L’article en bref : trente ans après le siège de Sarajevo, la justice italienne enquête sur des « safaris humains ». Des étrangers fortunés auraient payé des forces serbes pour tirer sur des civils, non par idéologie, mais pour le plaisir. Relancée par un documentaire, cette affaire sordide pourrait enfin faire la lumière sur l’une des facettes les plus obscures de la guerre, même si le scepticisme demeure.
Trente ans après le siège de Sarajevo, une rumeur glaçante refait surface : des étrangers fortunés auraient payé pour tirer sur des civils. Le parquet de Milan vient d’ouvrir une enquête pour meurtre aggravé, ravivant les soupçons d’un macabre safari à Sarajevo et la quête de vérité sur ces « touristes de la mort ».
La rumeur macabre des « safaris humains » devient une affaire d’État
Une affaire sordide, qui hante les mémoires depuis les années 90, vient de prendre une tournure judiciaire officielle. Le parquet de Milan a ouvert une enquête pour meurtre volontaire aggravé.
La cible ? Des individus soupçonnés d’avoir participé à un macabre « macabre « safari de guerre » ». L’idée est glaçante : des étrangers fortunés auraient payé des forces serbes pour tirer sur des civils durant le siège de Sarajevo (1992-1996). Il ne s’agirait pas de mercenaires, mais de « touristes » venus tuer pour le plaisir.
Cette enquête fait suite à la plainte de l’écrivain milanais Ezio Gavazzeni et à un rapport de l’ancienne maire de Sarajevo, Benjamina Karić. Tous deux ont été marqués par un documentaire choc, « Sarajevo Safari » (2022).
Pourtant, ces rumeurs sur des snipers étrangers ne sont pas récentes. Elles circulent depuis le conflit lui-même. Mais aujourd’hui, la justice italienne prend très au sérieux ces accusations de safari à Sarajevo. L’enquête est en cours, et elle pourrait révéler l’une des pages les plus sombres et méconnues de la guerre de Bosnie.
Un documentaire comme détonateur, des enquêtes en cours
L’étincelle qui a ravivé cette affaire sordide est récente. C’est un documentaire slovène de 2022, Sarajevo Safari, qui a véritablement servi de catalyseur. Le film a jeté une lumière crue sur ces accusations, poussant les autorités à se saisir du dossier. Il s’appuie sur des témoignages anonymes, glaçants. Un ancien soldat serbe et un « intermédiaire » y décrivent, face caméra, l’organisation méticuleuse de ces chasses à l’homme pour de riches clients occidentaux, avides de sensations fortes.
Ces révélations ont trouvé un écho judiciaire en Italie. Une enquête italienne est désormais menée par le procureur de Milan, Alessandro Gobbi. Les chefs d’accusation sont d’une gravité extrême : meurtre volontaire aggravé par la cruauté et des motifs abjects. Les sommes évoquées donnent le vertige. On parle de paiements allant jusqu’à 90 000 ou 100 000 euros pour un « week-end de tir ». Certains témoignages font même état de tarifs variables, la vie d’un enfant coûtant prétendument plus cher que celle d’un adulte.
Ces faits s’inscrivent dans le contexte tragique des guerres de Yougoslavie, une période complexe de l’histoire contemporaine de cette région. Suite aux révélations, une enquête ouverte en Italie cherche à faire toute la lumière sur l’implication de ressortissants. C’est l’écrivain Ezio Gavazzeni qui, choqué par le documentaire, a déposé une plainte formelle.
Pendant ce temps, l’enquête ouverte en Bosnie dès 2022 semble, elle, marquer le pas, laissant les familles des victimes dans l’attente.
Le contexte glaçant du siège : la « Sniper Alley »
Le siège de Sarajevo a duré près de quatre ans, d’avril 1992 à février 1996. Une éternité. Durant cette période, la ville a été soumise à une terreur constante. Plus de 10 000 morts, dont des milliers de civils, sont tombés sous les bombardements et les tirs de snipers. La vie quotidienne était un pari. Aller chercher de l’eau, du pain, ou simplement traverser la rue pouvait vous coûter la vie. Les civils étaient ciblés délibérément.
L’horreur de cette situation s’incarne dans un lieu : la tristement célèbre « Sniper Alley ». Ce boulevard, l’artère principale Meša Selimović, était un couloir de la mort. Le traverser relevait de l’acte suicidaire. C’est là, sur un pont, que le couple Boško Brkić et Admira Ismić, surnommés les « Roméo et Juliette de Sarajevo », a été abattu en 1993. Leur histoire tragique symbolise la vulnérabilité absolue d’une population prise au piège.
| Élément | Donnée |
|---|---|
| Durée du siège | Avril 1992 – Février 1996 (près de 4 ans) |
| Nombre total de victimes | Plus de 11 500 morts |
| Victimes civiles | Environ 5 000 (dont plus de 1 500 enfants) |
| Lieu emblématique de la terreur | « Sniper Alley » (Allée des snipers) |
Entre témoignages et scepticisme : où en est la vérité ?
D’un côté, les accusations de « safari humain » s’appuient sur des témoignages troublants. Le journaliste italien Ezio Gavazzeni a recueilli celui d’un officier du renseignement bosniaque. Ce dernier aurait alerté le Sismi, les services secrets italiens, dès 1994. Selon lui, ces « touristes de la mort » ne venaient pas seulement d’Italie, mais aussi de France, d’Allemagne ou du Royaume-Uni.
