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Le Sanctuaire Gallo-Romain Autricum : l’Histoire Chartres

Le sanctuaire gallo-romain Autricum offre une perspective sur la transformation économique, politique et culturelle de l'empire.
Chartres - Les Jardins de l'Évéché - Txllxt TxllxT (pseudo Wikipédia) | Creative Commons BY-SA 4.0
Chartres – Les Jardins de l’Évéché – Txllxt TxllxT (pseudo Wikipédia) | Creative Commons BY-SA 4.0

Autricum, l’ancienne Chartres, se distinguait par l’un des plus vastes sanctuaires de toute la Gaule romaine connus jusqu’à présent. Ce sanctuaire, nommé « Saint-Martin-au-Val », se situe à moins d’un kilomètre au sud du centre politique et administratif de l’antiquité, dans le quartier actuel de Saint-Brice.

Ce lieu sacré est constitué de plusieurs édifices, faisant l’objet de fouilles annuelles de deux à trois mois menées par les archéologues de la Ville de Chartres et de Chartres métropole.

Un sanctuaire d’une grande richesse archéologique

L’évolution du sanctuaire gallo-romain Autricum, entre le Ier et le IIIe siècle après Jésus-Christ, offre une perspective sur la transformation économique, politique et culturelle de l’empire.

En particulier, il illustre les changements dans la province de la Gaule, qui est devenue partie intégrante de l’Empire romain depuis -52, suite à la conquête de Jules César.

L’édifice monumental d’Autricum

L’édifice principal du sanctuaire, de forme rectangulaire, s’étale majestueusement sur 6 hectares (200 m x 300 m). Il est structuré autour de quatre galeries pour la circulation et des pavillons d’angle qui encadrent une cour s’étendant sur plus de 4,5 hectares. Les archéologues ont focalisé leurs études sur le coin nord-est de cette construction massive.

Sanctuaire Gallo-Romain Autricum - Thierry Duchesne
Sanctuaire Gallo-Romain Autricum – Thierry Duchesne

Les travaux initiaux ont commencé vers les années 70-80 de notre ère. Le site choisi, en contrebas du quartier Saint-Brice d’aujourd’hui, était alors un marais, sujet aux inondations régulières de l’Eure.

Cet obstacle n’a pas dissuadé les architectes. À l’aide de plusieurs milliers de tonnes de remblais, probablement issus des carrières avoisinantes (site rue de Reverdy), les travailleurs ont rehaussé et assaini toute la zone. Ils ont sculpté une partie de la colline pour créer une vaste esplanade, facilitant ainsi le transport des différents matériaux de construction.

Au début, l’attention est portée sur les murs des pavillons d’angle et des portiques qui bordent la cour intérieure. Vers les années 120-130 apr. J.-C., la réalisation de pièces rectangulaires (exèdres) et semi-circulaires (absides) le long de la façade monumentale est accomplie.

Après environ cinquante ans et probablement des investissements colossaux, la construction s’élève enfin, prenant forme et vie.

Une construction jamais achevée

Les décennies qui suivent le début de la construction du sanctuaire sont caractérisées par un arrêt abrupt des travaux, particulièrement perceptible dans l’angle nord-est du monument. Cette partie de l’édifice semble être laissée à l’abandon jusqu’au commencement du IIIe siècle après J.-C. Lorsque les travaux reprennent, il est manifeste que les plans d’origine ont été modifiés.

Les murs sont partiellement démolis pour en récupérer les silex et les utiliser dans d’autres projets de construction. Les colonnes, les chapiteaux et les blocs de calcaire sont transformés en chaux dans des fours mis au jour au nord du sanctuaire. Les artisans fondent à nouveau les éléments en bronze présents dans la structure. De vastes fosses sont creusées dans la cour et en face du monument pour y enfouir divers déchets issus du démantèlement du bâtiment. Le site devient alors une carrière à ciel ouvert, où tout ce qui peut être récupéré est recyclé pendant environ 80 ans.

Il semblerait que ce grand complexe monumental ait été précocement abandonné, dès le début du IIIe siècle après J.-C. Plusieurs questions restent en suspens. Les raisons de ce changement de programme pourraient être multiples : s’agissait-il d’un projet trop ambitieux ? Y a-t-il eu une mauvaise gestion ? Ou peut-être un problème d’approvisionnement ? Des réponses demeurent à découvrir.

Un temple secondaire dans le sanctuaire Gallo-Romain Autricum

Au-delà de la route qui longe la façade orientale du grand sanctuaire, un vaste ensemble de structures étend le complexe cultuel vers la vallée de l’Eure. L’une d’elles, explorée depuis 2013, semble correspondre à l’un des nombreux édifices de culte secondaires typiquement présents dans les grands sites religieux antiques.

