Les montagnes russes sont réputées pour leur climat rude et leur géographie particulière. Nous relatons, ici, un drame mystérieux survenu dans une montagne russe en février 1959. Il s’agit de l’affaire du col de Dyatlov, qui alimente les spéculations et les enquêtes depuis des décennies.
L’affaire Dyatlov : contexte et évènements
L’affaire du col de Dyatlov s’est déroulée dans les monts de l’Oural (plus précisément au mont Kolat Syakhl) en février 1959, en URSS. Ce drame tient son nom du leader du groupe de randonneurs, Igor Dyatlov, âgé de 23 ans. Le groupe était constitué de 9 étudiants et d’un vétéran de la Seconde Guerre mondiale.
Les membres de l’expédition
Les étudiants de l’Institut Polytechnique ont décidé d’entreprendre une expédition ambitieuse et périlleuse consistant à atteindre le sommet du mont Otorten, dans les montagnes de l’Oural (surnommées la montagne de la mort par les locaux). Ces jeunes, tous alpinistes expérimentés, pensaient être à la hauteur de ce défi pour obtenir le niveau 3 (le plus élevé) dans les certifications d’alpinisme.
Parmi les randonneurs participant à cette aventure, en plus d’Igor Dyatlov (étudiant en ingénierie radio), figuraient :
- Yuri Krivonischenko (23 ans) : étudiant en construction et hydraulique ;
- Yuri Yudin (21 ans) : étudiant en géologie ;
- Yuri Doroshenko (21 ans) : étudiant en machinerie lourde ;
- Zinaida Kolmogorova (22 ans) : étudiante en ingénierie radio ;
- Alexander Kolevatov (24 ans) : étudiant en physique ;
- Lyudmila Dubinina (20 ans) : étudiante en ingénierie et économie ;
- Rustem Slobodin (23 ans) : ingénieur en mécanique ;
- Nikolai Thibeaux-Brignolles (23 ans) : en génie civil ;
- Semyon Zolotaryov (38 ans) : le plus âgé du groupe, instructeur de ski et vétéran de la Seconde Guerre mondiale.
Un parcours complexe et reconnu pour son danger
Le circuit difficile se situant au milieu d’une région isolée et inhabitée, les dix randonneurs doivent d’abord se rendre à la ville de Sverdlovsk (actuellement Ekaterinbourg) le 23 janvier et prennent ensuite un train pour Ivdel, qu’ils atteignent le 25 janvier. Le lendemain matin, ils prennent un bus vers la ville suivante, Vizhay, d’où ils peuvent enfin commencer leur randonnée.
Dès leur arrivée, Dyatlov informe le comité de certification par télégramme pour noter la date précise du début de la randonnée et indique qu’il enverra un autre télégramme une fois la randonnée terminée, prévue pour le 12 février.
Ainsi, le 27 janvier, le groupe commence à skier et passe la nuit dans une ancienne mine en chemin. À l’issue de cette nuit, Yudin est contraint d’abandonner l’aventure à cause de douleurs articulaires devenues insupportables, l’empêchant de continuer avec ses camarades. Après avoir collecté des échantillons pour son université, il quitte le groupe et retourne en ville, ignorant que ses douleurs viennent de lui sauver la vie. Yudin vécut jusqu’à 75 ans et décéda en 2013.
Après le départ de Yudin, les neuf randonneurs reprennent leur route et traversent un fleuve jusqu’au 31 janvier, dans des températures atteignant les -24°C la nuit. Le 1er février 1959, ils arrivent à leur destination au pied du mont Kolat Syakhl, qu’ils prévoient de traverser.
Malgré le mauvais temps et un chemin de plus en plus difficile, la première partie de la traversée se fait sans incident selon le journal des randonneurs. Ils décident de camper à quelques centaines de mètres du sommet et prévoient de reprendre leur chemin le lendemain. Même le dernier message laissé dans le journal de l’équipe ne rapporte aucun problème.
Une catastrophe obscure, une fin brutale
Néanmoins, les randonneurs censés envoyer un télégramme à la fin de leur parcours le 12 février ne donnent aucun signe de vie, ni une semaine, ni dix jours après. Pensant à un simple retard dû aux conditions climatiques difficiles, le comité de certification et les proches des randonneurs décident d’attendre.
