Entre le VIIIe et le XIIe siècle, les échanges commerciaux évoluent en péninsule Ibérique. Effectivement, la domination chrétienne s’amenuise dans un premier temps au profit des musulmans qui maîtrisent la péninsule, mais également la mer.
Les chrétiens se réaffirment comme une puissance commerciale
À partir de l’an mil, la région connaît d’importantes mutations, avec un changement des rapports de force. Il y a une évolution des échanges commerciaux, les royaumes chrétiens s’accaparent de nouvelles lignes de commerces au détriment des musulmans.
Cette région connaît une fort taux d’insécurité, surtout avec le long des frontières entre royaumes chrétiens et Taïfas, mais également une faible densité de population qui ne permet pas un commerce florissant.
Le développement du commerce en péninsule Ibérique
C’est l’élevage toujours plus intensif dans cette région qui permet de créer du commerce. Le commerce est dans un premier temps intérieur, et a pour objectif d’approvisionner les populations en matières premières et en produits finis.
Le commerce se réalise au travers de chemins, de cols, de marchés, puis, à partir du XIIe siècle, de foires. Dès le Xe siècle des chemins commerciaux se distinguent et permettent de structurer les royaumes chrétiens du nord.
En effet, entre la Catalogne et le Roussillon, un chemin émerge par le col du Perthus se qui permet de créer de nombreux échanges entre les deux territoires.
La puissance de la foi dans la péninsule
Les chemins commerciaux sont importants, mais dans la péninsule Ibérique, un long chemin de pèlerinage permet à la région de prospérer : le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Il permet aux hommes comme aux marchandises de circuler.
Ce chemin permet de nombreux contacts et échanges avec les royaumes chrétiens d’au-delà les Pyrénées. Sanche III le Grand, au début du XIe, siècle puis Ferdinand I et en particulier d’Alphonse VI vers la fin du XIe siècle, accentuèrent les échanges avec les royaumes chrétiens voisins. Le commerce existe entre royaumes chrétiens, mais également entre musulmans et chrétiens.
En effet, la frontière sud est un haut lieu du commerce et des échanges. Ces échanges sont extrêmement riches, car les cultures et les procédés de fabrication ne sont pas les mêmes. De nombreux échanges se réalisaient sur la Guinea, qui est l’ancienne route romaine de l’argent, allant de Séville à Gijón.
Lors de la première phase de la Reconquista, les échanges entre le nord de la péninsule Ibérique et les territoires reconquis sont attestés, ce qui permet l’apparition de privilèges au siècle suivant.
L’émergence de places de marché dans la péninsule Ibérique
Dès le XIe siècle, les marchés quotidiens ou hebdomadaires se développent permettant l’échange de produits souvent sous forme de troc. Le renouveau du commerce se fit sûrement ressentir au XIIe siècle, quand les premières foires furent créées, comme en 1116 à Belorado, non loin de Burgos.
Ce commerce intérieur avait pour sujet principal les produits agricoles, qui se faisaient indispensables à une société nord hispanique rapidement urbanisée. La région est source de circulation importante de matières premières, comme la laine ou le lin. Le commerce extérieur se développe davantage, comme nous l’avons déjà évoqué avec les régions françaises, mais également par delà la mer Méditerranée et l’Océan Atlantique.
Dès le XIIe siècle, la ville de Barcelone devient un grand port de commerce. Il existe donc bien un commerce intérieur et extérieur dans la péninsule Ibérique lors de la domination musulmane puis lors de la Reconquista.
Des sources historiques du commerce dans la péninsule
Nos documents sources sont des notices, c’est-à-dire des transcriptions simplifiées d’un acte, contenant alors l’essentiel des informations. Dans le document datant du Xe siècle, c’est une donation : « Notice des biens de Muno Fernandez et de dame Jimena, qui donne à sa fille, dame Urraka ».
Dans celui du XIIe siècle c’est une donation sous forme d’avoir. Les notices sont des copies d’actes effectuées dans un but juridique ou économique.
Les deux textes se retrouvent dans une même œuvre : la Coleccion documental del Monasterio de Santa Maria de Otero de las Duenas. Cette collection fut publiée en 1999 et est composée de deux tomes. Le premier regroupe des documents datés de 854 à 1108. Le second des documents datant de 1109 à 1300. Ils s’intègrent tous deux dans une collection plus importante dirigée par Fernandez Caton, nommée : Fuentes y Estudios de Historia Leonesa dont ils sont les numéros 73 et 74.
Le document du XIIe siècle présente donc un acte à but économique. Elvira Ibanez laisse à ses fils une notice d’avoir. Il énumère tous les biens qu’il leur donne, que ce soit des biens animaliers, textiles, métalliques, des hommes ou bien ressources agricoles. Il y ajoute dans la deuxième moitié du texte, un lieu où une personne est à rencontrer afin de lui donner des biens qui sont essentiellement agricoles : animaux, céréales… La deuxième notice datant du Xe siècle présente Dame Jimena qui donne à sa fille Urraka des biens en raison du mariage de cette dernière.
Les biens sont de natures diverses comme des animaux, des draps ou des objets du quotidien, confectionnés dans le cadre de l’artisanat local ou non.
À partir de ces sources, nous pouvons alors nous poser la question suivante : Comment ces notices peuvent-elles être le souvenir d’un commerce florissant dans la péninsule Ibérique entre le Xe et XIIe siècle ?
Quelques sources et liens utiles
Henri Pirenne, Les villes du Moyen âge, Nouveau Monde Edition, 2017
Joseph Pérez, Histoire de l’Espagne, Fayard, 1996
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Georges Jehel, et Philippe Racinet, Les relations des pays d’islam avec le monde latin du Xe siècle au milieu du XIIIe siècle, Temps, 2000
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« Sept cent ans d’Espagne musulmane », Gabriel Martinez-Gros, L’Histoire n°364, mai 2011
Michel Balard, La Méditerranée médiévale : espaces, itinéraires, comptoirs, Picard, 2006
Juan José Larrea, La Navarre du IVe au XIIe siècle : peuplement et société, De Boeck Université, 1998
Vincent Lagardère, Campagnes et paysans d’Al-Andalus (VIII-XVe s.), Editions Maisonneuve et Larose, 1993
Charles Verlinden, « L’Histoire urbaine dans la péninsule ibérique », Revue belge de Philologie et d’Histoire, 1936