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Du premier tracteur aux tracteurs modernes, 150 ans d’innovations

L’agriculteur est indissociable de son tracteur, symbole de l’agriculture moderne et porte-étendard de la modernisation post guerre (39-45).
Labour motorisée - Henry Bucklow/Lazy Photography | Creative Commons BY-SA 4.0
Labour motorisée – Henry Bucklow/Lazy Photography | Creative Commons BY-SA 4.0

Dans l’imaginaire commun, l’agriculteur est indissociable de son tracteur, symbole de l’agriculture moderne. Porte-étendard de la modernisation de l’agriculture au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, cet engin n’a pourtant pas toujours été hégémonique dans les fermes.

Ainsi, avant 1940, on comptait 1 tracteur pour 200 exploitations, tandis qu’aujourd’hui on en dénombre en moyenne 2,2 par exploitation.

Par ailleurs, l’énergie majoritaire mondiale est encore manuelle ou animale. Les paysans ayant accès à la motorisation étaient peu nombreux. Dans les pays occidentaux, le tracteur est bien central dans le travail de la plupart des agriculteurs, et sa présence sur les fermes est le fruit d’une évolution relativement récente.

L’invention du premier tracteur en Russie

Pour faire simple, un tracteur est un véhicule motorisé destiné à tracter des machines et des outils. Ainsi, les premiers engins qui étaient nommés tracteurs en France étaient des véhicules destinés à tracter des remorques.

En agriculture, son utilisation est récente, et pour cause, son invention ne remonte qu’à la fin du XIXe siècle. Dans la lignée des avancées importantes autour de la mobilité (terrestre, maritime ou aérienne), c’est en 1881 que le russe Fiodor Abramovich Blinov (1831-1902) aurait inventé le premier tracteur. Ce tracteur fonctionnait à la vapeur et était doté de chenilles.

Le tracteur de Blinov sur un timbre-poste en 1896 | Domaine public
Le tracteur de Blinov sur un timbre-poste en 1896 | Domaine public

Fiodor Abramovich Blinov est né dans le village de Nikolskoye dans la province de Saratov au sein d’une famille de forgerons.

Mécanicien, autodidacte et fabricant d’outils, Blinov a un temps vécu à la rue avant de travailler sur le navire à vapeur Hercules en tant que soutier.

À partir de 1855, il devient machiniste sur ce même navire et travaille tout particulièrement sur le moteur vapeur du bâtiment, en cherchant constamment à l’améliorer. Suite à cette expérience, Blinov obtient une dotation d’un riche marchand, Kanunnikov, afin de développer différentes inventions. Parmi elles, le tracteur à chenille à vapeur.

En premier lieu, Blinov aurait réalisé un tracteur à chenille hippomobile, avant de développer un moteur à vapeur et de travailler sur l’indépendance des chenilles, facilitant la rotation de l’engin. Ainsi, en 1881 le premier tracteur est né. Cette invention n’est pas systématiquement attribuée à Blinov, car le brevet ne fait pas mention d’un moteur sur l’invention du russe, et la controverse est encore importante chez les historiens.

Premières tentatives d’industrialisation aux États-Unis

Seulement 11 ans après l’invention du premier tracteur par Blinov, John Froelich (1849-1933) invente le premier tracteur à essence, bien plus efficace que son prédécesseur à vapeur.

John Froelich, un innovateur agricole

Né dans l’Iowa, ce descendant d’immigré allemand s’est rapidement passionné pour le machinisme agricole et se retrouve fréquemment sur les chantiers de battage des Grandes Plaines de l’Iowa et du Dakota.

Les moissonneuses sont à vapeur, les difficultés techniques sont nombreuses, et les rendements très faibles. Parallèlement à ses activités agricoles, Froelich fait l’acquisition d’un moteur de 4,5 ch à la société de John Charter et commence à travailler avec. Les difficultés techniques des moissonneuses à vapeur combinées au savoir que Froelich acquiert sur les moteurs à explosion, le conduisent à développer un tracteur à essence, équipé d’un moteur à explosion en 1892.

Ce tracteur est directement utilisé dans le Dakota du Sud la même année, sur une période de 44 jours, et fournit des rendements importants (plus de 40 t par jour). L’invention est un succès, et John Froelich s’attelle dès lors à la diffuser, cherchant à l’industrialiser.

L’engin pouvait se déplacer en marche avant et en marche arrière et son moteur monocylindre développait une puissance de 20 ch. Froelich monte alors une compagnie, la Waterloo Gasoline Traction Engine Company afin de construire et commercialiser le modèle Waterloo boy R.

Le tracteur Froelich en 1892 - Auteur inconnu | Domaine public
Le tracteur Froelich en 1892 – Auteur inconnu | Domaine public

Hélas, seulement deux tracteurs sont effectivement vendus, et les engins n’apportent pas satisfaction. Froelich se détourne dès lors de la fabrication de tracteurs et exercera divers métiers, dont celui de financier. Sa société sera rachetée après son départ par une entreprise agricole qui souhaite diversifier ses activités en construisant des tracteurs : John Deere.