Toujours sans nouvelles, des volontaires se lancent à la recherche des randonneurs et arrivent au site de leur camp près du sommet le 26 février. Ce dernier est complètement détruit et aucun membre du groupe n’y est trouvé.
Bien que tous les équipements soient à l’intérieur des tentes, celles-ci semblent avoir été ouvertes de l’intérieur avec des couteaux et sont recouvertes de neige. Les volontaires suivent des traces dans la neige et découvrent un camp provisoire ayant servi de feu pour se réchauffer. À côté, ils trouvent les corps sans vie de deux randonneurs, Yuri Doroshenko et Yuri Krivonischenko.
Les autorités prennent le relais dans la recherche, trouvant ensuite les corps de trois autres randonneurs entre le premier camp et le camp provisoire, morts d’hypothermie avec des blessures légères et/ou une intoxication. Les quatre derniers randonneurs sont découverts plus loin avec des blessures graves, comparables à celles d’un accident de voiture. Quelques mois après la découverte des corps, l’enquête est close et l’affaire classée, attribuant l’hypothermie comme cause de décès.
Théories et spéculations
Bien que l’affaire soit officiellement close pour la police, l’ambiguïté de ses conclusions et la non-explication de plusieurs incohérences laissent insatisfaits les proches des victimes et les curieux, qui continuent à chercher des réponses même des décennies plus tard.
Des éléments tels que le taux élevé de radioactivité sur certains vêtements, les blessures graves non compatibles avec une simple hypothermie et le fait que certains randonneurs soient habillés légèrement malgré le froid glacial interpellent le public.
Plusieurs théories ont émergé : certains avancent que les randonneurs auraient découvert par accident une opération secrète de l’armée soviétique, les poussant à les éliminer. D’autres théories incluent l’hypothèse d’une attaque par des animaux sauvages ou des membres de la tribu locale des Mansis. D’autres encore envisagent une intoxication par des substances illicites ou des plantes vénéneuses.
Malgré tous les efforts pour élucider le mystère, il reste non résolu pendant des décennies. Une réponse simple mais plausible n’émerge que récemment, grâce à une étude menée par deux chercheurs suisses, Alexander Puzrin et Johan Gaume, et publiée en 2021 dans la revue Nature.
Ces chercheurs ont réussi à démontrer qu’une avalanche, survenue pendant la nuit, aurait forcé les randonneurs à quitter précipitamment leurs tentes, sans leur laisser le temps de s’habiller adéquatement.
Les conditions climatiques défavorables (froid, neige et vent) et l’éloignement des zones habitées auraient rendu leur fuite difficile. Malgré leurs efforts pour survivre, les randonneurs finissent par décéder d’hypothermie, et certains sont même emportés par l’avalanche, ce qui expliquerait les blessures graves observées.
Les chercheurs ont développé davantage cette théorie de l’avalanche lors d’une interview accordée à France Inter et dans une vidéo publiée par le Snow and Avalanche Simulation Laboratory (EPFL) et l’Institute for Geotechnical Engineering (ETH Zürich).
Il est à noter que le col où les corps des neuf randonneurs sont découverts porte depuis l’incident le nom du leader du groupe en hommage à ces derniers. De plus, une tombe collective leur est construite dans le cimetière de Mikhajlov.
Le col Dyatlov, une affaire emplie de mystères
L’affaire du col de Dyatlov n’est pas l’unique incident dans cette région. D’ailleurs, un drame plus récent et encore plus mystérieux, bien que moins connue, a également lieu dans les monts russes en 1993.
Cet incident concerne également un groupe de randonneurs qui décèdent l’un après l’autre dans le col de Buryatia sans aucune raison apparente et la seule survivante décrit leurs morts comme se produisant subitement…
Quelques liens et sources utiles
1079 AKA KHOLAT SYAKHL, dyatlovpass.com
Gaume, J., & Puzrin, A.M. (2021). Mechanisms of slab avalanche release and impact in the Dyatlov Pass incident in 1959. Commun Earth Environ, 2, 10.
Nuit de terreur, nuit de panique, la tragédie du col Dyatlov, Radio France, 21 avril 2021