Depuis 2016, la communauté des haenyo est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
Originaires de Corée du Sud, et plus particulièrement de l’île de Jeju, les haenyo sont des plongeuses, représentantes de la structure matriarcale de la province. Les haenyo (en Coréen : 해녀) sont les « femmes de la mer ». Mais quelle est leur histoire ?
Une activité d’homme, devenue symbole du matriarcat
Avant le XIXe siècle, plonger – à des fins commerciales – était strictement réservé aux hommes. Logique, puisque ramener les produits de subsistance a toujours été destiné aux hommes, finalement. Jusqu’au jour où – dans ce cas précis – les taxes augmentèrent, et rendirent ce travail beaucoup moins profitable pour les hommes.
Les taxes ne s’appliquaient pas aux femmes. Ces dernières ont donc décidé de prendre en charge la difficile tâche de plonger.
Ainsi, pour des revenus très réduits, les femmes se sont mises à plonger pour trouver de quoi subvenir aux besoins de la famille.
La plongée était considérée comme une tâche ingrate et difficile. Les femmes durent rapidement prendre leurs marques pour remplacer les hommes, expérimentés.
Cette situation transforma durablement la société dans la province de Jeju-Do, notamment sur l’île de Mara où les produits de la mer constituaient l’unique ressource économique.
Une forme de société matriarcale vit le jour, où les femmes actives devinrent les « cheffes » de famille et où les hommes s’occupaient du foyer et des enfants.
Une activité en déclin, qui n’en reste pas moins exemplaire
À l’époque, et selon le confucianisme coréen, les femmes étaient traitées comme des êtres inférieurs aux hommes. L’administration coréenne a donc tout fait pour interdire aux femmes de plonger, sous prétexte qu’elles abimaient leur douce peau en mer.
Cela n’a pas fonctionné, et les haenyo sont devenues de plus en plus riches. Femmes puissantes, sur terre comme en mer. Elles étaient capables de retenir leur souffle plus de deux minutes, pour plonger dans des profondeurs avoisinant les vingt mètres. Sans mentionner les dangers marins (animaux et autres).
Grâce à tout ce pouvoir, et cet argent, les haenyo ont pu reconstruire un véritable village (dans les années 1970, après la Seconde Guerre mondiale) et permirent ainsi à leurs enfants, et notamment leurs filles, de faire des études.
Par la suite, ces dernières se sont dirigées vers d’autres corps de métier, plus « ambitieux », délaissant la profession de leurs mères et grands-mères. En 2003, on comptait 5 650 haenyo, pour 30 000 en 1950.
L’histoire des haenyo est une histoire fascinante, sur une île qui regorge de mythes et de divinités. Anecdote intéressante, parmi les 346 sanctuaires, 68% sont consacrés à des déesses.
Vous pouvez retrouver l’histoire des haenyo dans le formidable et très émouvant livre de Mary Lynn-Bracht, Filles de la Mer. Ce livre, tragique, retrace l’histoire de Hana et sa petite soeur Emi, issues de la communauté haenyo lors de la Seconde Guerre mondiale. Nous ne manquerons pas de faire un article sur la triste histoire de ces femmes coréennes, forcées de devenir des femmes de réconfort pour les soldats.
Quelques liens et sources utiles
Mary-Lynn Bracht, Filles de la Mer, 2019.
Ok-Kyung Pak, Les plongeuses jamnyo (haenyo) de Jeju en Corée et le néo-confucianisme, une mythologie double, Fondation Culturelle Musée Barbier-Mueller.