De l’autre, le scepticisme est palpable. Des vétérans serbes nient ces allégations avec force. Plus encore, des soldats britanniques des forces de l’ONU, interrogés par la BBC, balayent ces rumeurs. Ils parlent d’un « mythe urbain ». Organiser de tels voyages, avec les nombreux points de contrôle, leur paraissait logistiquement impossible.
Alors, que retenir ? Pour l’instant, ces accusations, aussi glaçantes soient-elles, ne sont pas des faits judiciairement établis. L’enquête en cours en Italie est donc cruciale. Elle seule pourra peut-être séparer le mythe d’une terrible réalité. Trente ans après, la quête de vérité ne fait que commencer.
- Les accusations : Des témoignages forts, notamment dans le documentaire « Sarajevo Safari », une plainte d’un journaliste italien et des informations issues de services de renseignement.
- Les doutes : Des démentis fermes d’anciens combattants serbes et le scepticisme de militaires de l’ONU pointant l’impossibilité logistique.
- Le statut actuel : Une enquête pour meurtre aggravé est ouverte en Italie, tandis qu’une autre piétine en Bosnie. La justice avance, mais lentement.
Trente ans après les faits, la rumeur macabre du « safari humain » de Sarajevo refait surface avec force. Entre les témoignages glaçants du documentaire et le scepticisme de certains vétérans, la vérité reste à établir. L’enquête italienne sera cruciale pour déterminer si cette pratique barbare fut un terrible mythe ou une réalité inavouable.
Les questions que vous vous posez !
Quelles sont ces accusations de « safari de guerre » à Sarajevo ?
Les accusations de « safari de guerre » ou « safari humain » concernent des allégations selon lesquelles, durant le siège de Sarajevo (1992-1996), des étrangers fortunés auraient payé des forces serbes de Bosnie pour avoir le droit de tirer sur des civils depuis des positions de snipers. Ces « touristes de guerre » n’auraient agi ni par idéologie ni pour des raisons politiques, mais uniquement pour le plaisir macabre de la chasse à l’homme.
Ces accusations, qui circulaient sous forme de rumeurs depuis les années 90, ont récemment pris une dimension officielle avec l’ouverture d’une enquête pour meurtre volontaire aggravé par le parquet de Milan, suite à une plainte déposée par l’écrivain italien Ezio Gavazzeni.
Qui enquête sur ces allégations de snipers étrangers ?
L’enquête principale est actuellement menée en Italie par le parquet de Milan, sous la direction du procureur Alessandro Gobbi. Elle a été déclenchée par une plainte formelle et un dossier de preuves compilé par l’écrivain Ezio Gavazzeni, ainsi que par un signalement de l’ancienne maire de Sarajevo, Benjamina Karić. L’enquête italienne vise des chefs d’accusation de meurtre volontaire aggravé.
Une enquête a également été ouverte en Bosnie en 2022, suite à la diffusion d’un documentaire sur le sujet, mais celle-ci semble actuellement au point mort. L’attention se concentre donc principalement sur les développements de la procédure judiciaire en Italie.
Qu’est-ce que le documentaire « Sarajevo Safari » ?
« Sarajevo Safari » est un documentaire slovène réalisé en 2022 par Miran Zupanič. Ce film a joué un rôle de détonateur en ravivant l’intérêt médiatique et judiciaire pour ces accusations. Il présente des témoignages anonymes, notamment celui d’un ancien soldat serbe et d’un intermédiaire, qui décrivent l’organisation de ces « chasses à l’homme » pour des clients occidentaux fortunés.
Le documentaire a été l’élément clé qui a poussé l’écrivain Ezio Gavazzeni à approfondir ses recherches et à déposer plainte, conduisant à l’ouverture de l’enquête actuelle à Milan.
Quel était le contexte du siège de Sarajevo et de la « Sniper Alley » ?
Le siège de Sarajevo a duré près de quatre ans, d’avril 1992 à février 1996, et a causé la mort de plus de 11 500 personnes, dont des milliers de civils. Durant cette période, la ville était encerclée et soumise à des bombardements et à des tirs constants de snipers positionnés sur les collines environnantes. Les civils étaient des cibles quotidiennes, transformant chaque déplacement en un risque mortel.
L’artère principale de la ville, le boulevard Meša Selimović, était tristement surnommée « Sniper Alley » (l’Allée des snipers). Traverser cette avenue exposait directement les habitants aux tirs, symbolisant la terreur et la vulnérabilité totale de la population civile durant le siège.
Les accusations de « safari humain » sont-elles prouvées ?
À ce jour, ces accusations restent des allégations très graves qui ne sont pas encore judiciairement établies. L’affaire repose sur plusieurs témoignages, notamment ceux présentés dans le documentaire « Sarajevo Safari » et ceux recueillis par des journalistes, qui suggèrent l’existence de ces pratiques. Un officier du renseignement bosniaque aurait même alerté les services italiens dès 1994.
Cependant, un certain scepticisme demeure. Des vétérans serbes nient fermement ces faits. De plus, d’anciens soldats britanniques des forces de l’ONU, interrogés par la BBC, ont qualifié ces rumeurs de « mythe urbain », soulignant les difficultés logistiques qu’aurait représentées l’organisation de tels voyages dans une zone de guerre. L’enquête italienne en cours sera donc décisive pour tenter d’établir la vérité.
