Vous avez sûrement déjà entendu parler de cette cité antique engloutie dans les profondeurs de la mer. Mais vous êtes-vous déjà demandé si l’Atlantide avait réellement existé ?
Pour éclaircir le sujet, un voyage historique s’impose.
Une histoire qui traverse les époques
C’est à travers le dialogue de Critias, rédigé vers trois cent soixante avant J.-C. de la main du philosophe grec Platon, que l’histoire de l’Atlantide nous est précisément contée pour la première fois.
De nombreuses recherches sont toujours menées aujourd’hui par des archéologues, des géologues, des volcanologues ou même des entrepreneurs pour trouver l’Atlantide. Il n’est plus surprenant de voir fréquemment dans les médias : “on a localisé l’Atlantide !”, comme le 23 août 2016, lorsque La Stampa, un quotidien italien, assure que l’on a déterminé la position de l’île perdue grâce à la photogrammétrie aérienne.
L’Atlantide connaît un immense succès, d’abord dans la littérature, et plus récemment, dans le domaine de l’audiovisuel. Cette histoire traverse les époques depuis maintenant plus de deux mille quatre cents ans, et elle n’a sans doute pas fini son voyage dans le temps !
On dénombre aujourd’hui environ quarante mille œuvres autour du globe traitant de l’existence de l’Atlantide. Pour mieux comprendre de quel succès nous parlons, il est inévitable de revenir à l’origine de cette île perdue.
L’origine de la cité de l’Atlantide
Par l’intermédiaire de son personnage nommé Critias, pareil à l’intitulé de son œuvre, Platon nous décrit une cité ayant vécu il y a neuf mille ans de cela, sur une île immense d’une superficie d’environ quatre cent mille kilomètres carrés, située au-delà des Colonnes d’Hercule. Il s’agit également d’un royaume appartenant au dieu de la mer, Poséidon.
Cette île était dotée d’abondantes ressources : métaux précieux, forêts luxuriantes, riche biodiversité, terres fertiles, fleuves. Le peuple atlante était vertueux, ne connaissait ni pauvreté ni famine, et vivait en harmonie avec la nature. Le royaume atlante était une véritable puissance commerciale et militaire. En bref, un véritable paradis perdu sur Terre.
Ce concept de royaume paradisiaque continue de fasciner les explorateurs, et de nombreuses représentations imaginaires continuent à apparaître sur les planisphères, et notamment avec l’île de Frisland.
Mais au fil du temps, les rois atlantes adoptèrent une politique de plus en plus agressive envers les autres peuples, et voulurent coloniser le reste du monde. Les habitants eux, se détachèrent progressivement de l’autorité de Poséidon.
Ainsi, l’apocalypse ayant entraîné la disparition de l’île fut la punition divine réservée aux Atlantes pour leur indécence. Seuls quelques bergers illettrés auraient survécu de ce raz de marée et se seraient réfugiés dans les montagnes.
La recherche sans fin du royaume perdu
Au cours de l’Antiquité, personne n’essaya de localiser l’Atlantide et durant le Moyen-Age, l’histoire de cette cité avait été oubliée. C’est avec la redécouverte de la littérature grecque et romaine pendant la Renaissance, que les premières théories et recherches émergent.
Platon situait l’Atlantide au-delà des Colonnes d’Hercule dans son récit, qui désigne l’actuel détroit de Gibraltar. Malgré cette indication géographique, l’île a fait l’objet de recherches un peu partout à la surface du globe jusqu’à aujourd’hui.
La découverte de l’Amérique à la fin du XVe siècle a même fait naître chez certains l’idée que l’île n’avait pas entièrement coulé mais qu’elle se serait déplacée vers l’ouest depuis la péninsule ibérique et donc, que le Nouveau Continent n’était autre que l’Atlantide. Derrière cette hypothèse, il y avait toutefois un enjeu politique. Si l’île avait dérivé depuis les côtes espagnoles, ne reviendrait-elle pas de droit au roi d’Espagne?
Et encore aujourd’hui, l’histoire fascine tellement que certains auteurs déforment le récit de Platon pour que celui-ci concorde avec leurs théories pseudo-scientifiques. Il est ainsi difficile de trouver des hypothèses fiables, qui ne sont pas simplement divulguées à des fins politiques ou personnelles.
Une enquête du journaliste italien Sergi Frau publiée en 2003 a convaincu certains historiens que la Sardaigne était conforme à la description que faisait Platon de l’Atlantide. Bien que la position de l’île italienne ne corresponde pas, Frau affirme que la localisation des Colonnes d’Hercule était contradictoire dans la littérature ancienne. Cependant, on a pu prouver qu’Homère et Hésiode situaient bien ce lieu mythique au détroit de Gibraltar. Et, à l’heure actuelle, il n’y a aucune preuve tangible de l’existence de l’Atlantide
Que ce soit par un scientifique ou un simple explorateur, on retrouve tout type d’acteur dans la recherche de la cité perdue. Le célèbre réalisateur et scientifique James Cameron a produit un documentaire d’une heure et demie en 2017 montrant des enquêtes menées pour trouver l’Atlantide. Lorsque des célébrités ou des spécialistes s’emparent du sujet, il devient plus difficile de ne pas y croire.
Cependant, d’après la description de l’île, il y a de quoi se demander comment un continent aussi grand aurait pu ne laisser aucune trace, en partant du principe qu’il ait existé. Pour ce qui est des conditions de la disparition de l’Atlantide, certains historiens s’accordent à dire qu’il s’agit de plusieurs séismes de fortes magnitudes et d’une inondation de grande ampleur. Cela en raison des risques sismiques particulièrement importants dans le détroit de Gibraltar.
