Le 29 février 2024, la Solideo – Société de livraison des ouvrages olympiques – a livré le village des athlètes, trois ans après le début de sa construction.
Réparti sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et l’île de Saint-Denis sur 54 hectares, Il accueillera 14 500 athlètes pendant les Jeux Olympiques, ainsi que 9000 athlètes pendant les Jeux Paralympiques.
Cela fait cent ans que le premier village olympique a été réalisé, lors des Jeux d’été de 1924… à Paris ! Cette infrastructure endosse le rôle essentiel de loger et de nourrir les plus grands athlètes venus du monde entier.
C’est pourquoi l’aménagement du village olympique doit faire l’objet d’une réflexion importante, d’abord afin de répondre aux différents besoins des athlètes internationaux, mais également, pour penser le devenir de cette infrastructure après les Jeux Olympiques et Paralympiques.
L’aménagement du Village pour les Jeux
C’est suite au Congrès olympique de Rome en 1923 que le premier village olympique voit le jour, dans la commune de Colombes, en Ile-de-France. Le Comité d’Organisation des Jeux doit en effet s’acquitter d’une nouvelle règle : « fournir aux athlètes des logements, des objets de couchage et de la nourriture, à un prix forfaitaire qui devra être fixé préalablement par tête et par jour ».
Cette nouvelle obligation rend l’accueil des Jeux plus fastidieux pour les villes hôtes, mais c’est aussi pour cela qu’accueillir un tel événement a un impact sur la scène internationale.
En effet, d’un point de vue géopolitique il s’agit de montrer que l’on a la capacité d’accueillir l’événement sportif le plus suivi au monde. Pour ce qui est du village olympique, cela se traduit principalement par la capacité à fournir aux athlètes un cadre de vie de qualité mais aussi une bonne logistique pour les lieux et dates de compétitions.
Localisation et situation du Village
Le village olympique de Paris 2024 se situe dans le département de Seine-Saint-Denis, à sept kilomètres au nord du cœur de Paris. S’y dessine 300 000 mètres carrés d’allées, d’espaces verts et de bâtiments de tailles et de couleurs différentes.
En plus de leurs logements et de l’immense restaurant ayant remplacé la Cité du cinéma de Saint-Denis, les athlètes ont à leurs dispositions une multitude d’autres installations : une nurserie, une salle de fitness et de musculation, une polyclinique ouverte 24h/24, etc.
Le Village est également bien desservi puisqu’il bénéficie de la proximité de l’autoroute A86 et des lignes 13 et 14 du métro parisien.
La société chargée de l’aménagement de cette « ville dans la ville » est la Solideo, un établissement public d’aménagement créé en 2017 afin de réaliser les ouvrages nécessaires à l’organisation et au déroulement des Jeux Olympiques de Paris 2024.
Cette dernière a livré le village en respectant plusieurs engagements : créer une ville durable, faire travailler l’économie locale et continuer à pousser l’innovation et la technologie.
Une participation inédite des athlètes à la conception
Pour la première fois, des athlètes olympiques et paralympiques ont été consulté sur leur vécu et leurs expériences du Village aux Jeux. Une démarche participative de ce type est inédite dans la conception d’un village olympique, et ce, à l’initiative de la Commission des athlètes de Paris 2024.
Six grands aspects importants évoqués par les athlètes interrogés ont été retenus. D’abord, l’accueil : le pays hôte doit montrer qu’il a pensé à tout pour que les athlètes se sentent chez eux. L’accent est également mis sur le confort. Une athlète évoque le « besoin d’une vie logistiquement simple et intuitive » et évidemment le besoin de repos.
Un village qui favorise la convivialité, les échanges entre les délégations constitue un autre point mis en avant par les athlètes. Aussi, le Village doit « [permettre] d’être connecté aux lieux de célébrations locaux » afin que les sportifs puissent se mêler aux supporters à la fin des épreuves.
De plus, les athlètes interrogés évoquent un besoin en termes d’espaces de détentes et d’activités de loisirs afin de se créer des souvenirs et ne pas penser uniquement à la compétition durant leur bref séjour. Le dernier grand aspect cité concerne la nécessité d’avoir un Village qui réponde aux enjeux de notre société.
Des caractéristiques concrètes du village olympique viennent répondre aux besoins exprimés par les athlètes interrogés tels que la multitude de services mis à leur disposition évoquée ci-dessus, la proximité avec les infrastructures sportives comme le Stade de France ou la nouvelle piscine olympique, les duvets Paris 2024 dans chaque chambre que les athlètes pourront garder en souvenir, la mise en place d’un système de navettes qui garantisse le bon déplacement des personnes à mobilité réduite en vue des Jeux Paralympiques ou encore la présence d’espace verts et la continuité du Village avec les berges de Seine qui permettent de lutter contre les fortes chaleurs.
Des ambitions écologiques affichées
Ce projet urbain d’envergure est d’ailleurs considéré par le gouvernement comme « un véritable accélérateur de la transition écologique ». Le manager des opérations de la Solideo, Yann Krysinski, assure que l’empreinte carbone a été réduite de moitié lors de la phase de construction par rapport à un chantier conventionnel. De plus, la structure ainsi que les façades de nombreux bâtiments sont composés de bois, et, le village olympique disposerait de 100 % d’énergie renouvelable.
