Situé en plein cœur de la “city” de Buenos Aires, au 151 Sarmiento du quartier San Nicolas, le Centro Cultural Kirchner est facilement accessible en métro par les lignes B, A et E. Connu comme le CCK, ou Correo Central, le bâtiment est une parfaite représentation de l’académisme français du XIXe et XXe siècles en architecture.
Ouvert du mercredi au dimanche de 13h à 20h, il est possible de profiter de l’ensemble de ses activités gratuitement.
Une construction titanesque
C’est en 1888 que le président argentin Miguel Juarez Celman accepte la réalisation d’un audacieux projet destiné à abriter le siège du département des postes et télégraphes du pays. Dessiné par l’architecte français Norbert Maillard, l’édifice comprend un toit mansardé, une coupole tronquée et un corps en saillie dans la partie centrale.
Organisé autour d’un patio central, le bâtiment propose une façade avec quatre colonnes et de nombreuses moulures ornementales recouvertes d’une imitation de pierre. Dans le style architectural de l’époque, Maillard préfère maintenir une certaine horizontalité dans son œuvre, la construction de grandes tours n’étant pas au goût du jour.
En 1890, avec la chute du président Miguel Juarez Celman et la terrible crise économique qui s’ensuit, les travaux sont interrompus. Ces derniers ne reprennent qu’en 1905, mais la construction ne commence réellement qu’en 1911.
En 1908 le projet est modifié pour y inclure des agrandissements et une rue piétonne aérienne, censée faciliter l’accès des clients sans emprunter les rues Sarmiento et Corrientes. Cependant jugé irréalisable et trop onéreux, le nouveau projet est abandonné.
En raison de désaccords avec les autorités, Norbert Maillard décide de se retirer du projet et laisse sa finalisation à son principal collaborateur, l’architecte russe Jacques Spolsky. Ce dernier apporte de lourdes modifications au projet en introduisant par exemple des planchers en béton armé et un squelette métallique. En raison de la nature du terrain, il ajoute aussi 2888 pieux en béton armé de 10 mètres de profondeur dans le sol pour assurer la fondation du bâtiment.
Finalement, après vingt ans de travaux, le Grand Palais des Postes et Télégraphes est inauguré en septembre 1928 par le président Marcelo T. de Alvear. À cette époque, le bâtiment abrite aussi en son sein une école, un coiffeur et une pharmacie à la disposition des enfants de postiers.
L’œuvre est titanesque : avec sa façade de style classique, il s’étend sur plus de 100 000 mètres carrés, comprend 9 étages et trois sous-sols. Entouré de plusieurs petites places dont la très belle Plaza del Correo, il fait face à la Casa Rosada située sur la Plaza de Mayo.
Une reconversion réussie
En 1997, le palais des postes est déclaré monument historique national par le gouvernement de Menem pour son architecture remarquable et son importance historique.
En 2001, des travaux de restauration majeurs commencent pour remédier à la détérioration causée par le manque d’entretien et d’investissement. Ces travaux, qui débutent effectivement en 2006, sont achevés en 2010, permettant au bâtiment de retrouver sa splendeur d’origine. Cette rénovation est le fruit d’un projet de concours auquel ont participé près de 340 bureaux d’architecte de plus de 20 pays.
Entre-temps, le bâtiment cesse en 2003 sa fonction de poste central et, pour les commémorations du bicentenaire de la Révolution de Mai 1810, est converti en Centre Culturel. Ses anciens bureaux sont transformés en espace de projection, salle de conférence ou d’exposition. Sa taille colossale en fait le plus grand d’Amérique latine et le cinquième plus grand après le Kaohsiung à Taïwan, le Centre Pompidou à Paris, le Tokyo International Forum, et le Lincoln Center à New York.
En 2009, des travaux de rénovation sont de nouveau entrepris, cette fois-ci sur les quatre façades et l’intérieur du bâtiment. Ces travaux sont achevés en 2015, et le bâtiment rouvre ses portes sous la présidence de Cristina Kirchner, en l’honneur de son défunt mari, le président Néstor Kirchner, décédé en 2010.
