L’espèce humaine a une forte proportion à préférer trouver un responsable à ses malheurs, plutôt que des solutions et des actions pour les résoudre. Le bouc émissaire n’est pas une conception moderne. Depuis toujours, les civilisations s’acharnent sur des minorités constituées malgré elles en bouc émissaire.
La raison de tous les maux de la société : le bouc émissaire
Le bouc émissaire prend ses sources très tôt dans les textes antiques et dans les pratiques des civilisations humaines. Nous pouvons évoquer des traces dans la Grèce antique, notamment avec le phamakos. Il représente celui qu’on immole en expiation des fautes d’un autre.
Dans l’objectif de lutter contre une calamité qui arrive à la Cité, un homme ou une femme est désigné. Alors habillé(e) avec une tenue animale, il ou elle est sortie de la cité, condamné(e) à une mort lente, car abandonné(e) à lui(/elle)-même et devant survivre seul(e) ou bien simplement mis(e) à mort.
Ce type de pratique est également répertoriée dans les civilisations plus anciennes du Proche-Orient, et notamment l’Asie mineure avec les Hittites, les Hourrites du Kizzuwatna, au IIe millénaire av. J.-C.
Le mot bouc émissaire prend sa source dans le texte du Lévitique, une œuvre religieuse juive. Le terme est alors utilisé sous cette forme : bouc pour Azazel. Cette pratique consiste en une procession d’élimination.
Le passage du Lévitique présente une série de rituels de purification, concernant tant le sanctuaire que la communauté, que YHWH prescrit à Moïse afin que Aaron, symbolisant le grand-prêtre, les exécute : deux boucs sont tirés au sort, un « bouc pour YHWH » consacré par sacrifice pour purifier le Temple, et un « bouc pour Azazel » qui est chargé des péchés du peuple par l’imposition des mains de Aaron ; ce bouc est ensuite conduit « vers Azazel » et abandonné dans le désert en un rituel de séparation grâce auquel le peuple est lavé de ses fautes. À la période du Second Temple, le rituel non sacrificiel consiste à jeter un bouc dans un ravin à l’extérieur de Jérusalem
Wikipédia – Bouc émissaire.
Pour aider à la compréhension de la citation suivante, YHWH est un tétragramme correspondant au nom hébraïque de Dieu pour les Juifs.
Une utilisation salvatrice pour les populations
« Tel est le rôle historique de l’affaire Dreyfus. Sur ce bouc émissaire du judaïsme, tous les crimes anciens se trouvent représentativement accumulés. »
Georges Clemenceau, cité par le Thésaurus de la langue française.
Les boucs émissaires répondent à un besoin de la population d’expier les fautes, par l’intermédiaire d’un groupe de personnes considérés responsable d’une situation. Souvent, ce sont les minorités qui sont touchées par ces actes d’expiations.
Les exemples sont nombreux dans l’histoire. Les Juifs, les minorités religieuses, les minorités ethniques, des nations ou populations occupants un territoire (colonisateur, armée d’occupation, etc.).
De nombreuses études ont été réalisées, permettant de comprendre au mieux le fonctionnement de ce système d’expiation par les boucs émissaires. Sans pour autant détailler le fonctionnement complexe de ces rites, nous vous renvoyons vers James George Frazer avec Le Bouc émissaire, étude comparée d’histoire des religions, qui est le premier à user de ce terme en anthropologie pour parler de tous ces rites d’expiation.
L’ouvrage Le Bouc émissaire de René Girard (1982) explique le fonctionnement du bouc émissaire dans une conception intitulée le « triangle mimétique ». Ce fonctionnement repose sur plusieurs pratiques connues ou inconnues des membres, notamment le fait d’avoir à défaut d’être, mais aussi la méconnaissance des pratiques violentes, anxiogènes ou xénophobes que les membres de ce propre groupe ont contre les autres.
Ainsi, les boucs émissaires permettent de rejeter les péchés, erreurs ou tout autre choses négatives contre une fraction de la population, considérée comme la source de tous ces maux.
Le bouc émissaire le plus célèbre de l’histoire
Jésus-Christ est la représentation la plus célèbre de ce qu’est un bouc émissaire, condamné à mourir à cause de la population qui souhaite rejeter ses fautes et péchés sur lui. La Crucifixion de l’Agneau de Dieu marque la faiblesse de l’humanité, perdant l’envoyé de Dieu par son incroyance et sa perfidie.
Quelques liens et sources utiles
Tom Douglas, Scapegoats : transferring blame, Londres, Routledge, 1995
James George Frazer, Le Rameau d’or, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », 1984 ; Le Bouc émissaire, étude comparée d’histoire des religions, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, 1925
René Girard, Le Bouc émissaire, Paris, Grasset, 1982