Une histoire… fausse ?
La précision avec laquelle Platon écrit rend d’autant plus crédible son histoire. Il date son récit et nous cite même sa source : son grand-père, Critias l’ancien, qui lui aurait transmis ce que Solon, homme d’État athénien du VIe siècle avant J.-C., avait appris lors d’un voyage en Égypte.
Des prêtres égyptiens lui expliquèrent qu’ils avaient conservé l’histoire de ce déluge par écrit là où le peuple athénien n’a pas pu, puisque les seuls rescapés de cette série de catastrophes naturelles furent des bergers illettrés incapables de transmettre cette histoire aux générations futures.
Malgré cette parfaite concordance, le portrait que dresse Platon des anciennes cités grecques comporte des similitudes avec les cités de son temps. De plus, les détails mêmes qui donnent plus d’ampleur au dialogue s’inspirent de plusieurs auteurs dont les ouvrages étaient accessibles à Platon, à savoir Homère, Hérodote ou encore Hésiode.
« Les monuments écrits disent que votre cité détruisit jadis une immense puissance qui marchait insolemment sur l’Europe et l’Asie tout entières, venant d’un autre monde situé dans l’océan Atlantique. On pouvait alors traverser cet Océan ; car il s’y trouvait une île devant ce détroit que vous appelez, dites-vous, les colonnes d’Héraclès. Cette île était plus grande que la Libye et l’Asie réunies. De cette île on pouvait alors passer dans les autres îles et de celles-ci gagner tout le continent qui s’étend en face d’elles et borde cette véritable mer. Car tout ce qui est en deçà du détroit dont nous parlons ressemble à un port dont l’entrée est étroite, tandis que ce qui est au-delà forme une véritable mer et que la terre qui l’entoure a vraiment tous les titres pour être appelée continent.
Or dans cette île Atlantide, des rois avaient formé une grande et admirable puissance, qui étendait sa domination sur l’île entière et sur beaucoup d’autres îles et quelques parties du continent. En outre, en deçà du détroit, de notre côté, ils étaient maîtres de la Libye jusqu’à l’Égypte, et de l’Europe jusqu’à la Tyrrhénie.
Or, un jour, cette puissance, réunissant toutes ses forces, entreprit d’asservir d’un seul coup votre pays, le nôtre et tous les peuples en deçà du détroit. Ce fut alors, Solon, que la puissance de votre cité fit éclater aux yeux du monde sa valeur et sa force. Comme elle l’emportait sur toutes les autres par le courage et tous les arts de la guerre, ce fut elle qui prit le commandement des Hellènes ; mais, réduite à ses seules forces par la défection des autres et mise ainsi dans la situation la plus critique, elle vainquit les envahisseurs, éleva un trophée, préserva de l’esclavage les peuples qui n’avaient pas encore été asservis, et rendit généreusement à la liberté tous ceux qui, comme nous, habitent à l’intérieur des colonnes d’Héraclès. Mais dans le temps qui suivit, il y eut des tremblements de terre et des inondations extraordinaires, et, dans l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit néfastes, tout ce que vous aviez de combattants fut englouti d’un seul coup dans la terre, et l’île Atlantide, s’étant abîmée dans la mer, disparut de même. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, cette mer-là est impraticable et inexplorable, la navigation étant gênée par les bas fonds vaseux que l’île a formés en s’affaissant.
Voilà, Socrate, brièvement résumé, ce que m’a dit Critias, qui le tenait de Solon. »
Platon, Timée, 24 e – 25 e, traduction d’Émile Chambry
Aucune réalité scientifique, un simple mythe grec ancien
L’élément qui achève de convaincre certains spécialistes que l’Atlantide n’a jamais existé est la date donnée par Platon. Il nous parle de cités antiques ayant existé il y a neuf mille ans ! Or à son époque, personne ne connaissait la durée des temps passés. Les sciences géologiques, archéologiques et bien d’autres nous permettant de reconstituer des périodes de l’histoire sont un savoir récent. La découverte de la radioactivité qui a permis par la suite d’établir une datation absolue des roches ne date que de la fin du XIXe siècle. Pour les civilisations grecques, l’histoire de l’Homme remontait au maximum à quelques millénaires !
Cette histoire serait alors bel et bien montée de toutes pièces par Platon qui souhaitait en réalité critiquer la cité athénienne à travers ce mythe. Dans son récit, l’Atlantide correspond en fait à Athènes. Corrompue par sa richesse illimitée, elle adopte une politique impérialiste et conquiert l’entièreté du continent africain ainsi que l’Europe de l’Ouest jusqu’à l’Italie. Il semblerait ainsi que l’Atlantide était un moyen détourné pour Platon de critiquer la démocratie athénienne.
Le succès rencontré par l’Atlantide s’explique sans doute par le désir d’en savoir plus sur un paradis perdu et une civilisation exceptionnelle mais également par l’habileté de l’auteur qui a réussi à faire rêver l’humanité de par son récit, et ce, depuis plus de deux millénaires.
Quelques liens et sources utiles
Petitfils, J. (2019). Les énigmes de l’histoire du monde. Edition Perrin.
« L’Atlantide, un mythe hérité de Platon », National Geographic, 2020
Pierre Vidal-Naquet, L’Atlantide : Petite histoire d’un mythe platonicien, Points, 2007
W Scott-Elliot, L’Histoire de l’Atlantide : Esquisse géographique, historique et ethnologique, Alicia Editions, 2020