Dans l’histoire du football européen, rares sont les joueurs qui ont marqué leur époque en venant de nations considérées comme périphériques. Mais Allan Simonsen fait partie des exceptions. Avec ses 1,65 mètre et ses 58 kilos, ce petit attaquant danois a défié toutes les conventions pour devenir en 1977 le premier, et toujours l’unique, joueur scandinave à remporter le Ballon d’Or. Retour sur la carrière d’une étoile filante trop rapidement oubliée.
Des débuts modestes à Vejle
Allan Rodenkam Simonsen naît le 15 décembre 1952 dans la ville de Vejle, au Danemark. Issu d’une famille modeste, il commence son histoire avec le football à l’âge de six ans dans le club local du Vejle FC. Son talent est incontestable, et Simonsen rejoint logiquement à onze ans le plus gros club de la ville : le Vejle BK.
C’est à 17 ans qu’il se révèle au grand public en terminant meilleur buteur d’un tournoi international à Düsseldorf. Par la suite, il rejoint l’équipe première de Vejle BK en mars 1971, à l’âge de 18 ans. Ses débuts sont couronnés de succès, puisque Simonsen remporte dès sa première saison le titre de champion du Danemark, qui était seulement le deuxième de l’histoire du club. L’année suivante sera même meilleure, puisque le Vejle FC fait alors le doublé coupe nationale – championnat.
Allan Simonsen brille au sein du club, où sa vivacité et sa frappe puissante font souvent mouche. C’est donc sans surprise que le Danois attire la curiosité de clubs plus prestigieux, dont le Borussia Mönchengladbach, qui le recrute à l’été 1972 après 42 matchs au Danemark ponctués de 16 buts.
L’apogée allemande avec Mönchengladbach
Lorsque Allan Simonsen débarque en Allemagne, le contexte est évidemment différent du Vejle BK. Mönchengladbach est en effet à ce moment le plus grand rival du Bayern Munich, et sort d’une saison difficile conclue à la troisième place, un an après avoir pourtant remporté le titre.
Ses deux premières saisons sont compliquées, car le niveau global est plus élevé, et Simonsen est alors utilisé comme simple remplaçant par l’entraîneur Hennes Weisweiler derrière le trio d’attaque composé de Jupp Heynckes, Bernd Rupp et Henning Jensen. Même si le club remporte la Coupe d’Allemagne en 1973, Simonsen est alors considéré comme un échec, puisqu’il n’a marqué que deux buts en 17 matchs.
Mais tout change lors de la saison 1974-1975. Suite au départ en retraite de Bernd Rupp, Allan Simonsen est propulsé titulaire au poste d’ailier droit, et ne rate pas sa chance. Il inscrit 18 buts en 34 matchs de championnat, permettant ainsi à Mönchengladbach de remporter le championnat. Cette année-là, il remporte aussi la prestigieuse Coupe de l’UEFA, dans laquelle il a marqué 10 buts en 12 matchs, dont deux en finale, pour sa première participation.
Les années suivantes confirment le statut de star d’Allan Simonsen. Le joueur remporte ainsi trois fois d’affilée le championnat de 1975 à 1977, gagne la Coupe UEFA 1975 et est finaliste de la Coupe d’Europe des clubs champions en 1977.
Cette dernière année, Allan Simonsen est tellement impérial qu’il remporte le Ballon d’Or 1977, de peu devant les attaquants Kevin Keegan (Hambourg) et Michel Platini (Nancy).
Il faut dire que de part son petit gabarit, Simonsen avait un centre de gravité bas, qui le rendait explosif et capable d’enchaîner très rapidement les dribbles courts. Combiné à une vista exceptionnelle, celui qui était surnommé le Taureau était un joueur capable de créer des espaces dans un mouchoir de poche, qui savait aussi conclure les actions par une frappe lourde.
Des qualités qui se sont confirmées par la suite, puisque Simonsen continue d’impressionner en inscrivant 25 buts en 42 matchs lors de l’année 1977-1978, puis 23 buts en 41 matchs en 1978-1979. Il remporte par ailleurs pour la deuxième fois la Coupe UEFA en 1979 au terme d’un parcours fantastique duquel il a fini meilleur buteur avec neuf réalisations. Mais après sept saisons où il a marqué 117 buts en 249 rencontres, dont 76 en championnat, Allan Simonsen a envie de changement, et signe ainsi au FC Barcelone en fin de contrat, malgré les intérêts de gros clubs comme Hambourg ou la Juventus.
