La chanson Here’s to You, composée pour la bande originale du film Sacco et Vanzetti, est un hommage puissant aux deux anarchistes Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti.
Composée en 1971 par Joan Baez et Ennio Morricone, elle retrace l’histoire de l’affaire Sacco et Vanzetti, un drame judiciaire américain des années 1920, évoqué dans la création de Giuliano Montaldo.
Here’s to you, Nicola and Bart,
Les paroles de la chanson Here’s to you, une ode à l’anarchie
Rest forever here in our hearts,
The last and final moment is yours,
That agony is your triumph.
Une société industrielle au bord de l’explosion
La sortie de la Première Guerre mondiale provoque une inflation record dans les pays d’Europe et aux États-Unis. Les économies de guerre doivent être transformées. En parallèle, les ouvriers se mobilisent pour obtenir de meilleures conditions de travail, notamment une réduction du temps de travail et de meilleurs salaires.
Aux États-Unis, de nombreux attentats anarchistes marquent l’année 1919. Des responsables politiques et des entreprises privées sont visés. En 1920, la banque Morgan à Wall Street est la cible d’un attentat à la bombe, qui fait 38 morts et plus de 200 blessés.
Les États-Unis connaissent une période de « Peur rouge« , où l’opinion publique amalgame grévistes, socialistes, communistes et étrangers. Une véritable peur de la gauche, et surtout du bolchevisme, se répand. L’URSS n’est pas encore une puissance dangereuse, mais ses idées paniquent les Américains.
Arrestation de Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti
Un braquage échoué et un autre réussi entre 1919 et 1920 dans le Massachusetts poussent les enquêteurs à s’intéresser à Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti. Ils sont connus par la police pour être des militants radicaux favorables au terrorisme révolutionnaire, sans pour autant posséder un casier judiciaire. La police pense que les deux hommes ont cherché à financer le terrorisme.
Un autre Italien, Ferruccio Coacci, ancien ouvrier des deux manufactures ciblées par les braquages, est également soupçonné. Des cartouches de calibre 7,65 × 17 mm Browning identiques à celles retrouvées dans le corps des convoyeurs sont trouvées chez lui. Son colocataire Mario Buda est également suspecté, notamment parce qu’il est le propriétaire de la voiture utilisée lors du second braquage.
La police parvient à arrêter Sacco et Vanzetti, mais les deux autres suspects ne sont pas appréhendés. Le procès débute alors le 22 juin 1920.
Un procès pour le symbole
Pour le premier procès, l’accusation se base quasi exclusivement sur des témoignages. Vanzetti est condamné à 12 à 15 ans de prison, tandis que Sacco est innocenté grâce à la pointeuse de l’usine où il travaille.
Le second procès débute le 31 mai 1921, après l’attentat anarchiste de Wall Street. Il y a une volonté de marquer le coup et d’être intransigeant envers les anarchistes. L’accusation se base surtout sur la balistique, une science encore balbutiante.
Sans preuves accablantes, les deux hommes sont condamnés à la peine capitale pour les crimes de South Braintree (le second braquage). Un comité de défense est rapidement monté pour financer Fred Moore, l’avocat des deux accusés.
Le soutien des fascistes italiens
En Italie, le procès fait grand bruit. Les fascistes italiens, qui ne sont pas encore au pouvoir, exhortent le gouvernement italien à soutenir Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti. Avec leur prise de pouvoir en 1922, Benito Mussolini intercède en faveur des deux condamnés auprès de Channing H. Cox, gouverneur du Massachusetts, ainsi que du président Calvin Coolidge, par l’intermédiaire de l’ambassadeur d’Italie aux États-Unis.
Un procès sans issue
Malgré les aveux de Celestino Madeiros, un bandit, qui affirme avoir commis le braquage de South Braintree, le juge refuse de rouvrir le dossier. Sacco est placé dans un hôpital psychiatrique en 1923 et Vanzetti en 1925. Leur condamnation à mort est confirmée le 12 mai 1926.
Malgré plusieurs reports de l’exécution et un soutien local et international, les deux hommes sont exécutés dans la nuit du 22 au 23 août 1927, à la prison d’État de Charlestown, dans la banlieue de Boston.
Pour la postérité – Here’s to You 🎶
Le 23 août 1977, exactement 50 ans après leur exécution, le gouverneur du Massachusetts, Michael Dukakis, absout officiellement les deux hommes et les réhabilite. Il déclare que « tous les déshonneurs devaient être enlevés de leur nom pour toujours. »
Si cette chose n’était pas arrivée, j’aurais passé toute ma vie à parler au coin des rues à des hommes méprisants. J’aurais pu mourir inconnu, ignoré : un raté. Dorénavant, nous ne sommes plus des ratés. Ceci est notre carrière et notre triomphe. Jamais, dans toute notre vie, nous n’aurions pu espérer faire pour la tolérance, pour la justice, pour la compréhension mutuelle des hommes, ce que nous faisons aujourd’hui par hasard. Nos paroles, nos vies, nos souffrances ne sont rien. Mais qu’on nous prenne nos vies, vies d’un bon cordonnier et d’un pauvre vendeur de poissons, c’est cela qui est tout ! Ce dernier moment est le nôtre. Cette agonie est notre triomphe.
Vanzetti, condamné avec Sacco à l’électrocution, répond le 9 avril 1927 au juge Thayer
Selon une émission de la National Public Radio (NPR) du 4 mars 2006, l’écrivain Upton Sinclair, qui avait beaucoup écrit en faveur de Sacco et Vanzetti, avait fini par avoir des doutes sur leur innocence. Il avait alors interrogé leur avocat, Fred Moore.
Seul avec Fred dans une chambre d’hôtel, je lui ai demandé toute la vérité. Il m’a alors avoué que les hommes étaient coupables et m’a raconté en détail comment il avait monté une série d’alibis en leur faveur.
Dans une lettre découverte par un collectionneur lors d’une vente publique, Sinclair aurait écrit ceci.
Quelques liens et sources utiles
Felix Frankfurter, The Case of Sacco and Vanzetti: A Critical Analysis for Lawyers and Laymen, William S. Hein & Company, 2003
Michel Ragon, Dictionnaire de l’Anarchie, Albin Michel, 2008
Ronald Creagh, L’affaire Sacco et Vanzetti, Lyon, Atelier de création libertaire, 2004.