés par équipe, voire supprimer complètement la limite d’âge.
Dans un monde idéal, il serait également nécessaire que le CIO travaille en coordination avec la FIFA et les clubs : l’objectif serait de créer une fenêtre spécifique dans le calendrier international permettant aux joueurs de participer sans conflits avec les compétitions de clubs. Offrir des compensations financières aux équipes libérant leurs joueurs et intensifier les efforts de promotion du tournoi pourraient aussi rehausser son prestige et son attrait global.
Toutefois, il est très peu probable que la FIFA accepte de participer au développement d’une compétition concurrente… Sans compter qu’alourdir davantage le calendrier déjà surchargé des joueurs n’est sans doute pas la meilleure option !
On le voit, la volonté de redonner au foot olympique ses lettres de noblesse se heurte rapidement à la réalité.
Le premier match des JO de Paris 2024 n’est d’ailleurs pas de très bon augure. Cette rencontre entre l’Argentine et le Maroc a déjà beaucoup fait parler et suscité d’importantes polémiques (temps additionnel interminable, entrée de supporters sur le terrain, jets de projectiles, but annulé après une interruption de près de 2 heures, etc.).
Quelques liens et sources utiles :
LEBLANC, Hortense. JO de Paris 2024 : sport olympique le plus populaire il y a 100 ans, comment le football est-il devenu une discipline de second plan ? France Info. 25 juillet 2024 (consulté le 02 août 2024)
BERTHELIER, Anthony. Pourquoi on se fout du foot aux JO. HuffPost. 3 août 2016 (consulté le 2 août 2024)