Aujourd’hui, Froelich est considéré comme l’inventeur du tracteur à essence, bien que de nombreux historiens attribuent cette invention à John Charter qui avait, selon un procédé similaire, développé un tracteur à essence en 1887. Mais le tracteur de Froelich, capable de se mouvoir en avant et en arrière et de développer une puissance plus importante est actuellement le premier engin doté d’un moteur à explosion à essence utilisable pour les travaux des champs.

Le tracteur s’impose dans les champs

Si la machine de Froelich n’eut pas le succès escompté, c’est qu’il faut attendre encore quelques années et quelques innovations pour voir le tracteur moderne apparaître.

L’innovation française par Henry Bauchet

Tout d’abord, l’ingénieur français Henry Bauchet se penche sur un modèle de tracteur à chenille à moteur fixe qu’il équipe de sa « transdirection », technologie brevetée permettant une mobilité accrue.

Ainsi, l’ancêtre des chenillards que l’on peut voir aujourd’hui dans les vignes est né. Afin d’augmenter la cadence de production de tracteurs dans les usines, de nombreuses innovations voient le jour sur les chaînes de construction au début du XXe siècle.

Le fordisme à l’échelle des tracteurs

Henry Ford se lance dans la construction de tracteur dans l’objectif de « retirer le fardeau de l’agriculture de la chair et du sang pour le placer sur l’acier et les moteurs ». Sa conception du travail, connue sous le nom de Fordisme, lui permet d’atteindre rapidement des coûts de production très faibles, ainsi qu’une rapidité dans la construction de ses tracteurs.

Le Fordson, premier modèle de la marque éponyme (contraction de Ford and Son), est le premier tracteur à bâti unitaire en fonte, constituant ainsi le premier tracteur moderne de l’Histoire.

Tracteur Fordson attelé à une scie circulaire - Jarek Tuszyński | Creative Commons BY 3.0
Tracteur Fordson attelé à une scie circulaire – Jarek Tuszyński | Creative Commons BY 3.0

Dès 1926, Ford produit 100 000 tracteurs chaque année, exportés à travers les États-Unis et l’Europe.

Des tracteurs de luxe ?

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le nombre de tracteurs croît fortement. Véritable poule aux œufs d’or pour les constructeurs, la modernisation de l’agriculture entraîne tout un tas de petits constructeurs d’engins agricoles vers la richesse.

Ainsi, en 1948, un fils d’agriculteurs débute son activité de fabricant de tracteurs : Ferruccio Lamborghini, à travers son entreprise Lamborghini Trattori. L’Italien met alors ses compétences en machinisme et en mécanique pour concevoir des tracteurs à partir d’anciens engins de guerre, profitant de la demande particulièrement importante dans son pays.

En 1951, le premier tracteur entièrement produit par Lamborghini voit le jour, le L33.

Le mythique L33, construit par Ferruccio Lamborghini – Thomas Vogt | Creative Commons BY 2.0
Le mythique L33, construit par Ferruccio Lamborghini – Thomas Vogt | Creative Commons BY 2.0

Rapidement, la marque devient incontournable en Italie, et ses tracteurs s’établissent parmi les plus populaires des années 50, derrière Fiat et Ferguson. Fort de sa nouvelle fortune, Ferruccio Lamborghini s’adonne à sa passion : le sport automobile et les voitures de luxe. Il est alors critiqué par Enzo Ferrari, l’un de ses concurrents : « Lamborghini, vous êtes peut-être capable de conduire un tracteur, mais vous ne saurez jamais conduire une Ferrari convenablement ».

Aujourd’hui, la marque n’est plus associée aux tracteurs aux yeux du grand public mais bien aux modèles automobiles de luxe, et certains peuvent s’étonner d’en croiser dans les campagnes. Pourtant, Lamborghini Trattori continue de concevoir des machines agricoles, et est régulièrement récompensé pour la qualité de ses engins.

Les tracteurs ont été un puissant outil de la modernisation de l’agriculture française, la motorisation et la taille des machines se sont accrues et ont forcé les paysans à se spécialiser.

Aujourd’hui, notre agriculture est majoritairement conçue et pensée autour du tracteur, une invention d’à peine plus d’un siècle qui a su prendre sa place dans nos campagnes en quelques décennies.

Quelques liens et sources utiles

Christian Muguet, Fadéla Benabadji, Tracteurs – Un siècle de fabrication, ed. Lodi, 2014

Collectif, Histoire des Tracteurs, Parragon Eds, 2006

Collectif, Tracteurs, une histoire illustrée, Artemis, 2016

Peter Henshaw, Jean-Paul Estivie, Tracteurs, la saga des plus grandes marques, Artemis, 2020

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