Le village des athlètes a été un moyen d’expérimentation de nouveaux procédés pour concevoir des quartiers plus écologiques notamment à travers l’utilisation de matériaux biosourcés, de dispositifs de réutilisation des eaux usées, de stockage des eaux de pluie ou encore d’irrigation des espaces naturels.
Dans les chambres des athlètes, les lits ont été construits avec du carton, comme lors des Jeux de Tokyo 2020, et les matelas ont été conçus à partir de filets de pêche. Les deux matériaux seront recyclés et réutilisés.
Penser l’après Jeux Olympiques et Paralympiques
Les ambitions écologiques mises en avant par la Solideo dans le projet du village olympique n’aurait aucun sens sans penser à la reconversion de celui-ci à la fin de l’événement.
Depuis les plus récentes éditions des Jeux Olympiques, la question de l’utilisation des infrastructures à postériori de la compétition est de plus en plus posée.
Le devenir incertain des villages olympiques
Historiquement, Le Village a d’abord été pensé comme un ensemble d’installations temporaires. Ce n’est que lors des Jeux Olympiques d’été de 1952 à Helsinki, en Finlande, que celui-ci est conçu pour rester après les Jeux et s’intégrer à la ville.
Cependant, l’abandon d’un grand nombre d’infrastructures après plusieurs éditions récentes des Jeux et la sensibilisation croissante de l’opinion publique à la cause environnementale ont remis sur le devant de la scène la question de la pérennité et de la reconversion.
L’exemple des Jeux Olympiques d’hiver de 2014 à Sotchi a été particulièrement frappant. Là où se tenait une réserve naturelle, des marais, des oiseaux, et une plage fréquentée, 30 000 chambres d’hôtels sont sortis de terre pour l’événement. Or, aujourd’hui, celles-ci sont vides et Sotchi est qualifiée de « ville abandonnée » dans la presse.
Également, après les Jeux Olympiques d’été de 2016 à Rio, la réutilisation du village des athlètes est qualifiée d’« échec immobilier ». Selon le média brésilien G1, moins de 15 % des appartements construits avaient été achetés en 2019. Ces derniers ont été vendus à de riches brésiliens, les prix restants beaucoup trop élevés pour une grande partie de la population. De plus, certains habitants évoquent l’isolement du quartier par rapport à des commerces et services du quotidien.
Un héritage bénéfique pour le département de la Seine-Saint-Denis ?
Pour Paris 2024, la communication sur le devenir du Village est très vive de la part des pouvoirs publics. On peut par exemple lire sur le site officiel des Jeux que « courant 2025, les habitants se verront restituer un vrai morceau de la ville du futur, éco-responsable et fonctionnelle ».
Dès l’année prochaine, le Village sera en effet censé accueillir 6000 nouveaux habitants, une résidence étudiante, un hôtel, 120 000 m² d’activités, bureaux et services et 3200 m² de commerces de proximité notamment.
Au-delà de sa proximité avec plusieurs équipements sportifs et du fait d’être bien desservi, le choix de localisation du Village relève aussi d’une volonté politique de transformation de la Seine-Saint-Denis. En effet, 80 % des ouvrages réalisés par la Solideo se situent dans le département et nombre d’acteurs voient en l’organisation des Jeux une véritable possibilité de mutation de ce territoire.
La Seine-Saint-Denis concentre aujourd’hui 35 % de logements sociaux et 65 % des sans-abri de l’Île-de-France. Certains espèrent ainsi que le projet amorce un rééquilibrage social dans le département.
Cependant, l’héritage du village olympique fait notamment débat sur la forte possibilité de gentrification du quartier. Le site Géoconfluence la définit comme « une forme d’embourgeoisement liée à la transformation de l’habitat, des commerces ou de l’espace public ».
Ici, les grands investissements réalisés par la ville de Paris vont se répercuter sur les prix des appartements du Village, annoncés à plus de 7000 euros le m², dont 20 % seront des logements sociaux, plus abordables pour les classes populaires et moyennes.
Ainsi, deux grands points de vue s’opposent : la concentration de sites olympiques en Seine Saint-Denis peut permettre de faire passer le département d’un territoire délaissé à un territoire favorisé. Certes, mais réaliser cet aménagement urbain qualifié « d’exemplaire en termes de durabilité » par Dominique Perrault, architecte et urbaniste français de renommée ayant participé à sa conception, dans un département où plus de 28 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, peut aussi s’inscrire dans une logique de privatisation de la ville aux profits des ménages les plus aisés et une exclusion des populations plus modestes.
À l’heure actuelle, il est difficile de savoir quel(s) impact(s) aura l’héritage du village olympique sur la qualité de vie, l’attractivité ou encore l’image du département de la Seine-Saint-Denis.
Quelques liens et sources utiles
École normale supérieure de Lyon. (s. d.). Les Jeux olympiques de Paris 2024 et leurs effets territoriaux — Géoconfluences. 2002 Géoconfluences ENS de Lyon. https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/les-jeux-olympiques-de-paris-2024-et-leurs-effets-territoriaux
Rédaction, L. (2019, 19 mars). Village olympique : le projet de Dominique Perrault. Chroniques D‘Architecture. https://chroniques-architecture.com/village-olympique-projet-dpa/
Muñoz, Frances (1997): Historic evolution and urban planning typology of Olympic Villages [online article]. Barcelona: Centre d’Estudis Olímpics UAB.