La guerre franco-marocaine de 1844, un événement clé dans l’histoire des relations entre la France et le Maroc, est souvent éclipsée par d’autres conflits de l’époque.
Ce chapitre explore les intrications politiques et militaires qui ont conduit à cette confrontation, mettant en lumière les stratégies et les enjeux des deux nations. Entre alliances, territoires disputés et répercussions longues durées, cette guerre offre une perspective unique sur la diplomatie et les rapports de force du XIXe siècle.
L’arrivée française en Afrique, ne se limite pas au Maroc
La constitution de l’AFN (Afrique Française du Nord) est un long feuilleton qui, avant de s’intéresser au Maroc, avait débuté en l’Algérie, l’histoire d’une colonisation qui a duré plus de 100 ans. Ce n’est cependant qu’à partir de 1844 que les relations entre la France et le Royaume du Maroc commencent à travers la guerre franco-marocaine. C’est ainsi que commence « le Protectorat français au Maroc ».
Avant d’identifier l’élément déclencheur de la colonisation française du Maroc, il est nécessaire d’évoquer l’intervention française en Algérie. Elle est réalisée durant la dynastie Chérifienne, lors de la souveraineté du Sultan Moulay Abderrahmane (30 novembre 1822 au 27 août 1859), l’indépendance du pays était assurée, malgré une certaine instabilité, notamment à cause des nombreuses révoltes des populations dissidentes.
La conquête française de l’Algérie
C’est en 1830, que Sidi Ferruch aujourd’hui appelée Sidi Ferredj – qui est une presqu’île non loin de la capitale algérienne (Alger) – a vu le débarquement des forces de l’ordre françaises dites « l’Armée d’Afrique ». Cette appellation désigne les différentes unités militaires françaises qui étaient destinées à agir sur l’AFN (Afrique Française du Nord). Cette opération illustre les futures conquêtes qui s’étendront non seulement à l’Algérie, mais aussi au Maroc et à la Tunisie.
Nous sommes en 1832 et l’expansion militaire française s’étend à l’ensemble du territoire algérien, initialement débutée par la zone appelée « l’État d’Abdelkader » un territoire qui occupait la partie centrale et occidentale du pays. La France gagne de plus en plus de terrain, et en seulement deux ans, l’Armée d’Afrique s’octroie « la régence d’Alger ».
C’est une évidence : l’Algérie ne peut résister à l’infaillible conquête française. Cet affaiblissement face à « l’ennemi » n’a pas échappé au pays voisin. C’est dans cette optique que le Maroc envoie des troupes pour soutenir l’armée algérienne, se déclenche par la suite ce qui va être connu sous le nom de guerre franco-marocaine de 1844.
Le soutien marocain aux algériens contre le colon français
C’est en 1844 que le Sultan Moulay Abderahmane, roi du Maroc, soutient le chef Abdelkader contre l’Armée d’Afrique. Plus de 60 000 cavaliers marocains se mobilisent pour expulser l’armée française des terres algériennes. Sans le savoir, le souverain marocain vient d’entrer en guerre contre la France, qui fait du Maroc un deuxième objectif pour la récente République, à savoir que cette période est marquée par de nombreux changements de régimes en France.
Rapidement après ces opérations, la France bombarde plusieurs villes marocaines, ce qui déclenche la guerre franco-marocaine de 1844.
Le mécontentement de la France face au soutien marocain
Toujours en 1844 et après l’intrusion du Maroc, qui est considéré comme « insensée » par la France, le gouvernement français concède à la décision de « réparation », et ne tarde pas à envoyer des renforts, sous le commandement du Prince de Joinville (François d’Orléans, il est le troisième fils et septième enfant de Louis-Philippe, duc d’Orléans puis roi des Français et de Marie-Amélie de Bourbon, Princesse des Deux-Siciles).
La France a donc opté pour la force, après avoir adressé infructueusement de nombreuses demandes au Maroc pour renoncer à l’aide qu’il portait à l’Emir Abdelkader. Demandes auxquelles le Roi du Maroc de l’époque n’a pas répondu, dû à la divergence de point de vue des pouvoirs décisionnaires, notamment à cause du marasme économique et politique du pays.
La crise de Tanger, par le bombardement de la ville
La ville de Tanger, à la limite avec la mer Méditerranéenne et l’Océan Atlantique fut le premier objectif d’attaque de l’armée française, celle-ci avait déjà envahi tout le large tangérois. Le 6 août 1844, à trois heures du matin plusieurs navires bombardent les remparts et tout le rivage.
Un affrontement violent se déclenche entre l’armée française, composée de 28 navires militaires modernes et l’armée marocaine, composée des milliers de soldats mais naviguant sur une centaine de canots. Les bombardements durent jusqu’au petit matin. Le bombardement de Tanger se termine avec la mort de plusieurs centaines de soldats marocains, et la victoire du Royaume de France.
L’invasion d’Essaouira
À peine le bombardement de la ville de Tanger se termine, que l’armée française se déploie ailleurs au Maroc. En effet, celle-ci met rapidement le cap vers l’Essaouira, appelé encore à l’époque Mogador à cause du passé portugais de la ville et notamment de la forteresse proche de celle-ci, pour capter les richesses commerciales.
En effet l’Essaouira est connu pour être « un comptoir commercial très prisé[1] ». Cette ville portuaire marocaine le long de l’Océan Atlantique, se trouve à 172 kilomètres au nord d’Agadir.
Le 15 et 16 aout, la France attaque Essaouira visant la Sqala du Port (bâtie en 1769, la Sqala est une fortification qui servait de bouclier pour la ville et plus précisément pour le port, il s’y trouvait de nombreux canons de bronze). La France commence l’attaque déclenchant de la sorte une bataille qui ne va durer que deux heures, suffisantes pour assoir la victoire du Royaume de France sur le Maroc. Durant les échanges de feu, l’artillerie est commandée par François d’Orléans.
Le débarquement des forces françaises est réalisé par 15 navires. Du côté du Marocain, Omar Lāalaj ordonnait aux canonniers de riposter intensivement en visant les navires français, ce qui n’aboutit à quasiment aucune perte humaine ou matérielle, car face à l’artillerie française les Marocains renoncèrent à la contre-offensive et cédèrent rapidement le rivage.
L’armée française envahit le même jour l’ilot de Mogador qui est occupé par une centaine de soldats marocains. Ils sont fait prisonniers, puis échangés contre des résidents européens. La conquête de l’ilot est réalisée par François d’Orléans qui avait ordonné à ses soldats d’y débarquer en force. L’ilot comptait plus de 300 Marocains armés qui se sont défendus comme ils pouvaient. L’offensive a provoqué des morts côté marocain et des blessés côté français.
[1] Histoire de Mogador-Essaouira ; art. du Dafina.net 22/08/2019
Quelques liens et sources utiles
Edouard Moha, Histoire des relations franco-marocaines, Picollec, 1995
Guillaume Denglos, La revue Maghreb (1932-1936) : Une publication franco-marocaine engagée (Histoire et perspectives méditerranéennes), L’Harmattan, 2015
Henri-Jean-Jules Mordacq, La guerre au Maroc : enseignements tactiques des deux guerres franco-marocaine 1844, Hachette Livre BNF, 2016