Presque carré en plan (mesurant environ 25 m de chaque côté), cet édifice se développe autour d’une longue galerie plus ancienne, qui a été réaménagée à plusieurs reprises. Bien que le bâtiment ait été détruit jusqu’aux fondations de ses murs, certains de ses sols ont été partiellement préservés. Sa façade, orientée vers la rivière et accentuée par huit colonnes, se dresse fièrement sur un podium élevé, dominant les constructions environnantes. L’arrière du bâtiment, qui borde la route, est fermé. L’accès à l’intérieur de l’édifice se fait par la galerie, depuis le sud et le nord.

La pièce centrale du bâtiment, largement ouverte sur l’Eure, était le lieu principal de dévotion des visiteurs. Son sol était revêtu de calcaire et ses murs étaient richement décorés de plaques de roches colorées, comme en témoignent les éléments décoratifs abandonnés dans les débris de démolition. Un petit podium à l’extrémité de la pièce devait accueillir la statue d’une divinité ou un petit autel. Des fragments de statues retrouvés près de la façade attestent que Diane et Apollon étaient vénérés en ces lieux.

L’édifice a été construit autour de 70 après J.-C. et a été démantelé au début du IIIe siècle après J.-C., tout comme le grand sanctuaire.

Vestige du plafond à caissons en bois - Chartres Métropole | Domaine public
Vestige du plafond à caissons en bois – Chartres Métropole | Domaine public

Depuis 2017, l’attention des archéologues s’est portée sur une fontaine monumentale localisée à l’est du grand sanctuaire. Avec un sol en calcaire blanc, une base de mur en marbre de Carrare, et des élévations ornées de fresques ou de motifs sculptés dans la pierre, cette structure est un témoignage remarquable du savoir-faire et de l’élégance à la romaine.

Encore plus impressionnant, au cœur de la pièce, un grand bassin quadrangulaire en marbre blanc de Turquie a permis de préserver les vestiges uniques d’un plafond à caissons en bois, peint et sculpté.

Un site archéologique, internationalement reconnu

Le bois est un matériau qui résiste mal aux intempéries du temps et sa préservation dans des contextes archéologiques anciens est exceptionnellement rare. À Saint-Martin-au-Val, étonnamment, c’est l’union du feu et de l’eau qui a permis de sauvegarder le plafond sculpté : le feu, car les pièces portent les traces d’un incendie qui a durci le bois avant son effondrement ; l’eau, car le bassin dans lequel le bois est tombé était encore rempli, mettant ainsi fin à la combustion des bois avant leur destruction complète.

Le site a ensuite été abandonné, sans que les pièces ne soient récupérées. Les inondations successives de l’Eure ont finalement recouvert le lieu, préservant le plafond dans un environnement humide, privé d’air et de lumière : trois conditions idéales pour sa conservation.

La découverte d’un plafond à caissons antique sculpté et peint est d’une rareté inouïe. À titre de comparaison, la seule découverte comparable significative dans ce domaine provient du site de la villa de Telephus à Herculanum en Italie en 2010 !

Ce qui rend cette découverte encore plus unique, c’est la preuve d’une maîtrise exceptionnelle et très avancée du travail du bois, notamment par l’utilisation de techniques de charpenterie/menuiserie aujourd’hui disparues. On peut également souligner la délicatesse des décors végétaux soigneusement sculptés et l’innovation dans la fabrication des caissons aux formes losangiques, hexagonales et triangulaires.

Au final, l’état de conservation remarquable, la qualité de l’ouvrage et le contexte de découverte de ce plafond lui confèrent une renommée internationale indéniable.

La compréhension de l’histoire, par l’étude du bois

Les recherches sur le bois ont véritablement commencé en 2019. Pendant près de trois mois et demi, environ 1 000 fragments et pièces de bois ont été découverts par les archéologues. À long terme, l’objectif est certes de proposer une restitution de cet ensemble exceptionnel.

Mais au-delà de cet aspect, ce sont les techniques et les savoir-faire des anciens artisans bûcherons, charpentiers, menuisiers, forgerons et maçons qui sont étudiés. En somme, c’est un chapitre entier de l’histoire de l’artisanat du bois qui est en train d’être redécouvert.

Un site gallo-romain à visiter

Autricum est véritablement un lieu atypique qu’il est important de pouvoir visiter. Dans ce cadre-là, la Ville de Chartres permet les visites guidées du site archéologique tout en organisant des événements et des ateliers pour les plus jeunes.

Quelques liens et sources utiles

Site web, Archéo Ville de Chartres.

 Jules César, La Guerre des Gaules: Version Intégrale – Livres 1 à 8, 2020

Gérard Coulon, Jean-claude Golvin, Voyage en Gaule romaine, Errance, 2016

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