Le défi barcelonais et l’aventure anglaise
En arrivant au FC Barcelone, Allan Simonsen sait qu’il rejoint une équipe relativement instable, qui sort d’une saison compliquée finie à la 5ème place loin derrière le Real Madrid. La situation est donc complexe, et le joueur ne va pas arriver à changer la dynamique du club seul. Faute d’arriver à être un leader offensif, les deux premières saisons de l’ailier sont ainsi très compliquées, puisque Barcelone ne termine que 4ème de la saison 1979-1980 et 5ème de la saison 1980-1981.
Le club connaît toutefois une éclaircie, puisqu’il arrive à remporter la Coupe d’Espagne en 1981 puis la Coupe des vainqueurs de coupe en 1982, avec un but de la tête victorieux d’Allan Simonsen. Ce dernier devient alors le seul joueur de l’histoire à avoir marqué dans les finales des trois compétitions européennes majeures.
Si le bilan d’Allan Simonsen entre 1979 et 1982 est tout de même honorable (43 buts en 129 rencontres), il n’est pas considéré comme une star au FC Barcelone. C’est la raison pour laquelle le club décide de le remplacer par Diego Maradona, ce qui contraint Simonsen à trouver une porte de sortie en raison de la règle espagnole limitant à deux le nombre de joueurs étrangers par club.
Vexé et fatigué par la pression du monde du football, Allan Simonsen décide de refuser les propositions de Tottenham et du Real Madrid pour rejoindre en 1983 un projet pour le moins surprenant : celui de Charlton Athletic en deuxième division anglaise. Si le projet du club est de remonter en première division avec l’aide du Ballon d’Or 1977, les finances ne sont toutefois pas à la hauteur des ambitions du club, et Allan Simonsen finit par être libéré de son contrat après 16 matchs et 9 buts faute de pouvoir être payé.
Le joueur finit donc par retourner dans son club formateur, le Vejle BK, où il reste jusqu’à la fin de sa carrière en 1989, à l’âge de 37 ans. Au total, ce sont 70 buts qui sont marqués par Simonsen en 166 matchs durant ce retour aux sources, marqué par un titre de champion du Danemark en 1984. Il devient logiquement en 1991 entraîneur de Vejle BK, mais ce fut un échec foudroyant, le club se faisant reléguer à la fin de la saison 1991-1992. Il quitte Vejle en 1994, faute de pouvoir le faire remonter en première division.
Le parcours international et l’Euro 1984
Allan Simonsen fait ses débuts internationaux avec le Danemark en juillet 1972, où il marque un doublé contre l’Islande. Il participe derrière aux Jeux Olympiques, où il aide son pays à passer les poules avec trois buts inscrits en trois matchs. S’en suit par la suite une longue disette internationale pour Allan Simonsen, qui parvient toutefois à redonner des couleurs à son équipe lors de l’Euro 1984.
Après une victoire décisive contre l’Angleterre à Wembley, grâce à un pénalty de Simonsen, le pays parvient en effet à se qualifier pour la première fois dans une compétition internationale depuis les Jeux Olympiques de 1972. Un événement pour le pays scandinave, qui tourne malheureusement au cauchemar pour Simonsen.
Lors du match d’ouverture contre la France, il se brise effectivement la jambe gauche à la 44e minute à la suite d’un duel avec Yvan Le Roux. Bilan, une fracture du tibia qui met fin prématurément à son tournoi. Si le Danemark parvient quand même en son absence à faire un tournoi magnifique, qui s’est conclu par une défaite aux tirs aux buts contre l’Espagne en demi-finale, cela a tout de même terni la carrière internationale d’Allan Simonsen conclue par 20 buts en 55 matchs.
Par la suite, Allan Simonsen retrouve les terrains internationaux en devenant sélectionneur des Îles Féroé de 1994 à 2001, puis du Luxembourg de 2001 à 2004. Deux postes qui permettent à Simonsen de rester dans l’ombre, sans salir sa légende.
Allan Simonsen est donc bien une étoile filante du football danois, dans le sens où malgré son Ballon d’Or en 1977 qui lui a permis de briller de mille feux, il reste peu connu aujourd’hui hors des frontières scandinaves. Si le manque de présence médiatique à l’époque, le peu de compétitions internationales jouées et sa carrière post-1982 déclinante peuvent expliquer cet anonymat relatif, Simonsen reste toutefois une source d’inspiration intarissable pour tous les joueurs nordiques qui rêvent de conquérir l’Europe.
Quelques liens et sources utiles :
Sylvie Lauduique-Hamez, Les Incroyables du football, Calmann-Lévy, 2006