Le centre culturel est devenu un espace moderne, spacieux et diversifié, avec un agenda culturel complet. Il est dédié à diverses manifestations artistiques, telles que des concerts, des récitals, des expositions d’arts visuels, des événements de littérature ou de poésie, des festivals, des projections ainsi que des hommages. Pour cela, il comprend une salle de musique symphonique pouvant accueillir 1750 spectateurs, appelée la Baleine bleue en raison de sa forme, ainsi qu’une salle d’exposition de 2000 m² au 6ème étage, recouverte de plaques de verre émettant de la lumière. Il dispose également de six auditoriums pouvant accueillir chacun plus de 100 personnes, 16 salles de répétition, 18 salles polyvalentes, 40 salles d’exposition, trois restaurants et deux bars avec terrasses sur le toit.
Lors de la tenue du G20 en 2018, les grands dirigeants mondiaux se sont réunis au CCK pour différentes réunions. Aujourd’hui, le bâtiment abrite au 1er étage un musée de la poste, avec plus de cinq mille anciennes boîtes aux lettres et au 4ème étage une reconstitution du bureau d’Evita Peron qu’elle occupait à l’époque.
Le Grand Palais des Postes et Télégraphes reste une des principales attractions culturelles et touristiques de Buenos Aires, ouvrant ses portes aux visiteurs désireux de découvrir son histoire riche et son architecture exceptionnelle.
Une place à couper le souffle
Pour l’année mondiale des communications en 1983, il est décidé de rénover la Plaza del Correo qui fait face au CCK. Conçue par Charle Thays à la fin du XIXe siècle, elle a été transformée en parking à partir des années 1930.
En son centre, trône l’impressionnante sculpture de Juana Azurduy, la plus grande sculpture en bronze de toute l’Argentine. Inaugurée en juillet 2015 par la présidente argentine Cristina Kirchner et le président bolivien Evo Morales, l’œuvre de 25 tonnes et 9 mètres de haut a été pensée et sculptée par l’artiste argentin Andres Zerneri. Financée à hauteur d’un million de dollars par le gouvernement bolivien, elle représente la bravoure et la lutte pour l’émancipation contre l’empire espagnol de cette héroïne indigène.
Le Centro Cultural Kirchner depuis Mileï
Après l’élection du nouveau président argentin Javier Milei en 2023, l’ancien Grand Palais des Postes et Télégraphes est de nouveau sous le feu des projecteurs. En effet, le porte-parole du nouveau gouvernement Manuel Adorni a annoncé le souhait du président de rebaptiser l’édifice. Ennemi politique juré du péronisme représenté par les époux Kirchner, Milei désire renommer le Centro Cultural Kirchner en Palacio Libertad pour représenter les changements que le nouveau gouvernement veut mettre en place.
De plus, depuis 2020, une statue de l’ancien président Néstor Kirchner se dresse à l’entrée du bâtiment. Initialement, en 2014, cette statue avait été donnée au siège de l’UNASUR à Quito, en Équateur, où Néstor Kirchner avait été le premier secrétaire général. Cependant, en 2019, sous la présidence de Lenin Moreno, la statue est renvoyée en Argentine. Avec l’arrivée de Javier Milei au pouvoir, il est question de déplacer à nouveau la statue, cette fois-ci à Quilmes, pour la “protéger”…
Ces décisions marquent une nouvelle étape dans l’histoire de ce lieu emblématique, soulignant les transformations politiques et culturelles en Argentine sous le nouveau gouvernement.
Quelques sources et liens utiles
Robayo, Luis. Qué es el CCK y cuándo se inauguró. La Nación.
Iturriza Ignacio. La historia del Centro Cultural Kirchner: de correo a posible palacio libertad. Cadena 3.
Podesta Liliana. Se inspiró en un edificio de Nueva York, fue oficina de un presidente y hoy es el centro cultural más. La Nación.