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Le Liban au bord du gouffre : pourquoi ?

Face à un avenir incertain, la question n’est plus de savoir si le Liban est en danger, mais plutôt jusqu'où il pourra tenir avant de sombrer
Beyrouth Sud ravagée le 14 août 2006 - LALLA-ALI (pseudo Flickr) | Creative Commons BY-ND 4.0
Beyrouth Sud ravagée le 14 août 2006 – LALLA-ALI (pseudo Flickr) | Creative Commons BY-ND 4.0

2391 blessés et 37 morts, tel est le bilan humain de l’explosion de milliers de bipeurs au Liban les 17 et 18 septembre 2024. Un incident qui reflète l’extrême instabilité d’un pays déjà au bord du gouffre.

Cet événement dramatique s’ajoute à une série de tensions croissantes qui mettent le Liban en état d’alerte. Entre les affrontements réguliers à la frontière sud, les répercussions d’une crise économique sans précédent, et les rivalités géopolitiques régionales qui menacent de s’enflammer, le Liban se trouve à la croisée des chemins.

Face à un avenir incertain, la question n’est plus de savoir si le pays est en danger, mais plutôt jusqu’où il pourra tenir avant de sombrer dans un conflit encore plus vaste. Retour sur les éléments qui ont mené le Liban à cette situation intenable.

La force de frappe du Hezbollah : atout et menace pour le Liban

D’abord, l’un des plus gros dangers au Liban est le Hezbollah, et plus précisément sa puissance militaire. Mouvement politico-militaire chiite, le groupe islamiste possède en effet un arsenal important, estimé à environ 150 000 roquettes et missiles, dont certains sont capables d’atteindre des cibles stratégiques en Israël.

Le Hezbollah est d’autant plus redoutable sur le papier que ses capacités de guerre asymétrique sont considérables, et son efficacité renforcée par l’expérience acquise lors du conflit syrien. Mais cette puissance de feu est à la fois un atout et un danger.

Maquette d’une roquette tirée par le Hezbollah sur Israël à Baalbek au Liban en 2005 – Aotearoa (pseudo Wikipedia) | Creative Commons BY-SA 4.0

En effet, s’il y avait une escalade, le Hezbollah aurait très clairement la capacité d’infliger des dégâts importants à Israël. Seulement, une riposte israélienne serait dévastatrice, non pas tant pour le Hezbollah, mais bien pour le fragile Liban dans sa globalité.

Pourtant, le Hezbollah a récemment intensifié ses actions à la frontière sud, notamment en tirant des roquettes et en tentant des incursions contre des positions israéliennes. L’explosion de bipeurs n’a évidemment que renforcé les actions de l’organisation, et ce n’est pas l’annonce de la mort du chef du Hezbollah par Israël qui risque de ralentir les offensives…

Les milices palestiniennes : un facteur supplémentaire d’instabilité ?

Au-delà du Hezbollah, le Liban doit également faire attention aux groupes armés palestiniens, tels que le Hamas et le Jihad islamique palestinien, qui ont des cellules actives dans les camps de réfugiés du pays. Véritables électrons libres, ces groupes pourraient effectivement profiter de la situation pour lancer des attaques contre Israël, en particulier si le conflit entre Israël et Gaza continue de s’intensifier. Leurs actions pourraient alors entraîner des représailles israéliennes, augmentant ainsi encore la probabilité d’une escalade régionale, et donc la probabilité de la chute du Liban.

Israël en alerte : la préparation à un nouveau conflit face au Liban ?

Face à ces différentes menaces, l’armée israélienne a notamment renforcé sa présence à la frontière nord, là où le Hezbollah tente de s’infiltrer et de faire le plus mal. Les déclarations des responsables israéliens ont aussi montré qu’Israël se prépare activement à un scénario de guerre avec le Hezbollah. L’Etat hébreu a ainsi averti que les représailles seraient massives en cas de dégénération en conflit ouvert, et qu’elles ne se limiteraient pas à des frappes ciblées.

Une menace dont le Liban peut clairement avoir peur, lui qui avait subi en 2006 des destructions massives lors du dernier conflit avec Israël. Un nouveau conflit aujourd’hui pourrait donc être encore plus destructeur pour Beyrouth, qui pourrait bien devenir le cœur d’un conflit régional, voire international si une ligne rouge venait à être dépassée.

Le Liban, terrain d’affrontement des puissances régionales

Le Liban est en effet un champ de bataille indirect des rivalités entre l’Iran et ses alliés d’une part, et les États-Unis, Israël, et les pays du Golfe d’autre part. L’Iran utilise notamment le Hezbollah comme un moyen de pression et d’influence dans la région, ce qui rend Téhéran particulièrement dangereux, car capable de déclencher à distance un conflit régional.

Pour éviter cela, des efforts diplomatiques sont ainsi en cours pour contenir les tensions. La FINUL (Force intérimaire des Nations Unies au Liban) joue notamment un rôle crucial pour surveiller la frontière et éviter des affrontements, mais son efficacité serait plus que limitée face à une éventuelle escalade majeure. La communauté internationale, en particulier la France, les États-Unis, et d’autres acteurs, ont appelé au calme, mais leur influence sur le Hezbollah et Israël reste limitée, car ceux-ci ne sont pas neutres.

La crise économique : un autre facteur de déstabilisation

Si le Liban est au bord du gouffre, ce n’est pas uniquement pour des perspectives militaires. En effet, le Liban traverse actuellement la pire crise économique de son histoire moderne, avec une monnaie qui a perdu plus de 90 % de sa valeur, des pénuries d’électricité, d’eau, et de médicaments, ainsi qu’un taux de chômage extrêmement élevé. L’instabilité sociale s’est aussi aggravée, contraignant de nombreux Libanais à lutter inlassablement pour leur survie quotidienne.

Par conséquent, si un conflit venait à éclater, la capacité de l’État libanais à répondre aux besoins de sa population serait encore plus compromise. De même, la destruction d’infrastructures vitales, comme cela s’est produit en 2006, pourrait aggraver une situation déjà franchement désespérée.

La menace d’une explosion interne : le spectre de la guerre civile

Cette crise économique et sociale combinée au risque d’un conflit avec Israël rend vulnérable le Liban à la possibilité d’une explosion interne. L’absence de gouvernement effectif, la corruption généralisée, l’effondrement des institutions, l’insécurité et le mécontentement croissant de la population alimentent en effet les craintes d’une instabilité sociale accrue. Les tensions sectaires pourraient d’ailleurs potentiellement ressurgir assez vite, rappelant alors les souvenirs douloureux de la guerre civile de 1975-1990.

Alors que le moindre incident à la frontière pourrait déclencher un conflit à grande échelle avec Israël, et que les tensions internes menacent de faire imploser le pays de l’intérieur, le Liban est donc dans une situation intenable. Éviter un scénario catastrophe paraît aujourd’hui impossible au vu de la conjecture, sauf si les différents acteurs engagés dans la région venaient à exercer une retenue maximale et à s’engager dans un dialogue diplomatique soutenu. Mais est-ce vraiment leur volonté ? Rien n’est moins sûr…

Quelques liens et sources utiles : 

Albert Dagher, La crise financière du Liban : taux de change, FMI, politique monétaire, L’Harmattan, 2023

Revue Orients Stratégiques n°152023 sous la direction de Pierre Berthelot et de Karim Emile Bitar, Liban : polycrise et menaces existentielles, L’Harmattan, 2023

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