Retour sur l’histoire méconnue du résistant norvégien Gunnar Sønsteby, acteur majeur de la résistance norvégienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Il opère sous le nom de code Agent 24.
Alors que la Pologne est déjà occupée depuis le 1er septembre 1939, la Norvège est envahie par l’Allemagne nazie pendant la Campagne de Norvège les 8 et 9 avril 1940.
La Norvège pendant la Seconde Guerre mondiale
La Norvège occupe une place stratégique en mer du Nord ce qui la place sous la menace directe de l’Allemagne, qui convoite ses bases navales norvégiennes afin de pouvoir avoir accès à cette zone. La Suède, voisine de la Norvège et en position de neutralité, est riche en minerai de fer, ressource essentielle à l’armée allemande en passant notamment par la ville portuaire de Narvik.
Malgré l’aide britannique, la Norvège se rend aux troupes allemandes le 10 juin 1940, ainsi la royauté norvégienne et le gouvernement fuit à Londres laissant le peuple norvégien aux troupes allemandes et au fondateur Vidkun Quisling du parti politique fasciste Nasjonal Samling.
Il s’autoproclame premier ministre et l’homme politique, ancien ministre de la guerre de 1931 et 1933, il devient l’exemple même de la collaboration en Norvège et aide l’Allemagne dans la lutte contre la résistance et la traque des Juifs.
Avant l’invasion allemande, il y avait 1 700 Juifs vivant en Norvège. Il y avait de nombreux réfugiés allemands et autrichiens qui s’étaient exilés avant 1939. De 1940 à 1945, plus de 760 Juifs furent déportés de Norvège. Nombreux Juifs avaient réussi à s’enfuir vers la Suède grâce au mouvement de résistance organisée dans le pays.
La résistance norvégienne
La résistance intérieure se met progressivement en place en juin 1940 soit environ un mois après l’invasion de la la Norvège. Le gouvernement norvégien en exil reste légitimé par les puissances alliées et lors de la Campagne de Norvège des unités militaires norvégiennes résistent sporadiquement au nord et au sud du pays. En raison de ressources matérielles réduites suite à la Première Guerre mondiale, les soldats norvégiens opposent une résistance mitigée.
L’organisation de résistance connue sous le nom de Milorg apparaît. Dans un premier temps, les résistants mènent principalement des opérations de sabotage et de renseignement. En 1945, le mouvement s’est transformé en une puissante organisation militaire de résistance : à la fin de la guerre, ce sont plus de 40 000 personnes armées qui font partie du mouvement. La résistance était composée de deux fronts : l’intérieur (Hjemmefronten) et l’extérieur (Utefronten).
Le premier se concentrait sur des opérations de sabotage, des raids, des actions clandestines et la collecte de renseignements. Le front extérieur agissait sur la flotte norvégienne, la marine royale norvégienne, ainsi que les escadrons sous le commandement de la Royal Air Force britannique.
En parallèle des opérations militaires, des journaux clandestins publiaient des articles encourageant la résistance face à l’occupant nazi. Une désobéissance civile s’installe également au sein de la population, elle-même victime des représailles allemandes. L’une des plus violentes a eu lieu dans le village de Tælavåg.
L’assassinat de deux hommes de la Gestapo le 26 avril 1942 provoque une terrible action de représailles le 30 avril. Le village est rasé, les bâtiments maritimes coulés ou confisqués. Les hommes sont exécutés ou déportés dans le camp de concentration d’Oranienbourg-Sachsenhausen. Les femmes et les enfants sont emprisonnés durant deux ans.
Agent 24, Gunnar Sønsteby
Gunnar Sønsteby est né le 11 janvier 1918 à Rjukan. Sa famille déménage à Oslo dans les années 1930. Lorsque la guerre éclate en Norvège, il a 21 ans et est étudiant en sciences économiques et sociales à l’université d’Oslo.
En parallèle, il travaille comme assistant comptable. À l’arrivée des troupes allemandes qui envahissent le pays, il s’engage dans l’armée. Après la capitulation de la Norvège, il rejoint rapidement la résistance et intègre le groupe Milorg.
Sa première mission consiste à infiltrer les services de la police d’État, qui collabore avec l’occupant, afin de recueillir des informations. Gunnar Sønsteby traverse à plusieurs reprises la frontière suédoise à pied, par les montagnes, pour transmettre ces renseignements à l’ambassade britannique à Stockholm.
En 1942, il rejoint la Special Operations Executive (SOE), les services secrets britanniques créés par Winston Churchill.
Il adopte alors le nom de code Agent 24. Après avoir rejoint le Royaume-Uni, il suit une formation de parachutiste et de saboteur. Cette formation lui permet de devenir un lien essentiel entre la résistance norvégienne et le SOE.
En tant que leader du Gang d’Oslo, qui opère de mai 1944 à mai 1945, Gunnar Sønsteby coordonne plusieurs actions de sabotage majeures.
L’une de ses plus grandes réussites est la destruction du département d’archives du Bureau du travail forcé d’Oslo, qui répertoriait les recrues norvégiennes destinées au front de l’Est.
Il devient un maître du déguisement, utilisant une trentaine de pseudonymes pour ses missions, et réussit constamment à échapper aux autorités allemandes. Son identité demeure inconnue jusqu’à la libération de la Norvège en mai 1945.
Après la guerre, Gunnar Sønsteby est décoré à plusieurs reprises pour son courage et ses exploits. Il reçoit notamment la Distinguished Service Order britannique en 1945, la Médaille de la Liberté américaine (U.S. Medal of Freedom) et la Croix de Guerre norvégienne avec trois épées, devenant le premier citoyen à recevoir cette distinction en 1946. Une statue à son effigie est érigée sur la place Solli à Oslo.
Gunnar Sønsteby consacre le reste de sa vie à transmettre son histoire. Il donne de nombreuses conférences auprès d’écoliers, d’étudiants, d’associations et dans des musées, pour partager son combat et sensibiliser les nouvelles générations à l’importance de la résistance. Il s’éteint à Oslo le 10 mai 2012, à l’âge de 94 ans.
Quelques liens et sources utiles
Dan van der Vat, Gunnar Sønsteby obituary, The Guardian, 2012
Claude Quétel, Philippe Masson, La seconde guerre mondiale, Larousse, 2007
François Gatineau, 1940 La guerre des Alliés commence en Scandinavie: Les secrets de l’opération franco-britannique en Norvège, L’artilleur, 2024